Hypertension artérielle : synthèse des recommandations internationales 2020

Dr Romain Boulestreau

Auteurs et déclarations

11 mai 2020

COLLABORATION EDITORIALE

Medscape &

Le Dr Romain Boulestreau (cardiologue, centre hospitalier de Pau) propose une synthèse, en 10 points-clés, des nouvelles recommandations 2020 de la Société Internationale d’Hypertension Artérielle (ISH) publiées ce mois-ci dans la revue Hypertension.

Les messages de ces recommandations sont très proches des recommandations européennes de 2018. L’organisation du texte est en revanche plus axée sur la pratique.

I - Définition, seuils, méthode de mesure de l’Hypertension Artérielle (HTA)

L’HTA est définie par une pression artérielle :

  • > 140 et/ou 90 mm Hg en consultation

  • > 135 et/ou 85 mm Hg en automesure et en Holter tensionnel diurne

  • > 130 et/ou 80 mm Hg et 120 et/ou 70 mm Hg en holter tensionnel des 24h et nocturne

  • Les seuils d’HTA grade 1, 2 et 3 sont repris : 140-90, 160-100, 180-110 mm Hg

Les recommandations habituelles sur la méthode de mesure sont maintenues :

  • au calme, sans effort ni cigarette depuis 30 minutes, après 5 minutes de repos.

  • appareil de bras validé, brassard adapté, placé à hauteur du cœur.

  • réaliser 3 mesures à une minute d’intervalle si la première est anormale, moyenner les 2 dernières

Il est recommandé de confirmer le diagnostic d’HTA par une méthode ambulatoire (Holter tensionnel ou automesures), 10 à 30% des patients présentant une HTA blouse blanche.

II - Bilan à réaliser devant un diagnostic d’HTA

L’objectif de ce bilan est de rechercher les complications de l’HTA, d’évaluer le niveau de risque cardiovasculaire et de rechercher des critères devant conduire à un bilan d’HTA secondaire (début avant 30 ans, hypokaliémie, insuffisance rénale/protéinurie notamment).

Ce bilan comprend, en plus de l’interrogatoire et de l’examen physique, un dosage de kaliémie, natrémie, créatininémie/eGFR, bilan lipidique, glycémie à jeun, une bandelette urinaire et un ECG.

III - Évaluer le risque cardiovasculaire

L’approche conventionnelle, basée sur le niveau de pression artérielle d’une part, et le nombre de facteurs de risque d’autre part est reconduite.

  • La présence d’atteinte d’organe cible, d’une maladie rénale chronique de stade 3 ou plus (DFG < 60 ml/min), d’un diabète de type 2 ou d’une comorbidité cardiovasculaire place d’emblée le patient à haut risque. 

IV - Éliminer la prise de substance pro-hypertensive

Il est recommandé de dépister, et si possible éliminer, la prise de substances favorisant l’HTA.

Les principales sont les suivantes :

  • Contraception oestroprogestative, AINS, corticoïdes, antidépresseurs ISRSNi, triptans, réglisse et substances dérivées, cocaïne, amphétamine, anti-calcineurine (ciclosporine), excès d’alcool ou de sel.

Vous trouverez plus de détails dans les recommandations françaises sur l’HTA d’origine médicamenteuse

V - Traitement de l’HTA

      1. Mesures hygiénodiététiques (MHD)

Ces mesures sont applicables à tous les patients, dès le stade de pression artérielle « normale haute » (130-139 / 85-89 mm Hg).

Les leviers classiques sont repris :

  • Activité physique régulière (3 fois 30 minutes minimum par semaine)

  • Alimentation équilibrée (régime DASH) riche en potassium

  • Perte de poids

  • Limiter la consommation sodée, d’alcool, de substance excitante, le stress

     2. MHD seules ou associées d’emblée au traitement ?

Il est recommandé de proposer les mesures hygiéno-diététiques isolément, pendant 3 à 6 mois maximum, uniquement aux patients présentant une HTA légère de grade 1 (140-159 / 90 - 99 mm Hg), associée au maximum à 2 facteurs de risque cardiovasculaire.

  • Ceci sera d’autant plus efficace que le patient sera volontaire et qu’un ou plusieurs leviers d’action importants auront été mis en évidence.

Il est recommandé d’introduire d’emblée un traitement pour les patients présentant une pression artérielle >160/100 mm Hg ou un niveau de risque cardiovasculaire plus fort.

      3. Traitement pharmacologique

     4. Cible tensionnelle

Quelle que soit la cible tensionnelle choisie, elle doit être atteinte en 3 mois grâce à une réévaluation de la pression artérielle mensuelle, et une titration si besoin.

Avant 65 ans, la cible recommandée est entre 120 et 130 mm Hg de systolique et entre 70 et 80 mm Hg de diastolique si ce niveau de pression artérielle est bien toléré.

Au-delà de 65 ans, la cible générale est < 140 / 90 mm Hg si ce niveau est bien toléré, à adapter à l’état général du patient (fragilité des plus âgés notamment).

    5. Observance thérapeutique

Il est recommandé d’évaluer l’observance thérapeutique avant chaque escalade de traitement, et de mettre en place les stratégies suivantes pour la renforcer :

  • Favoriser la monoprise et les bithérapies fixes pour diminuer les comprimés.

  • Choisir l’heure de prise en fonction des préférences du patient, lier le traitement à une habitude quotidienne pour éviter les oublis.

  • Proposer au patient d’utiliser l’automesure tensionnelle.

VI - L’HTA résistante

L’HTA résistante est définie par une HTA persistante malgré la prescription d’au moins 3 traitements incluant un diurétique, à posologie optimale, après avoir éliminé une pseudo-résistance.

Cela représente 10% des hypertendus, 50% d’entre eux étant « pseudo-résistants » :

  • HTA blouse blanche

  • Traitement sous optimal (pas de diurétique, doses insuffisantes)

  • Inobservance thérapeutique

Il est recommandé d’adresser les patients présentant une HTA résistante à un centre expert pour réaliser systématiquement un bilan d’HTA secondaire, optimiser les traitements et discuter les protocoles interventionnels.

Si le patient est déjà sous IEC/ARA2, inhibiteur calcique et diurétique thiazidique-like à pleine dose, la ligne thérapeutique suivante sera le plus souvent la spironolactone (en l’absence de contre indication et sous surveillance de la kaliémie et créatininémie).

Voir les recommandations françaises sur l’HTA résistante

VII - L’HTA secondaire

Elle représente 5 à 10% de tous les hypertendus vus en médecine générale

  • Les causes les plus fréquentes sont l’hyperaldostéronisme primaire, les maladies rénales, la sténose des artères rénales, la prise de substance pressive, +/- le SAOS.

Un diagnostic précoce peut permettre de guérir ces patients de leur HTA. Il est recommandé de réaliser un bilan d’HTA secondaire chez les patients suivants :

  • HTA de début précoce (< 30 ans, surtout si pas d’obésité ou d’hérédité)

  • HTA résistante

  • HTA avec une anomalie évocatrice sur le bilan initial (hypokaliémie, insuffisance rénale, protéinurie)

  • Déséquilibre brutal d’une hypertension artérielle, urgence hypertensive

VIII - L’HTA du patient à la peau noire

Ces patients présentent une HTA plus jeunes, avec une fréquence plus importante d’atteinte des organes cibles, d’HTA résistante et un taux plus important de complications.

Leur prise en charge devrait se concentrer sur la restriction sodée, la perte de poids, la consommation de légumes et l’utilisation de bithérapie Inhibiteurs calcique - diurétique ou inhibiteur calcique - ARA2.

Les ARA2 sont préférés, ces patients présentant plus facilement des angio-œdèmes aux IEC.

Plus de détails dans les recommandations françaises spécifiques 

IX - L’HTA de la femme enceinte

Cela concerne 5 à 10% des femmes enceintes.

Les définitions et seuils habituels sont maintenus concernant l’HTA gestationnelle et pré-existante à la grossesse, la pré-éclampsie, l’éclampsie et le HELLP syndrome.

Le suivi de l’HTA par des mesures ambulatoires est recommandée pour éviter l’HTA blouse blanche, une pression artérielle > 170 mm Hg devant conduire à une hospitalisation.

Un traitement doit être systématiquement instauré en cas de pression artérielle persistante >150/95 mm Hg.

  • En cas d’HTA persistante >140/90 mm Hg, un traitement sera instauré devant la présence d’atteinte des organes cibles, ou de haut niveau de risque.

  • Les molécules recommandées sont la methyldopa, le labetalol, la nicardipine et nifedipine. Les IEC et ARA2 sont contre-indiqués, les diurétiques déconseillés.

Une HTA sévère (>170 / 110 mm Hg) impose une hospitalisation en urgence pour éliminer une complication et discuter le traitement antihypertenseur IV. 

Pendant l’allaitement, les inhibiteurs calciques de longue durée d’action sont conseillés.

Voir les recommandations françaises dédiées HTA et grossesse.

X - Les urgences hypertensives

Une élévation importante de la pression artérielle doit faire réaliser un bilan rapide incluant un examen cardiologique, neurologique, une NFS plaquettes, créatininémie, ionogramme sanguin, haptoglobine, LDH, bandelette urinaire, un ECG et un fond d’œil.

Une urgence hypertensive correspond à une élévation importante de la pression artérielle associée à une atteinte aiguë des organes cibles : cœur, rein, cerveau, rétine, artères.

  • En l’absence d’atteinte d’organe cible, une HTA même très sévère n’est pas une urgence hypertensive et peut être prise en charge comme une HTA de grade 3.

La prise en charge thérapeutique dépendra essentiellement de l’atteinte d’organe cible (OAP, dissection aortique, AVC etc.).

  • Un bilan d’HTA secondaire sera nécessaire à distance

Retrouvez les infos du Club des Jeunes Hypertensiologues sur la page partenariat de Medscape, le site  Internet et les comptes twitter  et facebook

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