Des fiches pour aider les parents d’enfants en difficulté pendant le confinement

Stéphanie Lavaud

5 mai 2020

Paris, France – Alors que la France entrait en confinement le 17 mars dernier, tout le service de psychiatrie de l'enfant et l'adolescent de l’hôpital Robert Debré a décidé de se mobiliser pour produire des fiches (56 à ce jour !) afin d’aider les parents d’enfants en difficultés dans cette période particulière. Une initiative originale qui a rencontré un franc succès avec plus de 350 000 visites sur le site depuis sa création (https://www.pedopsydebre.org/fiches-pratiques).

Interviewé par Medscape édition française, le Dr Benjamin Landman (service de pédopsychiatrie du Pr Richard Delorme, Hôpital Robert Debré, Paris) nous explique la genèse de ce projet et détaille le contenu de différentes fiches.

Penser les pratiques différemment

« Au sein du service, nous avons pris conscience dès le début du confinement que cette période allait être particulièrement difficile pour la population de patients que l’on suit et que leurs familles allaient perdre les soutiens habituels, apportés par les structures de jour, le recours aux psychiatres et psychologues et les organismes sociaux », se souvient le Dr Landman. « Ces circonstances exceptionnelles nous ont obligé à repenser nos pratiques, elles ont alimenté une réflexion clinique sur la façon dont on peut continuer à aider les familles à distance, comment trouver des solutions et compléter la boîte à outils des patients pour gérer les difficultés au quotidien ».

Mobilisation de toute l’équipe

De fait, tout le service (psychiatres, psychologues, addictologues, psychomotricien.ne.s, orthophonistes, etc) s’est organisé en à peine deux jours pour produire des fiches à destination des parents d’enfants en difficulté – « c’était un nouveau métier, qui nous a permis de participer à l’effort collectif» commente le pédopsychiatre.

Les premières fiches étaient adressées aux parents d’enfants avec un trouble de déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), puis, en parallèle, à ceux avec des enfants présentant un trouble du spectre de l’autisme.

 Des retours très positifs

« Tous les conseils sont ancrés dans des méthodes validées scientifiquement, toujours avec rigueur – un parti pris fondamental pour l’équipe » précise le pédopsychiatre. Et de fait, qu’elles soient consacrées à la parentalité en général, ou plus spécifiques à certains troubles psychiatriques de l’enfant, toutes les fiches se veulent à la fois pratico-pratiques et exigeantes sur le fond.

Un parti pris qui a sans doute participé au succès de l’initiative. « Très vite, les retours ont été positifs, on s’est rendu compte que les professionnels de santé étaient très intéressés par ces ressources-là. D’ailleurs, les fiches ont très rapidement été reprises par le Secrétariat d’Etat au handicap ».

L’enfant face au coronavirus

Un succès qui s’explique aussi par un réel besoin tant il est vrai, qu’avec l’épidémie de coronavirus et le confinement, beaucoup de choses se sont jouées pour et autour des plus jeunes. « L’impact sur la santé mentale des enfants en cette période est assez lourd en termes d’anxiété », confirme le Dr Landman. « Nous avons beaucoup entendu qu’ils étaient vecteurs de la maladie, que l’école était un lieu à risque de contamination, et, alors que se pose la question de la réouverture des écoles, parents et enfants ont peur ».

La parentalité pendant le confinement

Scolarité, télétravail, attention aux tout petits…Les parents sont aussi confrontés à des challenges. « Habituellement, les parents sont experts de leurs enfants, de leur situation. Mais avec le confinement, ils ont dû adopter la posture du parent, de l’enseignant, et parfois même du soignant. Ce qui est compliqué, c’est de se dire « je suis capable de le faire ». C’est pourquoi nous proposons aussi de petites vidéos comme, par exemple, sur la stimulation des enfants de moins de 2 ans. Cela donne des possibilités de travailler la psychomotricité pour les parents qui n’auraient pas le temps de lire les fiches ».

Autre grand sujet d’inquiétude des parents et source de conflits avec les enfants, la gestion du temps d’écran, fait, elle aussi, l’objet d’une fiche, qui se veut réaliste. « Le recours aux écrans est une méthode pour gérer cette période de déprivation sociale et de réduction de la vie en communauté.

L’idée, c’est de maitriser la consommation des écrans, sans diabolisation, de trouver en famille des règles qui soient réalistes et qui permettent de se réaliser. Le rapport à l’écran peut être "dédiabolisé" dès lors que des activités scolaires, sportives, manuelles ou artistiques (hors écrans) sont mises en place et que le temps d’exposition est adapté à l’âge. Les écrans peuvent même constituer une ressource considérable, comme les appels visios, qui permettent de maintenir un lien avec les amis et membres de la famille »

L’équipe de Robert Debré a aussi traité d’enjeux plus transversaux avec des conseils sur l’organisation du temps scolaire ou encore « travailler sur la volonté et la motivation ». « Nous avons par exemple proposé l’utilisation des tableaux à points : un classique des thérapies cognitives et comportementales », décrit le Dr Landman.

La question du burn-out parental

Le confinement oblige la plupart des parents à travailler de chez eux tout en s‘occupant des enfants : mission impossible ! « Gérer le travail par télétravail, les enfants parfois en bas âge, la vie domestique quotidienne, son propre stress…  la question du burn-out parental s’est rapidement imposée à nous. Nous avons donc rappelé des règles qui peuvent sembler un peu triviales sur « comment trouver du temps à soi, comment communiquer sur sa propre vie émotionnelle », soit le B.A BA de la prévention en santé mentale. Il s’agit de mettre un mot sur ses émotions, pouvoir les transmettre à son conjoint ou à sa conjointe et agir dessus pour revenir à un état mental satisfaisant. Cela peut se faire par le biais de la cohérence cardiaque, de la méditation de pleine conscience ou d’activités de loisir qui nous font plaisir mais encore faut-il trouver du temps dans la journée pour le faire. La question de la structuration de la journée et des espaces est un enjeu majeur pour retrouver de la sérénité. »

 

Troubles psychiatriques

Enfin, de nombreuses fiches sont destinées aux parents d’enfants souffrant des troubles psychiatriques (TDAH, spectre de l’autisme, déficit intellectuel, troubles du comportement alimentaire…). « La situation est particulièrement difficile pour les familles qui se sont retrouvées à gérer des enfants avec des pathologies lourdes, avec parfois des problèmes de comportement, lesquels peuvent être majorés par l’isolement, la réduction de l’activité physique ou une anxiété. Ces familles très courageuses en temps normal se retrouvent alors dans une sorte de huis clos sans les ressources d’aide habituelles. C’est une population extrêmement fragilisée par l’épisode de confinement ». D’où l’idée d’être à la fois très spécifique et facile d’accès dans la rédaction des fiches. « Dans ce cas, nous donnons des règles générales sur l’organisation et la structuration de sa journée mais également des outils pour poursuivre le travail initié par les psychomotricien.ne.s, les orthophonistes et les psychologues pour ne pas avoir une impression de stagnation et d’enfermement. Nous leur proposons de mettre en place des choses qu’ils connaissent mais avec des outils de professionnels. »

 

 

 

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