Chine, Etats-Unis – Que faut-il croire? Mercredi, les annonces se sont multipliées concernant le remdesivir, cet antiviral non enregistré initialement développé pour le traitement de l'infection à Ebola. The Lancet publiait ainsi les données d’une étude clinique randomisée chinoise concluant à une absence significative de bénéfice clinique du remdesivir. Dans le même temps, le NIH et le laboratoire Gilead évoquaient, eux, des conclusions inverses ...
Arrêt prématuré et absence de preuve d’un bénéfice de l’antiviral
L’étude clinique chinoise multicentrique [1] a été menée auprès de patients adultes atteints par une forme sévère de COVID-19 (symptômes depuis moins de 12 jours), et qui ont été randomisés en double aveugle entre le remdesivir (200 mg à J1 puis 100 mg/j jusqu’à J10) et un placebo en plus des soins standards. L’étude clinique, qui était menée dans 10 hôpitaux de Wuhan, a été arrêtée précocement du fait de la maîtrise locale de l’infection. Le groupe remdesivir et le groupe placebo contenaient respectivement 158 et 78 patients (âge moyen 65 ans, 56-65% d’hommes selon le bras) à l’issue de l’inclusion.
A partir d’une échelle cotée de 1 (sortie d’hospitalisation) à 6 (décès), le critère principal d’évaluation était le délai avant amélioration clinique dans les 28 premiers jours (amélioration clinique de 2 points ou plus). La répartition des patients dans les différents scores de cette échelle à J7, J14 et J28, la mortalité toutes causes à J28, la durée de ventilation ou d’hospitalisation ont constitué les principaux critères secondaires.
Un délai d’administration trop tardif ?
L’analyse des résultats ne met pas en évidence un bénéfice de l’antiviral : le remdesivir n'a pas permis d’obtenir un délai avant amélioration clinique statistiquement significative (21 vs 23 jours, rapport de risque 1,23 [0,87-1,75]) ni de bénéfice en termes de mortalité toutes causes à 28 jours (14% vs 13%). Cependant, restreinte aux patients dont la durée des symptômes était de 10 jours ou moins, il existait une tendance en faveur de l’antiviral (18 jours vs 23 jours, HR 1,52 [0,95-2,43]). Parmi eux, le taux de décès n’était statistiquement pas différent dans les deux groupes, malgré une tendance non significative. Les auteurs reconnaissent que l’absence de puissance statistique a pu limiter les chances de mettre en évidence un bénéfice clinique lié à l’antiviral et que son administration a pu être trop tardive, du fait de l’engorgement des services d’hospitalisation. Des traitements administrés conjointement (lopinavir/ritonavir, interférons et corticoïdes…) ont aussi pu influencer les résultats cliniques. Sur le plan virologique, toutefois, le remdesivir n'a permis d’obtenir ni une diminution significative de l’ARN viral ni sa détection dans les prélèvements réalisés au niveau des voies aériennes supérieures ou des crachats. Aussi, les auteurs invitent-ils à attendre les données d’une étude plus large ou conduite selon d’autres modalités (dose supérieure, association thérapeutique…).
Le NIH évoque des données positives
La semaine dernière, des fuites relatives à ces données avaient conduit Gilead, propriétaire de la molécule, à mettre en garde contre des conclusions trop hâtives [2], en évoquant la parution imminente de son étude ouverte randomisée conduite auprès de cas graves, et, fin mai, de celle conduite auprès de formes modérées de COVID-19. Mercredi 29 mars, un communiqué de presse proposait une simple évocation de la première d’entre elles : selon ce communiqué [3], l’essai ouvert randomisé de phase 3 SIMPLE a montré « une amélioration clinique similaire chez les patients présentant des symptômes sévères de COVID-19, qu'ils aient reçu 5 ou 10 jours de traitement », avec 65% et 54% présentant 2 point ou plus d'amélioration du score dans les groupes traités par 5 jours (n=200) ou par 10 jours (n=197), respectivement. A J14, le taux de décès serait, selon ce communiqué, de 8 et 11% (NS).
Le même jour, le NIH évoquait les données préliminaires [4] de son large essai Adaptive COVID-19 Treatment Trial (ACTT) - un essai adaptatif, randomisé, en double aveugle et contrôlé par placebo, destiné à évaluer la sécurité et l'efficacité de plusieurs molécules : dans cette étude, les patients hospitalisés présentant une forme avancée de COVID-19 avec atteinte pulmonaire, auraient une amélioration clinique plus précoce, selon l’analyse préliminaire des données (1063 patients) : « le temps avant récupération serait 31% plus court que celui des patients ayant reçu le placebo (p<0,001) » indique le NIH, soit 11 jours versus 15 jours. « Les résultats suggèrent également un bénéfice de survie, avec un taux de mortalité de 8,0% pour le groupe recevant le remdesivir contre 11,6% pour le groupe placebo (p=0,059) ».
Aucune de ces deux études n'est parue pour l'heure exhaustivement. Il reste donc délicat de conclure hâtivement sur l’efficacité ou l’absence d’efficacité de la molécule, même si les Etats-Unis annoncent réfléchir à l’inclusion du remdesivir dans le traitement de référence du COVID-19.
Cet article a été publié initialement sur Univadis.fr le 30 avril sous l’intitulé : Remdesivir dans le COVID-19 : des données discordantes
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Citer cet article: Remdesivir dans le COVID-19 : des données discordantes - Medscape - 30 avr 2020.
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