Zurich, Suisse — Des analyses histologiques chez trois patients Covid-19 montrent que le SARS-CoV-2 induit des endothélites et pourrait même infecter directement les vaisseaux. Cette dysfonction endothéliale indirectement ou directement liée au virus pourrait expliquer les différentes atteintes d’organes observées dans les formes graves de Covid.
Les données de l’équipe du Dr Zsuzsanna Varga et coll. (Zurich, Suisse) sont rapportées dans au lettre au Lancet [1].
« Il y a plusieurs arguments qui font penser qu’il y a une atteinte microvasculaire chez les patients Covid-19. L’article de l’équipe suisse montre qu’il y a une atteinte endothéliale deux façons possibles. La première, c’est une activation de l’endothélium via l’orage cytokinique, le syndrome inflammatoire est en effet très fort chez certains patients. La seconde, c’est une atteinte endothéliale directement par le virus. Toutefois, l’infection directe de l’endothélium par le SARS-CoV-2 n’est montrée ici que chez un patient et seulement au niveau du rein. Il faut donc rester prudent. Il est peut-être un peu préliminaire d’en tirer des conclusions sur une attaque par le virus », a commenté le Pr Chloé James (Chef de service du laboratoire d'hématologie, CHU de Bordeaux) pour Medscape édition française.
Sur cette même thématique, lire aussi l’interview du Pr Chloé James (Chef de service du laboratoire d'hématologie, CHU de Bordeaux) Et si les micro-thromboses jouaient aussi un rôle clé dans les complications du Covid-19 ?
Quel rationnel ?
C’est en se fixant sur le récepteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2 (ACE2) que SARS-CoV-2 infecte l’homme. Ce récepteur est exprimé dans différents organes : les poumons, le cœur, les reins, l’intestin mais aussi l’endothélium vasculaire. Or, l’endothélium vasculaire est un organe à la fois paracrine, endocrine et autocrine indispensable à la régulation du tonus vasculaire et au maintien de l’homéostasie vasculaire. Lorsque l’endothélium vasculaire dysfonctionne, le risque de micro-thrombose et de vasoconstriction augmente en particulier au niveau cardiaque (risque d’infarctus), pulmonaire (risque d’insuffisance respiratoire), rénal (risque d’insuffisance rénale), et digestif (risque d’infarctus mésentérique). En outre, il a été montré in vitro que le virus peut se multiplier sur des cultures d’endothélium.
« L’endothélium est habituellement une surface antithrombotique, qui inhibe les fonctions plaquettaires et la coagulation. Mais, il est connu qu’il peut devenir pro-thrombotique dans l’inflammation. Il n’est donc pas très étonnant que l’endothélium soit activé dans le Covid-19. En revanche, l’atteinte directe par le virus est plus originale », souligne le Pr James.
Analyses histologiques chez trois patients
Afin de préciser l’impact du SARS-CoV-2 sur l’endothélium humain, l’équipe de cardiologues suisses a réalisé une analyse histologique sur des prélèvements effectués chez 3 patients (deux en post-mortem, et une pièce opératoire d’un patient qui a survécu à l’infection en dépit d’un infarctus mésentérique).
Chez le premier patient, un homme de 71 ans hypertendu, avec une coronaropathie et transplanté rénal, décédé d’une défaillance multiviscérale après avoir été mis sous ventilation, ils ont retrouvé des signes d’inflammation et d’apoptose vasculaire au niveau du cœur, de l’intestin grêle et des poumons. La microscopie électronique a révélé des structures virales dans les cellules endothéliales rénales.
Chez la deuxième, une femme obèse, diabétique, hypertendue de 58 ans, un infiltrat lymphocytaire a été détecté au sein de l’endothélium pulmonaire, cardiaque, rénal et hépatique. La patiente qui a développé une insuffisance respiratoire et une atteinte multiviscérale, présentait des signes d’infarctus du myocarde, mais le diagnostic de myocardite lymphocytique a été écarté.
Enfin, l’analyse effectuée sur la pièce opératoire du dernier patient, un hypertendu de 69 ans, qui a subi une résection intestinale en raison d’un infarctus mésentérique, a retrouvé une inflammation endothéliale des vaisseaux de la sous-muqueuse et des signes d’apoptose cellulaire en regard.
Dans les trois cas, les auteurs signalent des signes d’infection virale des cellules endothéliales et une inflammation de l’endothélium. Les auteurs suggèrent que le recrutement de cellules immunitaires, soit par le biais d’une infection directe de l’endothélium soit par réaction immunitaire généralisée, pourrait entrainer une dysfonction endothéliale multi viscérale associée à une apoptose cellulaire. C’est cette dysfonction généralisée associée à une apoptose et une pyroptose (mort cellulaire par activation de la caspase-1) qui pourrait expliquer en partie certaines défaillances multi viscérales dont souffrent des patients atteints de COVID-19.
Une piste thérapeutique pour les patients à haut risque cardiovasculaire ?
Les complications cardiovasculaires sont une des principales menaces du Covid-19. Stabiliser l’endothélium vasculaire – tout en luttant contre la réplication virale – pourrait donc permettre de prévenir certaines complications cardio-vasculaires chez les patients à haut risque atteints de COVID-19, indiquent les auteurs.
Les chercheurs proposent donc d’évaluer l’intérêt de stabilisateurs endothéliaux tels que les anti-inflammatoires, les anti-cytokines, les IEC ou les statines chez les patients les plus vulnérables, présentant un dysfonctionnement endothélial préexistant, qui est associé au sexe masculin, au tabagisme, à l'hypertension, au diabète, à l'obésité et aux maladies cardiovasculaires établies.
Les liens d’intérêt des auteurs sont listés dans le papier.
Actualités Medscape © 2020 WebMD, LLC
Citer cet article: Une dysfonction endothéliale à l’origine des complications vasculaires du COVID-19 ? - Medscape - 27 avr 2020.
Commenter