CAPRI : forte efficacité du télé-suivi des patients sous anticancéreux oraux

Pr Olivier Mir

Auteurs et déclarations

4 juin 2020

Augmentation de la dose intensité relative, diminution des toxicités de grade 3 et des hospitalisations pour effets indésirables : l’essai randomisé français CAPRI, sur le suivi à distance des patients cancéreux sous traitements oraux, est positif. Résumé de l’étude avec l’investigateur principal, le Dr Olivier Mir.

TRANSCRIPTION

Olivier Mir, oncologue médical à l’Institut Gustave Roussy, à Villejuif, a présenté les résultats de l'essai randomisé de phase 3 appelé CAPRI [Cancer Parcours Région Île-de-France - NCT02828462] durant le congrès de l’ASCO 2020.

Objectif ― Cette étude pose la question des bonnes modalités de surveillance et de prise en charge des effets indésirables des traitements oraux contre le cancer, le constat étant qu’il n’y a pas de surveillance standardisée ou de modalité qui permettent d’éviter que les effets indésirables, parfois graves, surviennent chez 35 % à 40 % des patients qui ont des traitements oraux, que ce soit de la chimiothérapie orale ou des thérapeutiques moléculaires ciblées.

Design ― 609 patients ont été randomisés entre un bras standard de surveillance habituelle par l’oncologue référent, et un bras expérimental qui comporte cette même surveillance habituelle plus une intervention qui combine un suivi par des infirmières de coordination et une application Web mobile. Cette application a trois composantes : un tableau de bord pour que l’infirmière puisse suivre les patients, une interface avec les professionnels de santé extrahospitaliers — le médecin généraliste, le pharmacien d’officine, l’infirmière libérale — et puis, naturellement, une interface patient où celui-ci va pouvoir signaler les symptômes des effets indésirables, et éventuellement charger des résultats d’examens qui ont été faits hors du milieu hospitalier, et trouver des informations sur le traitement et ses effets indésirables.

L’étude a été conduite sur trois ans. Son critère de jugement principal était l’amélioration de la dose intensité relative, sachant que selon la littérature, 85 % des patients n’ont pas de suivi particulier.

Résultats ― L’étude CAPRI est positive sur son critère de jugement principal : la dose intensité relative est à 94 % et elle est significativement meilleure que dans le bras contrôle. On avait une population qui couvrait toutes les tumeurs solides, avec globalement 14 % des patients qui étaient âgés de + de 75 ans, et quasiment 42 % qui étaient âgés de + de 65 ans. L’inquiétude qu’on pouvait avoir sur la sous-représentation des patients âgés s’est dissipée. 40 % des patients étaient sous chimiothérapie orale et 60 % sous thérapeutiques moléculaires ciblées.

Si l’on regarde les critères de jugement secondaires, l’intervention permet de faire diminuer la survenue de toxicités de grade 3 et au-delà, liées au traitement. On passe de 37 % dans le bras standard à un peu plus de 27 % dans le bras intervention CAPRI. L’intervention a aussi fait diminuer le nombre d’hospitalisations : on passe de 32 % à 23 % des patients qui ont au moins une hospitalisation. On diminue le nombre de journées d’hospitalisation et le nombre de passages aux urgences. Par ailleurs, l’intervention a permis d’augmenter le recours aux soins de support et a permis d’augmenter et d’améliorer significativement l’expérience patient.

Extrapolation ― Cette intervention est forte d’un point de vue du niveau de preuve : on est sur un essai randomisé de phase 3 qui est positif. C’est une étude prospective, avec un groupe contrôle, une population de la vraie vie, des traitements qui ont une AMM.

La validité externe, la possibilité d’extrapoler ces résultats à la pratique de routine est déjà une réalité à Gustave Roussy, puisque ce type de suivi est devenu une procédure de routine hors essais cliniques.

C’est également quelque chose qui peut se discuter avec une utilisation dans d’autres centres avec lesquels nous sommes en contact, toute l’utilité du dispositif étant, bien sûr, d’avoir les deux facettes. C’est-à-dire : l’application Web mobile / l’interface digitale, mais aussi l’apport managérial organisationnel d’avoir des infirmières de coordination qui ont des arbres décisionnels pour savoir quand référer à l’oncologue traitant et quand gérer une situation seules. Et dans l’étude CAPRI, les infirmières ont géré 75 % des situations sans solliciter l’oncologue référent.

Enfin, de futures études sur ce type d’intervention vont se poursuivre pour essayer d’identifier la population qui tire le plus grand bénéfice de cette intervention, pour explorer de façon plus approfondie certains types de tumeurs, certains types de traitement plus récents qui posent des problèmes de toxicité et — le jeu de mots étant facile — on peut conclure en disant que, « CAPRI, c’est pas fini. »

Discussion enregistrée le 17 juin 2020

Direction éditoriale : Véronique Duqueroy

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