France – Le nombre de consultations et d’appels aux urgences pour des motifs autres que le Covid est en chute libre. Médecins libéraux, hospitaliers et urgentistes lancent un appel pour que les patients suivis pour des pathologies chroniques ou qui ressentent des symptômes inhabituels et évocateurs retournent consulter.
Cabinets désertés
« Nous médecins, nous vivons Covid, nous respirons Covid, nous ne parlons plus que de Covid. Quant aux patients, ils sont terrorisés à l'idée de venir au cabinet. Il n'y a plus personne » résume le Dr Jean-Luc Leymarie, généraliste à Rueil-Malmaison (92) et secrétaire général adjoint de l'URPS médecins libéraux Ile-de-France, qui a alerté au début du mois « sur la diminution considérable de la demande de rendez-vous, d’appel ou de venue pour d’autres motifs que la suspicion de coronavirus ». Désertion dont s’est aussi fait écho, le Dr Usdin, cardiologue de ville, dans un billet sur Medscape.
Il est vrai que depuis plus d’un mois, l’infection à Covid-19 a pris toute la place, ne laissant que peu voire plus d’espace aux autres pathologies. A croire que l’on ne ressent plus les douleurs de l’infarctus, que le diabète s’est résorbé, que les problèmes visuels ne s’aggravent plus...Les cabinets de médecins sont désertés, les appels aux services d’urgences ont diminué de manière drastique…et les médecins s’inquiètent. Va-t-on assister dans quelques semaines, comme cela s’est vu en Italie, à une aggravation de la morbidité et de la mortalité, car les patients auront trop attendu pour consulter ?
« Cela ne peut plus durer » confirme le Pr Franck Boccara (cardiologue, hôpital Saint-Antoine, Paris) à Medscape édition française, qui craint un effet rebond dans un futur proche. « On est dans une situation qui pourrait devenir explosive si les gens ne vont pas se faire soigner » avertit aussi le Dr Leymarie.
Avec l’annonce de la poursuite du confinement jusqu'au 11 mai, il faut maintenant relayer un message simple : tous les patients atteints d'une maladie chronique doivent reprendre rendez-vous avec leur médecin traitant. Les professionnels de santé doivent aussi prendre contact avec leurs patients perdus de vue. Pour que les pathologies non prises en charge aujourd'hui ne soient pas les urgences de demain.
Des urgences vitales divisées par deux
Sur le front des Urgences, le Pr Franck Boccara indique qu'en Ile-de-France les urgences vitales ont diminué de 50 % et que des confrères de régions où l'épidémie est moins intense lui rapportent, eux aussi, une diminution de 20 % des appels au Samu.
Que se passe-t-il ? Ne pas déranger les soignants, peur d'attraper le virus... Devant les caméras de France 3, le Pr Vincent Bounes (urgentiste, CHU de Purpan, Toulouse) a avancé ces pistes d'explications parmi lesquelles la peur du Covid et celle de déranger des professionnels de santé bien occupés par ailleurs.
Sauf qu'il est impossible de rester dans une telle situation. Il faut que les personnes qui en ressentent le besoin téléphonent au Samu sans tarder, même si l'appel est sans rapport avec le Covid. « Les autres pathologies, en particulier cardiovasculaires et psychiatriques, ne sont pas délaissées par le Samu. Il faut que les patients le sachent et ne diffèrent plus leur prise en charge » confirme Franck Boccara.
Au Samu 31, le Pr Bounes observe des infarctus plus graves qu'habituellement parce que ceux qui en sont victimes attendent plus longtemps pour contacter les urgences. Or, faut-il le rappeler, le délai entre l'apparition des premiers symptômes et la prise en charge est décisif pour le pronostic.
Rappeler les patients aux rendez-vous reportés
Début mars, nombre d'interventions non urgentes ou de rendez-vous ont été reportés. Désormais, avec le prolongement du confinement, les recommandations des syndicats de médecins évoluent.
Ainsi, le Dr Jean-Luc Leymarie conseille aux médecins généralistes d'être pro-actifs. « Il ne faut pas hésiter à consacrer une demi-journée par semaine à téléphoner aux patients que l'on voyait régulièrement et les inviter à revenir au cabinet. Et aussi passer au crible son carnet de rendez-vous des derniers mois pour identifier les patients fragiles qu'on aurait perdus de vue » explique-t-il. De même, « il n'est plus possible de repousser le suivi des patients avec une pathologie chronique (diabète, CV, asthme,...). Il faut aussi que les patients se tournent vers leur médecin pour refaire le point ». Des messages que le généraliste peut passer à sa patientèle lors d'un contact téléphonique.
Même message de la part du Pr Boccara, cardiologue hospitalier, qui estime qu’« il faudrait maintenant rappeler les patients dont les rendez-vous avaient été repoussés. Ceux qui présentent un rétrécissement de la valve aortique, ceux dont une dilatation coronaire était programmée, ceux qui devaient faire un bilan de dysfonction ventriculaire gauche... » avant de poursuivre « comme on travaille avec une population âgée, c'est très important de vérifier que nos patients ne sont pas isolés, de les rappeler toutes les semaines si on sent que c'est nécessaire ».
Rassurer en rappelant que le risque d'infection est limité
On est confinés, c'est un fait. Mais on doit pouvoir retourner voir son médecin, sans avoir peur de la contamination. Et ce d’autant que les quelques semaines qui viennent de s'écouler ont permis de mettre en place de nouvelles procédures pour sécuriser la consultation en présentiel. Beaucoup de médecins, comme le Dr Leymarie, commencent par un contact téléphonique ou une téléconsultation et ne demandent aux gens de venir que lorsque c’est indispensable. Tout en sachant que les salles d'attente accueillent beaucoup moins de patients en même temps qu’avant et que les praticiens, bien sûr, portent un masque.
Même attitude chez le cardiologue hospitalier. « Pour éviter que mes patients viennent à l'hôpital pour des symptômes qui nécessitent d’être examinés, en cas d'œdème ou d'essoufflement par exemple, je les oriente vers des cardiologues en libéral. Deux-tiers d'entre eux sont tout à fait disponibles pour les recevoir dans une consultation » explique Franck Boccara. Avant de conclure « pour moi, cette crise sanitaire hypertrophie la nécessité d'avoir un réseau efficace entre l'hôpital, le médecin généraliste et les spécialistes en ville ».
Une autre spécialité, l’ophtalmologie nécessite aussi un suivi régulier des patients, en particulier ceux souffrant de maladies de la rétine, de glaucome et d’atteintes vasculaires ou présentant de pathologies douloureuses. Dans un message sur son site, l'hôpital des Quinze-Vingt (Paris) a tenu à rassurer ceux qui doivent se rendre à l'hôpital en leur expliquant qu’ils sont reçus dans des conditions optimales de sécurité vis-à-vis du risque infectieux.
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Citer cet article: Patients : retournez chez le médecin ! - Medscape - 17 avr 2020.
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