Les étudiants du Kremlin-Bicêtre sont montés au front

Marine Cygler

Auteurs et déclarations

13 avril 2020

Le Kremlin-Bicêtre, France – Qu'ils aient à peine commencé leurs études ou bien qu'ils aient quasiment écumé tous les services du CHU ou des hôpitaux conventionnés, les étudiants de la faculté de médecine Paris-Saclay participent à la gestion de la crise sanitaire. Comme ailleurs en France, main dans la main avec leurs aînés, ils se sont organisés pour aider dans les services en surchauffe. Qui au Samu, qui comme faisant fonction d'infirmier, qui comme aide-soignant... Une mobilisation inédite qui, d'après les représentants des étudiants de cette université, renforce leur vocation de futur médecin.

Tout a démarré le 16 mars dernier. Une cellule de crise se met en place au sein de la faculté. Elle réunit encore aujourd'hui tous les deux jours, le Doyen et les enseignants de la faculté, des représentants des hôpitaux Paris-Saclay et les représentants des étudiants.  Elus en janvier dernier, ils sont vingt, de la deuxième à la sixième année.

Parmi eux, il y a Hugo Fior (23 ans, externe en 5ème année), Margot Bursachi (21 ans, étudiante en 3ème année) et Jean-Vincent Lacqua (27 ans, externe en 6ème année) qui ont raconté à Medscape édition française cette nouvelle expérience.

Des externes renvoyés chez eux puis réaffectés

« Au début de la crise, certains services, comme ceux de chirurgie, dont l'activité était réduite, ont renvoyé les externes chez eux », raconte Hugo Fior. Ces externes se sont tournés vers leurs représentants qui ont établi des listes de volontaires en vue d'une réaffectation dans les services aux besoins augmentés.

« A l'hôpital du Kremlin-Bicêtre, dans l'unité Covid + il y a des chefs de service qui font brancardiers ou aide-soignants. Quand on voit ce que font nos aînés, et devant la masse de patients, c'était une évidence pour tous les étudiants qu'il fallait se mobiliser », explique Jean-Vincent Lacqua, qui est affecté à la plateforme Terr-eSanté (https://www.terr-esante.fr) pour le suivi des patients Covid à domicile.

 
Quand on voit ce que font nos aînés, et devant la masse de patients, c'était une évidence pour tous les étudiants qu'il fallait se mobiliser. Jean-Vincent Lacqua
 

« Certains externes sont déployés dans des services en tant qu'externes. D'autres, comme ceux qui étaient en stage en chirurgie orthopédique à Bicêtre sont maintenant en unité Covid où ils remplissent des missions d'aide-soignants et de logisticiens », détaille Hugo Fior.

Ceux qui se sont portés volontaires pour faire fonction d'infirmier font une formation express d'une demi-journée au campus Picpus de l'AP-HP. L'objectif : apprendre les gestes infirmiers en quatre heures.

Manque chronique de personnel paramédical

Aujourd'hui, Hugo Fior ne cache pas son agacement car le manque de personnel médical au sein de l'AP-HP n'est pas un problème nouveau. « Cela fait deux ans qu'on alerte sur ce manque chronique d'infirmières et d'aide-soignantes au sein de l'AP-HP. Il y a quatre ans j'ai fait un stage dans le service de chirurgie orthopédique du Krelim-Bicêtre : il y avait alors une infirmière pour huit patients. Aujourd'hui, dans le même service il y a une infirmière pour 14 patients » explique-t-il. Dénoncée depuis longtemps, la pénurie d'infirmières a été mise en lumière lors des manifestations de novembre. Or pour ces représentants étudiants, parce que la situation a été laissée sans solution, ce qui était une mise sous tension est maintenant une catastrophe. 

 « L'AP-HP demande aux externes de la 4ème à la 6ème année de faire fonction d'infirmier. Le manque de personnel paramédical va donc être pallié par des étudiants de deuxième cycle sur la base du volontariat. Bien sûr, les étudiants répondent présents et vont faire fonction d'infirmier pendant cette crise. C'est notre devoir, notre mission », indique-t-il. D'ailleurs suite à l'appel de l'AP-HP, 90 étudiants sur 350 de la faculté de médecine Paris-Saclay se sont portés volontaires en seulement 24 heures.

« Mais nous veillerons à ce que la situation ne se pérennise pas par la suite : les étudiants ne pourront pas éternellement faire les bouche-trous d'un système sous tension », prévient-il.

 
Je découvre le monde non-médical de l'hôpital. Plus tard, je serai plus consciente de leur rôle. Margot Bursachi
 

Des étudiants de 20 ans brancardiers

Outre les externes, on retrouve aussi sur le terrain les étudiants plus jeunes, moins avancés dans le cursus universitaire. Dans les services, ils sont aide-soignant, brancardier ou logisticien. Le point commun : la motivation et la volonté d'aider.

« J'aide à la lingerie depuis le 30 mars de 7h à 14h. Nous sommes six étudiants à prêter main forte : nous travaillons en binôme un jour sur trois », explique Margot Bursachi, représentante des étudiants de deuxième et troisième année qui ont été 70 % à se mobiliser. Parmi ceux qui ne se sont pas mobilisés, beaucoup ne le peuvent pas. Notamment quand ils vivent encore au domicile de leurs parents et que ces derniers font partie des populations à risque.

« On récupère du linge sale dans les services. Le linge propre arrive par parquet de 10 à 20 draps qu'on range. C'est très physique, je n'imaginais rien de tout ça », énumère-t-elle. Mais l'ambiance est très bonne et les gens très gentils, dit-elle.

Ces jeunes étudiants ont accès à une facette qui leur est inconnue de l'hôpital. Une chance pour eux. « Je découvre le monde non-médical de l'hôpital. Plus tard, je serai plus consciente de leur rôle », indique Margot Bursachi qui estime que cette expérience de crise sanitaire « rapproche les étudiants du personnel paramédical ».

Et elle n'est pas peu fière de préciser qu'au cours de conversations téléphoniques, des cadres infirmiers de différents services ont témoigné toute leur reconnaissance d'avoir des étudiants motivés à leurs côtés. 

 

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