Actualisation du 9 avril-- Fin de partie pour le ver marin dans le Covid-19?
L’essai sur le ver marin prend fin avant même d’avoir démarré. Dans un communiqué envoyé ce jour, le 9 avril, l’AH-HP fait part de sa décision de ne plus être promoteur de l’essai clinique de phase 1 visant à évaluer le produit de la société Hémarina M101 portant sur une protéine issue du sang de vers marins, que nous évoquons ci-dessous. L'AP-HP précise que l’essai n’avait pas débuté et aucun patient n’a donc reçu ce produit expérimental. Cette décision fait suite à celle de l’Agence Nationale de Sécurité des Médicaments (ANSM) en date du 8 avril 2020 faisant état de résultats négatifs d’une étude préalable non portée à la connaissance. Dans son avis, l’ANSM indique qu’elle vient d'apprendre la réalisation en 2011 d’une étude non clinique chez le porc avec le transporteur d’oxygène M101 développé par la société Hemarina, avec une létalité de 100% dans le bras M101. Considérant le fait que les données et résultats de cette étude n’ont pas été versés au dossier de demande d’autorisation, l’ANSM demande la suspension en urgence de toute inclusion.
Dans la journée, Hémarina a fait savoir dans un communiqué qu'il avait fourni à l'ANSM les « éléments complémentaires demandés par l'ANSM» et ce, dès le 8 avril, « à savoir les détails d'une étude préclinique de 2011 sur des modèles animaux». Cette étude préclinique portait sur un produit non pharmaceutique totalement différent du produit actuel, précise Hémarina et n'avait pu, à l'époque, conclure « au bénéfice ou à l'absence de bénéfice du produit ».
Hemarina déplore cette décision « expéditive » de la direction de l'AP-HP de ne pas poursuivre cet essai, alors que les information demandées par l'ANSM ont été apportés.
« Nous avons pris note du retrait de l'AP-HP que nous déplorons » explique Franck Zal, fondateur d'Hemarina, qui précise « Nous sommes confiant sur une autorisation rapide à venir de la part de l'ANSM, en collaboration avec un autre ou d'autres promoteurs cliniques à venir. »SL
France – A pandémie exceptionnelle, stratégies thérapeutiques exceptionnelles. Outre les essais cliniques en cours comme Discovery (voir encadré en fin d’article), et beaucoup d’autres visant à évaluer l’efficacité de produits déjà connus pour leur efficacité dans d’autres indications, plusieurs études sont en cours en France faisant appel à des stratégies plus innovantes comme le ver marin, la transfusion de sérum de patients guéris, le transfert de cellules souches ou de cordon, ou encore la vaccination BCG.
L’arénicole, le ver marin à l’hémoglobine riche en oxygène
Le plus original de tous est probablement l’essai MONACO un transporteur d’oxygène issu de l’hémoglobine de ver marin chez des patients ayant un syndrome de détresse respiratoire aigu lié au Covid-19. Contrairement au nom de l’étude, cette recherche est initiée par une entreprise basée à Morlaix (Finistère), Hemarina, qui s’est spécialisée dans l’étude de l’arénicole, cet invertébré présent sous le sable des plages bretonnes (nommé buzuc en breton). Son fondateur, Franck Zal, s’interroge depuis plusieurs années sur les capacités de cet organisme vieux de 450 millions d'années capable de respirer entre la marée haute et la marée basse. La réponse réside dans l’hémoglobine de l’invertébré, très semblable à l'hémoglobine humaine mais quarante fois plus oxygénante. Autre spécificité qui est aussi un avantage, elle est 250 fois plus petite qu'un globule rouge, ce qui lui permet de passer dans des endroits où la circulation est réduite. Enfin, n’ayant pas de typage sanguin, elle est universelle et donc compatible avec tous les groupes sanguins.
Cette molécule a déjà été testée avec succès lors de greffes de rein et de la greffe totale du visage réalisée en 2018 par le Pr Lantieri, fervent défenseur de la molécule qui a pressé les autorités d'autoriser le test de la molécule d'Hemarina dans le contexte du Covid.
Aujourd’hui, après un avis favorable de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), cette molécule va donc être testée dans le cadre d’un essai mené par l’AP-HP chez 10 patients Covid+ dont l’état est très grave, en insuffisance respiratoire aiguë réfractaire, sous ventilation mécanique et non éligibles à l'oxygénation extracorporelle par ECMO (Extra-Corporal Membrane Oxygenation).
Dans cet essai ouvert pour une première administration de ce produit chez l’homme, l’objectif principal sera de démontrer la sécurité du traitement en vérifiant l’absence d’événements indésirables immédiatement après l’administration.
« Une fois injectée par voie intraveineuse, cette molécule va pouvoir libérer son oxygène et passer là où même un globule rouge ne passe pas. Il s’agit de tenter d’éviter que les patients arrivent trop vite en réanimation et qu’ils ne s'asphyxient par manque d'oxygène dans le sang » a expliqué Franck Zal dans une interview donnée à Sorbonne Université.
Injection de cellules de cordon ombilical
Autre option pour tenter de sauver les patients hospitalisés en réanimation dans un état grave, l’administration intraveineuse de cellules stromales mésenchymateuses de cordon ombilical, à raison de 3 injections à 48 heures d’intervalle.
L’essai Stroma-Cov2, randomisé et conduit en double aveugle, devrait inclure 60 patients intubés-ventilés recrutés dans six services de réanimation du groupe hospitalo-universitaire APHP Sorbonne Université et dans le service de réanimation de l'hôpital Européen Georges-Pompidou. Parmi eux, 20 recevront ces cellules souches totipotentes aux propriétés anti-inflammatoires, anti-fibrotiques et immuno-modulatrices, tandis que 40 autres personnes recevront une solution placebo en sus de la prise en charge standard. Le rationnel de l’essai repose sur le fait que les injections de cellules permettraient de contrôler la réponse immunitaire trop forte de certains patients conduisant notamment à une inflammation aiguë du tissu pulmonaire causée par une libération explosive et incontrôlée de molécules (cytokines) pro-inflammatoires et pour laquelle il n'existe à l’heure actuelle aucun traitement.
Transfert de plasma de patients convalescents
Chez les patients, non plus en réanimation, mais néanmoins en phase aiguë de l’infection, les chercheurs français vont tester une stratégie consistant à leur transférer du plasma de patients guéris du Covid-19, contenant des anticorps dirigés contre le virus, susceptible de transmettre cette immunité à un patient souffrant du Covid-19. Le rationnel est que le plasma des personnes guéries du Covid-19 contient des anticorps susceptibles d’aider les patients en phase aiguë de la maladie à lutter contre le virus.
Soixante patients seront inclus dans l’essai clinique, Coviplasm, promu par l’AP-HP avec le soutien de l’Inserm et l’Établissement Français du Sang (EFS). La moitié bénéficiera de l’apport en plasma-convalescent.
Les donneurs à qui on prélèvera 600 ml de plasma devront être guéris depuis au moins 14 jours. Le prélèvement se fera comme habituellement pour les dons de plasma par plasmaphérèse.
Deux unités de plasma de patients convalescents de 200 à 220 ml chacune seront transfusées au jour 6 (+/- 1 jour) du début des symptômes cliniques.
En l’absence d’événements indésirables aigus et imprévus chez les trois premiers patients, deux unités seront transfusées 24 heures après les deux premières, soit un total de quatre unités par patient.
« Une première évaluation pourra être rendue deux à trois semaines après le début de l’essai clinique. En fonction de l’efficacité du traitement et de l’absence d’apparition d’effets secondaires délétères, l’essai clinique pourra être élargi à un nouveau groupe de patients » précise le communiqué de l’Inserm.
La piste du BCG pour protéger les soignants
Enfin, la piste du vaccin BCG va, elle aussi, être explorée. Au départ de cette piste, une étude qui a colligé les cas d’infection et de mortalité au Covid-19 pendant 15 jours entre le 9 et le 24 mars dans 178 pays et conclu que « l’incidence du Covid-19 était de 38,4 par million dans les pays qui ont des programmes de vaccination versus 358,4 par million en l’absence de tels programmes. Le taux de mortalité était de 4,28/million dans les pays avec un programme de vaccination contre 40/million dans les pays sans », rapporte un article de Urotoday . Une différence significative d’un facteur 10 qui a beaucoup surpris les auteurs. De même, une étude du New York Institute of Technology parue la semaine dernière, a observé que les pays avec une politique de vaccination systématique pour le BCG, comme le Japon et le Brésil, semblaient moins impactés par le Covid-19 que ceux qui n’en n’ont pas comme l’Italie, les USA et les Pays-Bas. On sait, par ailleurs, que le BCG, un vaccin vivant, a démontré chez les enfants un effet protecteur non spécifique contre les infections, en particulier respiratoires. De fait, l’idée a émergé au cours des dernières semaines que le vaccin contre le BCG puisse constituer un candidat vaccin potentiel contre le Covid-19, en particulier pour protéger les soignants.
Des essais cliniques visant à tester l’efficacité du vaccin BCG contre le Covid-19 sont en cours (1 000 personnes aux Pays-Bas, 4 000 en Australie) ou sur le point d’être lancés dans les pays européens chez les personnes à haut risque d’exposition (personnels soignants notamment). C’est le cas en France, où Camille Locht, directeur de recherche Inserm à l’institut Pasteur de Lille, prépare la mise en place d’un d’essai clinique en double aveugle.
« La piste du vaccin BCG est très intéressante, mais elle nécessite d’être explorée au sein d’essais cliniques rigoureux. Aucune donnée ne permet à ce jour de recommander une vaccination au BCG pour se protéger du Covid-19 » précise toutefois l’Inserm.
Discovery : point d’étape
Le 8 avril, le Pr Florence Ader (infectiologue, Hospices Civils de Lyon, Centre International de Recherche en Infectiologie), coordinatrice de l’essai randomisé DISCOVERY a fait un point de situation sur YouTube sur les avancées de l’essai.
Alors que 800 patients sont attendus au total pour la partie française de l’essai, depuis le 22 mars, entre 530 et 540 patients hospitalisés pour un Covid-19 ont été inclus par 25 centres en France, a indiqué l’infectiologue.
Toutefois, pour distinguer les premières tendances concernant l’efficacité ou l’inefficacité des traitements évalués pour contrer la multiplication du virus (soins standards de support maximisés seuls ; ou avec remdesivir ; ou lopinavir et ritonavir ; ou lopinavir, ritonavir et interféron bêta ; ou hydroxychloroquine), il faudra encore être patient.
« Rien ne sera disponible avant au moins la fin du mois [car chaque patient inclus sera évalué 15 jours après son hospitalisation en raison de l’évolution en deux phases, sur deux semaines de la maladie] a expliqué le Pr Ader qui ajoute que « pour avoir des résultats de plus en plus fiables, il faudra analyser les données au fil de l’eau ».
La coordinatrice de l’essai a précisé que les résultats bruts seraient analysés, en aveugle, par un comité indépendant international. AL
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Citer cet article: Ver marin, BCG, sérum… : les essais «alternatifs» contre le Covid-19 - Medscape - 9 avr 2020.
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