Paris, France—Après la pénurie de masques, d’équipements de protection et de ventilateurs, la France connait des difficultés d’approvisionnement en anesthésiques et médicaments de réanimation : curares, anesthésiques (propofol), benzodiazépines (midazolam) et amines vasopressives (dobutamine).
Le 31 mars 2019, 9 hôpitaux universitaires européens dont l’AP-HP ont signalé un réapprovisionnement insuffisant voire nul dans certains produits de réanimation.
« Nous sommes attentifs à plusieurs types de médicaments, tous les médicaments d’importance vitale », notamment aux dérivés du sang, a indiqué le Pr Jérôme Salomon (DGS) lors de son point presse vendredi 3 avril, mais aussi « nous sommes attentifs à l’accès au curare, aux anesthésiants, aux médicaments de réanimation. Le premier ministre a parlé de l’atracurium pour lequel nous nous sommes assurés une disponibilité de 2 semaines pour 17 000 patients. Nous sommes aussi très attentifs avec l’EMA et l’ANSM à quelques molécules très demandées comme le cistracurium, le midazolam, le propofol dont la consommation explose actuellement ».
« Les tensions en approvisionnement sont très fortes », ont confirmé Les Entreprise du Médicament (Leem) à Medscape édition française.
Notons qu’outre ces médicaments de réanimation, d’autres molécules telles que le plaquenil, le lopinavir/ritonazvir et l’azythromyxine utilisés pour les patients ambulatoires sont en quasi rupture.
Concurrence croissante pour les matières premières
L’un des problèmes est que les produits actuellement en tension d’approvisionnement sont fabriqués en Europe à partir de matières premières provenant d’autres états. Et c’est justement ce qui pose problème car d’autres pays tels que les Etats-Unis sont en concurrence avec l’Europe pour l’accès à ces composants de base. Le premier Ministre a expliqué que dans certains pays la demande aurait augmenté de 2000 %.
L'appel aux vétérinaires
Dans un premier temps, la Direction générale de la Santé (DGS) a fait le tour des établissements de santé afin de préciser les stocks disponibles. En effet, certaines cliniques privées, dont l’activité a été déprogrammée, disposaient de ces produits et elles ont ainsi pu les mettre en commun avec les hôpitaux publics. Une aide inter-régionale a aussi été mise en place. Deuxième étape : l’appel aux vétérinaires. L’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV) a été sollicitée par différents hôpitaux pour fournir des médicaments destinaux initialement aux animaux mais utilisables – avec adaptation des doses – chez l’homme. L’ANSM a mis en garde le 3 avril contre le risque d’erreurs médicamenteuses avec des produits dont les concentrations sont différentes de celles utilisées habituellement et qui ne disposent parfois pas d’étiquetage en français.
Aussi, « l'ANSM a adressé à chaque laboratoire pharmaceutique qui commercialise un médicament sur le territoire national, un message leur rappelant la nécessité de veiller à la continuité de leurs activités et leurs obligations d‘informer l’ANSM dès qu’une situation de tension est identifiée afin de trouver des solutions pour les patients le plus en amont possible (contingentement, importations, augmentation des productions…) », a-t-elle indiqué à Medscape édition française.
Mesures exceptionnelles
Par la voix de son directeur général, Dominique Martin, l’Agence souligne « la priorité à prévenir toute rupture en la matière » et les liens avec son homologue européen, l'EMA, pour assurer la délivrance de ces produits dans les pays européens.
Enfin, elle indique que « dans ce contexte exceptionnel, elle pourrait être amenée à prendre des mesures exceptionnelles si cela s’imposait.»
Impact sur les soins palliatifs
Si la pénurie de médicaments essentiels va poser des problèmes en réanimation pour les patients sévères, d’autres services vont être impactés. C’est le cas, par exemple, pour des unités prenant en charge des patients en soins palliatifs, en particulier des patients Covid non réanimatoires. Les hôpitaux proposent désormais des arbres décisionnels prenant en compte les dernières recommandations de la Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs spécifiquement proposées pour la crise du Covid .
Le midazolam, habituellement utilisé en sédation avec la morphine est désormais remplacé par le diazépam, lorsque le patient est perfusé ou par le clonazépam en cas de recours à la voie sous-cutanée. Le clorazépate, quant à lui, peut s’utiliser dans les deux indications.
Ces traitements peuvent être couplés à de la chlorpromazine (Largactil®) en cas de confusion ou d’hallucination et à la scopolamine lorsqu’il existe un encombrement bronchique.
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Citer cet article: Pénurie de médicaments de réa et de soins palliatifs : comment faire face ? - Medscape - 7 avr 2020.
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