COVID-19 : des tests plus performants seront bientôt disponibles

Aude Lecrubier, Michael van der Heuvel

Auteurs et déclarations

1er avril 2020

France, Allemagne – Tester, tester, et encore tester, c’est ce que recommande l’OMS pour le Covid-19. Un exemple, parmi d’autres, montre que cette stratégie peut être couronnée de succès : tous les habitants de Vò, un village de 3000 âmes dans le nord-est de l’Italie, ont été soumis plusieurs fois à un dépistage par PCR, indépendamment de la présence ou de l’absence de symptômes. Toutes les personnes dépistées positivement ont été placées en isolement. La flambée d’infections s’est éteinte après 14 jours, à l’inverse de ce qu’il s’est produit dans les régions voisines.

Ceci dit, cette méthode diagnostique présente deux inconvénients. Elle n’est actuellement appliquée que par des laboratoires spécialisés en virologie, et donc pas par les laboratoires classiques de nombreux hôpitaux ou de ville. Par ailleurs, elle réclame du temps, souvent plusieurs jours, avant de délivrer un résultat.

Aujourd’hui, de nouveaux tests PCR ou de type ELISA arrivent qui devraient permettre de diagnostiquer plus rapidement la maladie et mais aussi de savoir, dans un deuxième temps, qui a été infecté, grâce à la recherche des anticorps fabriqués contre la maladie. Le point sur les avancées concernant les différents tests de détection de l’infection Covid-19.

Tester, tester, tester…Où en est la France ?

Certains pays, comme la Corée du sud, l’Allemagne et l’Islande, ont choisi de tester intensément leur population pour le Covid-19, d’autres pas. Concernant la France, en raison d’un nombre insuffisant de tests, ces-derniers sont pour l’instant réservés aux professionnels de santé symptômatiques, aux formes cliniques graves, aux patients hospitalisés pour une autre cause et devenant symptomatiques, aux femmes enceintes symptomatiques et aux personnes à risque de formes graves du fait de leurs comorbidités.. Mais, Olivier Véran a annoncé la semaine dernière que l’on s’acheminait vers la réalisation de plus en plus de tests, « surtout à l’approche du déconfinement ».

De 5000 tests quotidiens par PCR, on va aller vers 12 000 puis 20 000 pour atteindre 50 000 tests/jour en mai, via la réquisition du matériel présent dans l’ensemble des labo de recherche français (appareil de PCR type QS5 ou 7500) et l’automatisation des manipulations. Les tests rapides sont quant à eux « sur le point d’être opérationnels ou le sont déjà » via la commande de la France de plateformes à haut-débit. L’état a passé « commande pour 5 millions de ces tests rapides », ils « permettront d’augmenter la capacité de dépistage de 30 000 tests par jour supplémentaires en avril puis 60 000 tests en mai, et enfin 100 000 tests en juin ». Ces tests rapides « viendront s’ajouter aux tests PCR pour la fin du confinement ».

Quant à la sérologie, c’est-à-dire la recherche d’anticorps pour savoir si les personnes sont immunisées ou non contre le virus, plusieurs sont en cours de validation ou déjà validés et seront « indispensables à l’heure du déconfinement ».

Développement de tests PCR automatisés et rapides

Face à l’urgence de tester plus et plus vite, plusieurs fabricants de tests PCR ont optimisé leurs capacités de test. Alors qu’une PCR classique prend entre 4 à 6 heures à réaliser et que la logistique ne permet de rendre les résultats qu’en 24 heures au mieux, ces nouveaux tests donnent des résultats en quelques dizaines de minutes. 

Ainsi, Roche a obtenu une Emergency Use Authorization (EUA) de la FDA pour son test automatisé Cobas® SARS-CoV-2, basé sur la PCR. Le débit du Cobas 6800 est de 400 tests en 8 heures et celui du Cobas 8800 de 1000 tests en 8 heures également. Les sociétés Qiagen, Genmark et Becton Dickinson planchent également sur des tests en cartouche/cassette.

Cette méthode ne présente cependant pas que des avantages : les cartouches sont onéreuses, et les appareils ne peuvent analyser qu’un échantillon à la fois alors que la PCR standard permet d’en traiter 96 en même temps. La plateforme BioFire FilmArray de Biomérieux par exemple ne réalise qu'une douzaine de tests maximum à la fois en 45 minutes.

Autre exemple, le 21 mars dernier, la FDA a accordé en urgence son feu vert pour le test de PCR rapide de Cepheid (Xpert® Xpress SARS-CoV-2). D’après différents médias, son homologation n’est pas prévue dans l’Union Européenne.

La FDA a publié quelques détails techniques sur la réalisation du test. Le médecin réalise un frottis ou prélève un échantillon d’expectorat, et le plonge dans un petit tube renfermant une solution qui extrait les acides nucléiques. Le liquide est alors versé dans une cartouche spéciale, qui sera placée dans un appareil d’analyse GeneXpert. Il devrait y avoir au total 23 000 de ces appareils dans le monde, dont 5000 aux Etats-Unis. Le GeneXpert est utilisé par de nombreuses cliniques pour diagnostiquer des infections comme la tuberculose ou celle par le VIH. Il permet des réactions de type PCR quasi immédiates.

Le docteur David Persing, directeur médical de Cepheid, voit dans cette rapidité diagnostique « aux côtés du patient » une facilitation de la prise de décision par les médecins. « Car des maladies comme la grippe peuvent entraîner des symptômes comparables », rappelle David Persing, « et une pneumonie peut aussi avoir une cause bactérienne ». Une décision de prise en charge serait possible sur la seule base du test, comme la prescription d’un antibiotique ou l’isolement en cas de Covid-19.

La PCR reste (encore) le gold standard pour le diagnostic

En France, comme dans d’autres pays comme l’Allemagne, seuls les tests PCR sont actuellement pratiqués pour démontrer la présence du génome viral et donc pour le diagnostic du Covid-19.

Mais, de nombreux groupes de travail s’intéressent de près aux tests ELISA (Enzyme-Linked Immuno Assay) pour détecter rapidement et facilement le coronavirus ou les anticorps contre le coronavirus.

Ces tests exploitent la reconnaissance anticorps-antigène, soit en utilisant des anticorps monoclonaux (mAbs) pour détecter les antigènes viraux dans les échantillons cliniques, soit en utilisant des antigènes viraux clonés pour détecter les anticorps des patients dirigés contre le virus.

Ce type de test de diagnostic rapide fonctionne un peu comme un test de grossesse, grâce à une bandelette, des réactifs et une jauge. Sauf qu'à la place de l'urine, on imprègne la tige de prélèvement avec le sang du patient. Deux petites gouttes de sang recueilli par une dextro suffisent pour détecter le virus ou les anticorps dirigés contre le virus.

Si la recherche des antigènes viraux pourrait donner des diagnostics rapides, la recherche des anticorps pour un intérêt diagnostic est controversée et semble plutôt envisagée pour détecter ultérieurement qui a été ou non contaminé par le virus.

« Dans les infections virales comme celle provoquée par le SARS-CoV-2, les anticorps ne sont détectables au plus tôt qu’une semaine après le début de la maladie, et même généralement seulement après 14 jours », explique la Dr Daniela Huzly, présidente de l’association professionnelle de médecins spécialistes en microbiologie, virologie et épidémiologie des infections (Allemagne). « Rien n’est encore clairement reconnu à ce sujet pour le SARS-CoV-2.“ Aussi, il n’est, par ailleurs, pas exclu que le testing des anticorps détecte des infections plus anciennes par d’autres coronavirus.

Ces tests « ne jouent aucun rôle dans le diagnostic en phase aiguë, car il existe un délai d’environ 7 jours (et parfois plus) entre le début de la symptomatologie et la présence démontrable d’anticorps spécifiques »,  renchérit l’Institut Robert Koch (RKI, Berlin).

Pour rappel, le taux d’IgM augmente rapidement après l’apparition des premiers symptômes, et il culmine entre le 7ème et le 10ème jour, alors que les IgG apparaissent plus tardivement.

L’espoir d’un test de diagnostic rapide de type ELISA

Ceci étant dit, de nombreux groupes de travail s’intéressent de près aux tests ELISA (Enzyme-Linked Immuno Assay) pour détecter rapidement et facilement le coronavirus dans le sang en recherchant les protéines virales.

« Nous avons besoin de toute urgence d’un tel test rapide, car il peut simplifier grandement le diagnostic », explique le Pr Jonas Schmidt-Chanasit, qui dirige le service du diagnostic viral à l’Institut Bernhard Nocht de médecine tropicale à Hambourg. « Nous pourrions alors tester les patients directement au cabinet, avec un résultat dans les 15 à 20 minutes, pour prendre rapidement les mesures qui s’imposent en cas de positivité ». On pourrait également mettre plusieurs protéines virales de virus différentes en évidence dans un même test. Autrement dit : nous pourrions savoir rapidement si le patient a été infecté par un virus de type influenza ou par le SARS-CoV-2 ».

 
Nous avons besoin de toute urgence d’un test rapide, car il peut simplifier grandement le diagnostic.
 

La liste de ce type d’immunoassays non homologués est longue. Un exemple : des chercheurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology) à Cambridge, associés à la start-up E25Bio, ont élaboré un test ELISA bon marché sur base de bandelettes de papier recouvert d’anticorps pouvant se lier aux protéines du virus. Un second anticorps est lié à une nanoparticule, et l’échantillon du patient est trempé dans une solution de cette particule. La bandelette de test est ensuite plongée dans la solution. En cas de présence de la protéine virale, cette dernière se lie à l’anticorps de la bandelette ainsi qu’à l’anticorps lié à une nanoparticule. Une tâche colorée apparait sur la bandelette en 20 minutes. D’autres études doivent suivre cette étude pilote pour demander une homologation par la FDA.

Aussi, le laboratoire hospitalier universitaire de Bruxelles (LHUB-ULB) vien d'annoncer avoir développé un test de diagnostic permettant de détecter en 15 minutes la présence du virus SARS-COV-2 chez les patients présentant une infection sévère.

 Ce test de diagnostic rapide, basé sur le principe de l'immunochromatographie permet de détecter directement les antigènes du virus non pas à partir d’un échantillon de sang mais dans les prélèvements respiratoires.

 

La suite : qui possède des anticorps contre le SARS-CoV-2 ?

Les tests utilisés ce jour ne permettent pas de dire qui a été infecté et donc qui déjà développé des anticorps contre le Covid-19.  Mais, plusieurs tests sérologiques ELISA qui pourraient identifier ces personnes commencent à être validés. Ils devraient être disponibles dans les prochaines semaines. Ces tests ne pourront toutefois pas répondre à toutes les questions, à savoir si la présence des anticorps signifie que la personne est suffisamment immunisée et pour combien de temps.

En France, la société de biotechnologies NG Biotech a lancé hier son test de diagnostic rapide du Covid-19 et prévoit d'en commercialiser 70 000 dès avril, puis de passer à 2 millions par mois, selon les Echos. Ce test capillaire a obtenu le marquage CE après avoir été validé à la suite d'une campagne d'évaluations cliniques, notamment auprès de l'hôpital Lariboisière et de l'AP-HP Université Paris Saclay. Nommé NG-Test IgG-IgM Covid-19, il permet, en seulement 15 minutes à partir d'un collecteur d'une simple goutte de sang capillaire, de détecter et de différencier les anticorps produits par l'organisme au moment de l'infection.

Autre exemple, l'entreprise Biosynex, près de Strasbourg, a annoncé il y a quelques jours attendre la validation de la Haute Autorité de Santé pour commercialiser son test sérologique rapide du Covid-19. Ce test permettrait à partir d’une goutte de sang de détecter en 10 minutes les anticorps spécifiques du Covid-19 qui apparaissent environ 10 à 15 jours après la contamination. Une fois le feu vert des autorités donné, la production pourrait être lancée lundi 6 avril en Chine, à raison de 100 000 tests fabriqués par jour. Ils seraient ensuite acheminés dans les jours suivants via un pont aérien. A la mi-avril, 500 000 tests pourraient ainsi être disponibles en France, explique la compagnie à francebleu.fr .

PCR ultra-performantes, tests ELISA à visée diagnostique ou permettant de dépister les personnes ayant été infectées…la recherche commence à porter ses fruits et devrait changer le paysage des tests en France d’ici peu. Restera à faire le tri et à valider les nouveaux tests pour s'assurer de leur fiabilité (sensibilité et specificité).

Cet article a, pour partie, été adapté par le Dr Claude Leroy à partir de celui de Michael van der Heuvel publié sur medscape.com sous l’intitulé : Corona-Diagnostik: WHO rät „testen, testen, testen“ – aber nicht nur per PCR. Wo bleiben Schnell- und Antikörper-Tests?, et complété par Aude Lecrubier.
 

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