Masques, lits de réa, tests, traitements : quelle est la stratégie du gouvernement pour lutter contre l’épidémie ?

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

30 mars 2020

France – Samedi soir, le Premier ministre, Edouard Philippe, et le ministre de la santé, Olivier Véran, se sont livrés à un exercice de pédagogie et de transparence alors que les masques continuent de manquer, que des voix s’élèvent de toutes parts pour critiquer la gestion de la pandémie, et que des plaintes ont été déposées en justice contre le gouvernement. Pour ramener la confiance et parer à des accusations de retard à la prise de décision dans la crise du Covid-19, ils ont détaillé la stratégie gouvernementale en cours lors d’une conférence de presse fleuve. Quatre-vingt-dix minutes pendant lesquelles ont été abordés, à l’aide des Prs Jérôme Salomon (DGS), Karine Lacombe (infectiologue) et Arnaud Fontanet (épidémiologiste), tous deux membres du conseil scientifique, l’augmentation de la capacité des lits de réanimation, via notamment la mobilisation de nouveaux moyens, y compris militaires, la réalisation des tests, l’approvisionnement en masques et la mise à disposition (ou non) de traitements curatifs.

S’attendre à des jours difficiles

En préambule de cette conférence de presse, le Premier ministre a prévenu qu’à l’heure où « la moitié de l’humanité est confinée », situation totalement inédite s’il en est, la population doit faire face à « un défi considérable, un effort intense qui va s’inscrire dans la durée ».

« Le combat ne fait que commencer, a-t-il assuré. Les quinze premiers jours d’avril seront difficiles, encore plus difficiles que les quinze jours qui viennent de s’écouler ».

 
Les quinze premiers jours d’avril seront difficiles, encore plus difficiles que les quinze jours qui viennent de s’écouler
 

J’ai souhaité expliquer, a-t-il précisé, « le plus complétement possible et le plus clairement possible quels étaient nos choix, notre stratégie, nos contraintes », avant d’ajouter « je vais vous dire ce que nous savons et ce que nous ne savons pas. Ce que nous préparons, ce que nous réussissons et ce qui inquiète ».

Le nombre de patients en réa devient l’indicateur-clé

A retenir : l’indicateur principal à retenir pour évaluer l’évolution de l’épidémie est le nombre de nouveaux patients accueillis en réanimation, a expliqué le Pr Jérôme Salomon, directeur général de la Santé. Ce chiffre était de 359 patients sévères, dimanche soir.

« On attend la fin de semaine prochaine (celle-ci donc, ndlr) pour espérer voir les premiers effets du confinement, cet indicateur va être particulièrement scruté cette semaine » a confirmé le Pr Arnaud Fontanet, épidémiologiste.

Ce dimanche, la France déplorait 2606 décès du Covid-19, dont 292 en 24 heures. 19 354 personnes sont hospitalisées dont 4632 accueillies en réanimation.

250 patients ont bénéficié de transfert vers d’autres hôpitaux en France ou hors de France.

Une infographie actualisée en continu pour des chiffres détaillés en fonction des foyers de Covid-19 sur le territoire français est disponible ici (issue de données de Santé Publique).

Capacité d’accueil en réanimation passée à 10 000 lits

La stratégie, a indiqué le Premier Ministre, repose sur 2 éléments : freiner progression de l’épidémie d’où les mesures de confinement de la population reconduite jusqu’au 15 avril (minimum) et d’autre part, l’accroissement de l’offre de soins, notamment en réanimation.

La capacité d’accueil en réanimation – qui était de 5 000 lits avant l’épidémie – est passée à 10 000 lits, mais l’objectif est d’atteindre 14 500 lits, a précisé Olivier Véran.

Pour ce faire, le gouvernement a demandé « une montée en gamme de tous les respirateurs disponibles » avec :

- conversion de respirateurs de transport et de respirateurs d’anesthésie pour les rendre disponible à tous les hôpitaux qui en auraient besoin ;

- commande immédiate de 1000 respirateurs à Air Liquide qui a augmenté sa capacité industrielle pour en livrer 10 fois plus ;

- répartition inter régionale ;

- et importation de l’étranger (25 respirateurs prêtés par l’Allemagne pour la région Grand Est)

Pénurie de médicaments et de personnels : des renforts arrivent

Le ministre de la Santé a évoqué la question d’une potentielle pénurie de médicaments, précisant que face à la demande mondiale, « tous les pays font face aux mêmes tensions pour les médicaments indispensables en réanimation ».

Il sera donc fait appel aux stocks nationaux et territorialisés pour faire face à des augmentations allant jusqu’à 2 000 % du besoins en certains médicaments anesthésiques.

 
La réserve sanitaire s’enrichit chaque jour de 1000 soignants supplémentaires
 

Autre nécessité absolue pour faire face à la pandémie, renforcer les personnels de santé. A ce titre, les soignants ont répondu présents, de 22 000 réservistes début mars, le pays est passé à 40 000. « La réserve sanitaire s’enrichit chaque jour de 1000 soignants supplémentaires » s’est félicité le Ministre.

Pour se porter volontaire : se rendre sur la plateforme www.renforts-covid.fr

Pour augmenter les capacités de la réanimation, deux autres stratégies ont été mises en place. D’une part, la mobilisation de moyens nouveaux comme la construction d’un hôpital militaire de campagne à Mulhouse, ou encore un navire militaire transformé en hôpital qui évacue des patients corses

D’autre part, décision a été prise de « transférer les patients graves, y compris dans le coma, dans des territoires où la pression épidémique est moins importante (par avion, bateau, hélicoptère, TGV médicalisé) ». C’est-à-dire vers hôpitaux français (de Nouvelle Aquitaine, essentiellement) et ceux des pays frontaliers (Suisse, Allemagne, Luxembourg). « Encore 50 patients ont été évacués ce week-end, a indiqué le ministre.

Masques : 1 milliard acheté à la Chine et livrés par pont aérien

Les masques, ou plutôt leur manque, font beaucoup parler d’eux, obligeant le gouvernement à préciser les mesures en la matière.

Le contexte actuel fait que la consommation hebdomadaire est de 40 millions de masques, soit l’équivalent de notre production nationale mensuelle. « Aucun pays ne fait face à la demande » a indiqué Olivier Véran

Les solutions pour répondre à la demande sont multiples : d’abord, augmenter la production nationale, ensuite faire appel à de nouveaux producteurs, ce qui suppose des achats de machines, de créer de nouveaux produits, par exemple des masques répondant à des besoins spécifiques pour le personnel non –soignant. Enfin, des achats supplémentaires sont en cours auprès de l’étranger, la Chine en particulier. « Un pont aérien a été mis en place vers la France pour acheminer 1 milliard de masques sur 15 semaines, à raison de 2 vols par semaine » a précisé Jérôme Salomon (DGS) dans son point presse de dimanche soir.

Tests : de plus en plus nombreux à l’approche du déconfinement

Certains pays, comme la Corée du sud, l’Allemagne et l’Islande, ont choisi de tester intensément leur population pour le Covid-19, d’autres pas. Concernant la France, « la stratégie qui a évolué avec l’épidémie et avec les données de la science » a rappelé Olivier Véran, ajoutant que l’on s’acheminait vers la réalisation de plus en plus de tests, « surtout à l’approche du déconfinement ».

De 5000 tests quotidiens par PCR, on va aller vers 12 000 puis 20 000 pour atteindre 50 000 tests/jour en mai, via notamment l’achat de plateformes à haut-débit. Les tests rapides sont quant à eux « sur le point d’être opérationnels ou le sont déjà ». L’état a passé « commande pour 5 millions de ces tests rapides », ils « permettront d’augmenter capacité de dépistage de 30 000 tests par jour supplémentaires en avril puis 60 000 tests en mai, et enfin 100 000 tests en juin ». Ces tests rapides « viendront s’ajouter aux tests PCR pour la fin du confinement ».

Quant à la sérologie, c’est-à-dire la recherche d’anticorps pour savoir si les personnes sont immunisées ou non contre le virus, ils relèvent pour le moment de la R&D et seront « indispensables à l’heure du déconfinement ».

Traitement spécifique : pas de preuve d’efficacité formellement

« Aucun traitement spécifique contre le Covid-19 n’a fait la preuve de son efficacité formellement en France et dans le reste du monde » a déploré le ministre de la santé samedi soir, précisant que « 13 études cliniques étaient en cours » auxquelles viennent s’ajouter « une dizaine d’autres en demande d’agrément ».

Sept traitements sont étudiés dans l’étude Discovery dont l’hydroxychloroquine et d’autres anti-viraux.

Après avoir ajouté qu’il était informé et attentif à tout ce qui se dit sur les traitements actuellement, le Ministre a précisé que l’existence d’une prescription dérogatoire pour certains traitements dont hydroxychloroquine dans des conditions bien précises. Il a dit s’appuyer sur les avis de plusieurs sociétés savantes qui disent toutes que les données biologiques et cliniques sont « trop insuffisantes pour les prescrire à d’autres patients que ceux définis par le décret ».

Stratégie de renforcement en Outre-Mer

La stratégie de lutte contre le virus concerne aussi l’Outre-Mer, a indiqué le Premier ministre, avec un renforcement de la capacité de réanimation.

Les Antilles disposent de 81 lits de réanimation. Elles vont passer à 169 lits (envoi de 32 respirateurs depuis la Métropole).

Mayotte va passer de 16 à 50 lits de réa (avec envoi de 7 respirateurs).

La Guyane va passer de 29 à 40.

La Réunion de 111 à 161 lits de réa.

Des renforts humains sont prévus, notamment aux Antilles qui a dépassé le seuil épidémique, avec le recours à des médecins avec des diplômes hors Union Européenne. Par ailleurs, 2 porte-hélicoptères amphibies, Dixmude et Mistral, vont être déployés pour cette même région.

 

Retrouvez les dernières informations sur le COVID-19 dans le  Centre de ressource Medscape dédié au coronavirus

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....