Washington, Etats-Unis — Administré chez des patients insuffisants cardiaques avec fraction d’éjection réduite (HFrEF) après un épisode récent de décompensation, le nouveau traitement oral par vériciguat (Bayer/Merck) réduit légèrement les risques de décès et d’hospitalisation, selon l’essai randomisé VICTORIA. Le bénéfice s’observe essentiellement sur la baisse des admissions à l’hôpital.
Ces résultats de phase 3 ont été présentés lors de l’ACC 2020, sous forme de vidéoconférence, le congrès étant cette année limité à un accès virtuel, en raison des restrictions liées à l’épidémie de coronavirus. Ils ont fait l’objet d’une publication en simultanée dans le NEJM [1].
Compte tenu de ces résultats, « l’ajout du vériciguat au traitement standard apparaît innovant chez les insuffisants cardiaques à haut risque », a commenté le Pr Paul Armstrong (University of Alberta, Edmonton, Canada), principal auteur de l’étude [2]. Selon lui, ce traitement ouvre de nouvelles perspectives dans la prise en charge de ces patients, ainsi que dans la recherche en cardiologie.
Si le bénéfice apparait léger en risque relatif, il est surtout significatif en considérant l’impact sur le risque absolu et peut, en ce sens, être perçu comme un progrès notable. D’autant plus qu’il existe peu d’options thérapeutiques pour améliorer le pronostic des patients en insuffisance cardiaque chronique après une aggravation des symptômes. Plusieurs traitements ont récemment été testés, sans succès.
Cibler la guanylate cyclase soluble
Le vériciguat est un agoniste stimulateur de la forme soluble de la guanylate cyclase. Il améliore la production de guanosine monophosphate cyclique (GMPc), dont le rôle est essentiel pour avoir une fonction cardio-vasculaire normale. Il s’agit du premier médicament ciblant cette voie dans le traitement des maladies cardiaques.
Dans l’essai international VICTORIA, le Pr Amstrong et ses collègues ont inclus 5 050 patients présentant une insuffisance cardiaque chronique de classe II, III ou IV avec fraction d’éjection abaissée (FE<45%), associée à une élévation du niveau de peptide natriurétique dans les 30 jours précédents l’inclusion.
Ces patients devaient avoir eu une aggravation de leurs symptômes nécessitant, soit une hospitalisation dans les six mois précédents, soit une prise de diurétiques par voie intraveineuse dans les trois mois. Ils ne devaient pas avoir une tension artérielle < 100 mm Hg. Un tiers d’entre eux étaient porteurs d’un dispositif cardiaque implantable.
Agés en moyenne de 67 ans, les patients, en majorité des hommes, ont été recrutés dans plus de 600 centres de 42 pays, entre 2016 et 2018. Ils ont été randomisés en double aveugle pour recevoir quotidiennement, en plus du traitement standard (bétabloquants, antagonistes du récepteur minéralocorticoïde…), soit du vériciguat (10 mg/jour), soit un placebo.
Le traitement standard administré était en accord avec les recommandations, précisent les auteurs. Parmi les patients inclus, 60% recevaient une trithérapie comprenant un béta-bloquant et un antagonistes du récepteur minéralocorticoïde avec un inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC), un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II (ARA II) ou la combinaison sacubril/valsartan.
Près de 30% d’hospitalisation
Le critère de jugement primaire est un critère composite associant la mortalité cardio-vasculaire et l’hospitalisation pour insuffisance cardiaque. Après une période de suivi médiane de 10,8 mois, il a été observé chez 35,5% des patients sous vériciguat, contre 38,5% dans le groupe contrôle, soit une baisse du risque 10% en faveur du vériciguat (HR=0,90, IC à 95%, [0.82-0.98]).
Dans cette population à haut risque de complications, ce résultat se traduit par une baisse en risque absolu du taux d’événements (hospitalisation pour insuffisance cardiaque et décès d’origine cardiovasculaire) de 4,2 pour 100 patients-années, ce qui signifie que, sur une période d’un an, il faut traiter 24 patients par vériciguat (en plus du traitement standard) pour éviter un événement.
En considérant que, rien qu’aux Etats-Unis, près de 3 millions d’individus sont atteints d’insuffisance cardiaque chronique à fraction d’éjection réduite et que, chaque année, près de 25% d’entre eux voient leur état se dégrader, cette baisse du risque en valeur absolue est largement significative, a fait observer le Pr Armstrong, qui estime, en conséquence, que « le traitement est très efficace ».
Ce bénéfice est essentiellement apporté par la baisse du taux d’hospitalisation, précisent les auteurs. Dans le groupe sous vériciguat, il est de 27,4%, contre 29,6% avec le placebo, soit une différence de 10% (HR= 0,90, IC à 95%, [0,81-1]), tandis que la mortalité cardiovasculaire, respectivement de 16,4% et 17,5%, est « probablement réduite » avec le médicament, mais la différence n’est pas significative (HR=0,93, IC à 95%, [0,81-1,06]).
Le traitement était en général bien toléré. Une hypotension est apparue plus fréquente chez les patients sous vériciguat (9,1% contre 7,9% dans le groupe contrôle), tout comme les évanouissements (4% contre 3,5%). Toutefois, dans les deux cas, les différences ne sont pas significatives. Une anémie a été également plus fréquemment rapportée chez les patients prenant le traitement.
Nouvelle option thérapeutique
« Le vériciguat est un traitement oral qui ne nécessite qu’une seule prise quotidienne, il est bien toléré et, en plus, de manière exceptionnelle, son utilisation n’implique pas de surveillance de la fonction rénale. Il s’agit d’une nouvelle option qui apparait utile pour les patients insuffisants cardiaques après une aggravation de leurs symptômes », a souligné le Pr Armstrong, lors de son intervention en visioconférence.
Invité pour commenter ces résultats, le Dr Clyde Yancy (Northwestern University, Chicago, Etats-Unis) a salué une « nouvelle victoire ». « Une hospitalisation pour insuffisance cardiaque est un point de basculement dans l’évolution de la maladie, avec un changement majeur dans le risque de décès ou de réhospitalisation », a-t-il observé.
« Nous avons désormais un traitement qui pourrait être le premier à avoir un effet sur cette évolution après l’aggravation des symptômes chez ces patients atteints d’insuffisance cardiaque chronique ».
Une autre étude est actuellement menée pour évaluer l’intérêt du vériciguat chez les patients insuffisants cardiaque à fraction d’éjection préservée (HFpEF), pour lesquels les options thérapeutiques sont encore plus réduites, a indiqué le Pr Armstrong.
Selon lui, d’autres recherches devront à l’avenir être conduites pour comparer ce traitement à d’autres thérapies innovantes afin de mesurer son réel bénéfice dans la prise en charge des groupes de patients insuffisants cardiaques les plus à risque.
Bien que la taille de l'effet soit similaire à celle observée pour la dapagliflozine (Farxiga, AstraZeneca) dans DAPA-HF et le sacubitril / valsartan (Entresto, Novartis) dans PARADIGM-HF , a-t-il souligné, la population de VICTORIA était beaucoup plus malade et avait un taux d'événements étonnamment élevé, même avec un traitement de fond agressif.
L’essai VICTORIA a été financé par les laboratoires Bayer et Merck, qui ont développé le vériciguat.
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Citer cet article: Insuffisance cardiaque à FEVG réduite : le vériciguat bénéfique en prévention secondaire - Medscape - 30 mars 2020.
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