POINT DE VUE

Covid-19 : de multiples conséquences en cancérologie

Dr Manuel Rodrigues

Auteurs et déclarations

30 mars 2020

TRANSCRIPTION/ADAPTATION

Cette VIDEO a été enregistrée le 21 mars 2020. 

Paris, France-- Manuel Rodrigues — Bonjour et bienvenus sur le site de Medscape. Je suis le docteur Manuel Rodrigues, je suis oncologue médical à Paris et je vais vous parler, aujourd’hui, effectivement, de la crise sanitaire du COVID-19.

C’est une crise majeure, bien sûr, qui va avoir des impacts profonds aussi bien socio-économiques ou même sociétaux et des impacts, probablement, aussi, sur notre organisation sanitaire. Mais aujourd’hui, pour parler un peu plus des patients atteints de cancer — on a peu de données chez les patients atteints de cancer jusqu’à présent.

Peu de données sur les patients cancéreux

Il y a eu une publication il y a quelques semaines, mais avec très peu de patients, donc on a du mal à conclure quoi que ce soit. L’impression qui en ressort c’est que les patients atteints de cancer ne sont pas forcément plus à risque de contracter le COVID-19, mais, par contre, une fois malades ils sont probablement plus à risque de complications de morbi — et de mortalité. C’est donc une question importante pour nos patients et il faut éviter le plus possible l’exposition de nos patients à ce virus. Il a même eu une recommandation de l’HCSP pour sanctuariser les services d’oncologie et de radiothérapie, mais c’est illusoire, puisque l’épidémie est massive et touche toutes les personnes de la société et, donc, évidemment, les services commencent déjà à se remplir de patients atteints de COVID-19.

Des soins dégradés

Pour les patients atteints de cancer, il y a plusieurs problématiques et, d’une part, cette problématique aiguë qui est de savoir, quand un patient est atteint de COVID-19, est-ce qu’il faut le réanimer, est-ce qu’on peut le réanimer, est-ce qu’on en a les moyens et quels moyens ? Mais il y a également d’autres conséquences. Une des autres conséquences, c’est que l’on a réduit notre activité, en particulier notre activité chirurgicale, on a réduit notre activité, même, de chimiothérapie, ce qui fait qu’on va changer la prise en charge thérapeutique et le diagnostic de certains de nos patients. On va, donc, travailler sur un mode « dégradé » qui ne sera pas la même, qui aura un impact. En diminuant le nombre de chirurgies, en diminuant l’étendue des chirurgies pour éviter les complications, tout en gardant en tête le risque de pénurie de produits sanguins, en modifiant nos protocoles de chimiothérapie, en modifiant nos protocoles thérapeutiques en disant qu’on fait, par exemple, plus de chimiothérapie néoadjuvante ou plus de chirurgies, en fonction du contexte dans lequel on est, on aura un impact en termes d’efficacité de nos prises en charge – un impact qui va se voir dans les prochains mois et, même, probablement, un impact qui se verra sur les années à venir. C’était une des autres problématiques.

Des essais cliniques suspendus

Une troisième autre problématique, ce sont les essais cliniques. Les essais cliniques, actuellement, sont à l’arrêt, sont suspendus, pour la plupart d’entre eux et, pour la plupart des centres, ne serait ce que parce que les ARC sont en télétravail, parce que les promoteurs ont suspendu les inclusions, parce que les CRO, pareil, sont en télétravail. Donc on garde les essais cliniques absolument indispensables, mais les autres essais cliniques sont suspendus. Et il aura une problématique au long cours sur ses essais cliniques, puisque on ne va pas réussir à réouvrir très vite tous les essais cliniques en même temps — il faudra le temps que l’hôpital puisse se remettre en marche. Les essais cliniques suivants vont prendre du retard pour démarrer, donc les nouvelles thérapeutiques innovantes, derrière, vont prendre du temps à arriver et il va y avoir une problématique très complexe de l’analyse des essais cliniques en cours de recrutement actuellement, parce qu’on va avoir une surmorbidité, une surmortalité liée au SRAS-CoV-2 qui peut être problématique pour l’interprétation des données d’efficacité et de tolérance des médicaments.

Des espoirs diagnostiques et thérapeutiques

Malgré toutes ces problématiques, il y a quand même de l’espoir, il y a de nouveaux traitements qui se préparent contre le SRAS-CoV-2. Il y a eu un essai clinique négatif, récemment, du ritonavir/lopinavir, mais qui n’est pas à jeter à la poubelle – peut-être qu’en changeant la population, peut-être qu’en ciblant des populations moins avancées dans leur maladie pulmonaire on pourra obtenir quelque chose. Il y a également les drogues en développement qui ont été développées par Gilead, qui est le remdésivir, qui pourrait sembler intéressantes. Il y a, bien sûr, les données dont on parle beaucoup sur la chloroquine, mais qui restent encore très préliminaires, même si elles sont intéressantes. Il y a, bien entendu, les vaccins, donc toute une dimension thérapeutique intéressante. Il y a des investissements massifs des laboratoires pharmaceutiques sur un plan thérapeutique, mais aussi sur un plan diagnostique avec la généralisation, l’expansion de la capacité en tests PCR et des pistes pour des sérologies qui pourraient être très utiles dans notre pratique au quotidien.

Voilà ce qu’on pouvait dire, à l’heure actuelle, sur le COVID-19 et le cancer, en sachant que c’est quelque chose de très mouvant et que tous les jours il y a des nouveautés et tous les jours la situation change, donc c’est amené à être obsolète très rapidement.

Voilà. À très bientôt sur le site MedScape.

 

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