Paris, France— Suite à son premier avis début mars, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a émis cette semaine de nouvelles recommandations en concertation avec plusieurs sociétés savantes. Il fait le point sur la priorisation des tests, les approches antivirales disponibles et autres traitements non spécifiques[1].
Il insiste globalement pour que « tout praticien soit fortement incité à inclure tous les patients atteints de Covid-19 dans les essais cliniques » et que « tout prescripteur prenne en compte l’état très limité des connaissances actuelles et soit conscient de l’engagement de sa responsabilité lors de la prescription de médicaments dans des indications hors AMM, en dehors du cadre d’essais cliniques. Si une telle prescription est faite, qu’elle fasse l’objet d’une information claire, loyale et appropriée, que la décision soit prise collégialement, et que les patients soient inclus dans la cohorte French COVID-19 de façon à disposer le plus rapidement possible de données concernant la prise en charge. »
Qui tester en priorité ?
Le HCSP propose une priorisation des tests diagnostiques prenant en compte la tension d’approvisionnement en réactifs et devant s’adapter aux capacités de réalisation locale du diagnostic virologique.
Ainsi, sont prioritaires :
les formes cliniques graves (patients hospitalisés présentant une symptomatologie respiratoire en réanimation, présentant des symptômes évocateurs et une pneumopathie hypoxémiante), le suivi de l’excrétion virale chez les patients graves en réanimation permettant de guider le traitement.
les personnels de santé avec symptômes évocateurs.
les patients hospitalisés pour une autre cause et devenant symptomatiques (toux ou fièvre ou dyspnée), les donneurs d’organes, tissus ou de cellules souches hématopoïétiques.
les sujets d'un même foyer de cas possibles, en particulier en collectivités de personnes âgées. Le texte préconise de se limiter à 3 tests par unité, l’exploration de cas possibles en EHPAD n'étant plus prioritaire une fois le diagnostic porté chez 3 résidents.
les femmes enceintes symptomatiques en particulier au cours des deuxième et troisième trimestres de la grossesse.
les personnes à risque de formes graves du fait de leurs comorbidités.
Quelles approches antivirales disponibles ?
Le texte fait le point sur les données disponibles à ce jour sur les trois traitements à effet antiviral attendu :
le remdesivir (dérivé monophosphate d’un analogue nucléosidique de l’adénine) développé contre le virus Ebola. Il est prescrit à une posologie de 200 mg à J1, puis 100 mg/j de J2 à J10 (sujets ≥40 kg) et nécessite une surveillance clinique étroite (risque d'hypotension artérielle lors de l’injection), ainsi qu’un suivi de la fonction rénale et de la fonction hépatique (augmentation transitoire des ALAT et/ou des ASAT).
l’association fixe lopinavir/ritonavir indiquée dans le traitement de l’infection à VIH-1, chez l’adulte et le jeune enfant (à partir de 14 jours). Les données les plus récentes, relatives à un essai clinique randomisé chinois, n'ont pas permis de décrire un bénéfice clinique mais l’association continue à être évaluée notamment dans l’essai clinique DISCOVERY auquel la France participe. Cette association ne doit pas être administrée en cas de troubles hépatiques sévères et ne doit pas être administrée avec certains médicaments, notamment sédatifs (cf RCP).
l’hydroxycholoroquine peut être utilisée à une posologie maximale de 600 mg par jour pour un adulte dans les conditions précisées par le ministre de la santé en début de semaine. Le HCSP rappelle qu’ « il n’existe actuellement pas de données permettant d’envisager l’utilisation hors protocole de l’hydroxychloroquine en prophylaxie du Covid-19 ». L’utilisation de cette molécule doit inciter à surveiller les concentrations plasmatiques et à assurer un monitoring cardiaque. Le protocole de l’essai DISCOVERY prévoit une dose de charge de 400 mg deux fois par jour à J1, puis une dose quotidienne de 400 mg en 1 prise par jour pendant 9 jours.
Le texte indique que les immunomodulateurs, de type tocilizumab sont réservés aux essais cliniques et que « les anti-inflammatoires non stéroïdiens et les corticoïdes sont contre-indiqués pour le traitement des symptômes du COVID-19 » mais que « les patients recevant ces traitements pour des pathologies chroniques ne doivent pas les arrêter sans avis de leur médecin traitant. »
Quand prescrire ces antiviraux ?
Le texte rappelle qu’un patient atteint de Covid-19 sans symptôme sévère ni signe de gravité et sans risque de forme grave doit être suivi en médecine générale et ne relève pas d’un traitement à effet antiviral attendu. Une surveillance rapprochée et un suivi radiologique (si possible) sont recommandés en revanche en cas de facteur de risque de formes graves.
À l’hôpital, en cas de pneumonie oxygéno-requérante (bas débit d’oxygène) avec anomalies bilatérales à la radiographie thoracique ou au scanner thoracique, et en association à la prise en charge symptomatique adaptée, l’association lopinavir/ritonavir peut être discutée, au cas par cas, de manière collégiale et si nécessaire en se faisant appuyer par un spécialiste ou un centre expert, ou à défaut, l’hydroxychloroquine selon le même niveau de collégialité.
En cas de pneumonie avec insuffisance respiratoire aiguë sans défaillance multiviscérale, et en association à la prise en charge symptomatique adaptée, le traitement par remdesivir est la « seule option thérapeutique formalisée bien que sans niveau de preuve, si excrétion virale documentée dans les prélèvements naso-pharyngés ou respiratoires profonds ». En présence d’une défaillance d’organe (hors défaillance respiratoire), c’est l’association lopinavir/ritonavir avec monitoring pharmacologique ou hydroxychloroquine qui sont préconisées.
En situation dégradée, le texte indique aussi que la tomodensitométrie thoracique sans injection peut être utilisée aux urgences pour orienter rapidement le diagnostic et les patients vers les unités Covid-19 dédiées.
Spécificités en situation gériatrique
Le texte préconise de mettre en œuvre, chez tout patient alité, une prévention thromboembolique de type HBPM, d’éviter l’arrêt d’anticoagulant ou d’antiagrégant plaquettaire, de s’assurer de la bonne hydratation du patient et de remettre le sujet en mobilité, le plus tôt possible avec le soutien d’un kinésithérapeute.
Une attention doit aussi être portée à la sphère cardiaque (adaptation posologique des traitements antihypertenseurs, ECG systématique et surveillance des risques de complications cardiaques), rénale (diurèse), intestinale (transit, douleurs, …), au risque d’escarres et de syndrome confusionnel.
Spécificités respiratoires
Si les patients asthmatiques sont une population à risque d’infections respiratoires virales sévères, les données pour l’heure disponibles ne montrent pas de surreprésentation de ces patients parmi les cas confirmés. Aussi, les traitements de fond doivent être maintenus.
Cet article a été initialement publié sur le site univadis.fr sous l’intitulé : COVID-19 : nouvelles recommandations de prise en charge du HCSP.
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Citer cet article: COVID-19 : nouvelles recommandations de test et de prise en charge du HCSP - Medscape - 27 mars 2020.
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