COVID-19 : les cliniques privées à la rescousse

Véronique Hunsinger

Auteurs et déclarations

27 mars 2020

Paris, France -- Alors que l’hôpital public est en première ligne dans la prise en charge de l’épidémie de Covid-19, le privé prend-il également toute sa part ? Le ministre de la santé a tenu à « faire taire les rumeurs » lors de sa conférence de presse samedi 21 mars : les cliniques privées participent bien à la mobilisation contre l’épidémie de Covid-19 selon lui.

Unités de cohorting dans les cliniques privées du Grand Est

C’est effectivement le cas dans le Grand Est, région aujourd’hui la plus touchée par la pandémie avec l’Ile-de-France. A Mulhouse, dont les services d’urgences et de réanimation sont saturés depuis la semaine dernière, l’hospitalisation privée a répondu présente. Les deux établissements de la Fondation du Diaconat, qui avec 23 000 patients pris en charge annuellement représente une part importante de l’offre de soins de la ville, ont mis en place depuis le 17 mars des unités de « cohorting » Covid-19 en soutien au Centre hospitalier public, l’hôpital Emile Muller. Ce terme de cohorting désigne le regroupement de patients infectés ou colonisés par le même agent infectieux afin de confiner leurs soins dans une seule aire et prévenir les contacts avec des patients vulnérables.

Ces quatre unités de 100 lits au total accueillent des patients déjà présents dans les différents établissements de la Fondation sur tout le département, mais également des patients adressés par les hôpitaux publics et les Ehpad. Elles ne sont, en revanche, équipés ni en matériel ni en personnel permettant la réalisation de réanimations lourdes. « Les unités COVID des établissements mulhousiens sont supervisées par des médecins anesthésistes-réanimateurs, précise la Fondation dans un communiqué. Ils sont secondés dans cette lourde tâche par les praticiens, toutes spécialités confondues, qui ont fermé leur cabinet et suspendu la plupart de leurs activités. Tous font preuve d’une mobilisation exemplaire ».

A Colmar, au sein de l’hôpital Albert Schweitzer et de la clinique du Diaconat, deux établissements qui font partie de la même Fondation, 50 patients touchés par le Covid-19 étaient pris en charge en début de semaine, dont certains avaient été transférés du Centre hospitalier public de Mulhouse. Deux lits de réanimations ont également été installés à l’hôpital Schweitzer pour être mis à la disposition des Hôpitaux civils de Colmar.

Une collaboration très active

Dans les unités de cohorting, les professionnels sont en moyenne au nombre de 20, par tranche de 24 heures, pour 30 lits. Il est à noter que des anesthésistes-réanimateurs de la Fondation du Diaconat interviennent également en soutien au Groupe hospitalier régional de Mulhouse Sud Alsace (GHRMSA c’était à dire le groupement hospitalier de territoire public) pour renforcer les équipes. « La collaboration entre établissements public et privé non lucratif est très active et tous font preuve de solidarité pour surmonter les difficultés » se félicite la Fondation. 

Cette coopération a été saluée également par le directeur de l’Agence régionale de santé (ARS) Grand Est, Christophe Lannelongue ainsi que par la préfète Josiane Chevalier. « La solidarité inter-établissements fonctionne parfaitement entre les départements de la région, ont-ils indiqué dans un communiqué dimanche. Ainsi, 480 patients sont actuellement pris en charge dans les structures de réanimation de la région grâce à une centaine de lits de réanimation ouverts dans les structures privés ». L’ARS a ainsi pu doubler les capacités d’accueil en réanimation à l’échelle régionale jusqu’à compter près de 900 lits.

Mobilisation au niveau national

Au niveau national, le Directeur général de la Santé, le Pr Jérôme Salomon a également rappelé mardi soir que « dans un souci d’anticipation, il avait été décidé de mobiliser fortement l’ensemble des établissements de santé français publics et privés afin d’augmenter les capacités de lits de réanimation ». Des consignes en ce sens avaient été données dès le 12 mars. « La mobilisation des établissements publics et privés a permis de passer en quelques jours de 5 000 à 8 000 lits de réanimation » a-t-il insisté. Pour sa part, la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) annonçait le 11 mars pouvoir mettre à disposition 4 000 lits dans ses services de soins critiques (surveillance continue, soins intensifs et réanimation) et prendre « le relais des opérations non urgentes déprogrammées dans les établissements de première et deuxième ligne ».

Mais changeait de discours dix jours plus tard en décidant de s’impliquer directement dans l’effort national : « Faites appel à nous, lançait alors Lamine Gharbi, le président de la FHP dimanche 23 mars. Privé comme public, nous sommes au service du pays. Nos établissements sont prêts à prendre en charge des patients avec des lits de réanimation disponibles, y compris dans les territoires les plus touchées. Nous demandons à être davantage sollicités pour épauler l’hôpital public ». Il regrettait notamment que les 70 places en réanimation déjà mise à disposition la veille en Alsace ne soient pas toutes occupées. « Dans plusieurs régions y compris parmi les plus touchées, des lits de réanimation et de soins critiques libérés dans les cliniques restent vides ou sous-occupés, regrette la FHP. Les médecins et anesthésistes libéraux des établissements privés sont peu sollicités alors que les capacités hospitalières publiques sont ici et là en passe d’être dépassées ».

 
Faites appel à nous. Privé comme public, nous sommes au service du pays. Lamine Gharbi
 

Des compétences médicales et organisationnelles qui restent inutilisées 

Outre les 4 000 lits de réanimation effectivement libérées, la FHP annonce que les établissements ont déprogrammés 100 000 opérations non urgents afin de pouvoir accueils des patients atteints de Covid-19 dans plus de 10 000 lits. Les 460 établissements ou services de soins de suite privés ont également arrêté depuis la semaine dernière toute leur activité d’hospitalisation de jour afin de libérer des places « Là encore, les consignes nationales tardent à être diffusées pour mettre à profit ces capacités hospitalières et ses compétences médicales et organisationnelles qui restent inutilisées » déplore la FHP.

Le constat est le même chez les médecins libéraux. En ville, le paradoxe est que dans certaines régions où l’épidémie est très active, les médecins notamment généralistes sont débordés alors qu’ailleurs les praticiens constatent une diminution importante de la fréquentation de leur cabinet. « Les cliniques se sont préparées à accueillir des patients atteints de Covid-19, confirme la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF). L’activité programmée y a été supprimée, des organisations spécifiques ont été mises en place. Pourtant, ces établissements de soins privés et les médecins qui y exercent sont souvent l’arme au pied, dans l’attente de patients atteints, alors que les structures publiques d’un même territoire sont sous tension, voire débordées ». Le paradoxe apparait de plus en plus flagrant.

 

Retrouvez les dernières informations sur le COVID-19 dans le  Centre de ressource Medscape dédié au coronavirus

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....