
Justin Breysse
France – Les étudiants en médecine, externes et internes, vont être fortement mobilisés pendant la crise. Ils seront largement sur le terrain, dans les services hospitaliers ou en renfort pour répondre aux appels du Samu pour les plus jeunes. Pas question de diplômer en masse et en urgence sans examen final comme en Italie, mais le déroulé de leur cursus universitaire va s'adapter à cette situation sans grande visibilité. Eclairages avec Justin Breysse, président de l'InterSyndicale Nationale des Internes (Isni) et le Pr Patrice Diot, doyen de la faculté de médecine de Tours (Indre-et-Loire), président de la Conférence des doyens.
Un appel à la mobilisation de tous
Dès le 16 mars, l'Isni a appelé « tous les internes actuellement en disponibilité, en année de recherche, en vacances [à] contacter leur cellule de crise locale (syndicat d’interne, ARS, CHU) pour prendre part à la prise en charge des patients [1].»
Une instruction ministérielle du 16 mars dernier émanant du ministère des Solidarités et de la Santé et de celui de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l'Innovation a encadré officiellement certains aménagements liés à la crise sanitaire. Aussi indique-t-elle la possibilité que les internes puissent être réaffectés dans d’autre service, sans autorisation spéciale dans le même établissement et dans d'autres établissements [2].
« Pour la réaffectation, on fonctionne sur le principe de volontariat. Nous avons listé tous ceux qui sont compétents, c'est-à-dire qui ont une expérience aux urgences, en médecine interne ou en réa. Les internes en santé publique sont importants pour la réorganisation des soins » explique Justin Breysse (Interne en rhumatologie à Aix Marseille) à Medscape édition française.
Concernant le rôle des internes dans la gestion de la crise, l'instruction ministérielle indique qu’ils doivent avoir accès aux mesures de protection, doivent être couverts par une convention de stage, disposer d’une assurance responsabilité civile professionnelle, et qu'ils seront rémunérés à l’identique, comme collaborateur occasionnel dans un autre établissement.
Les externes aussi
Les externes sont également mobilisés. « Les étudiants déjà en stage auprès des patients, y restent, mais peuvent être réaffectés selon les besoins si, du fait de la réorganisation des soins liée à l'épidémie, l'activité de leur service d'origine est réduite. » indique le Pr Patrice Diot ajoutant : « les étudiants externes de premier cycle dont le service sanitaire a été suspendu depuis le 13 mars peuvent se former pour pouvoir épauler le Samu, notamment en répondant aux appels téléphoniques ». Cette initiative des Doyens des facultés de médecine et de la Conférence des Doyens est très bien accueillie auprès des étudiants, « qui font preuve d'une très grande maturité et dont l'élan de solidarité nous porte » confie Patrice Diot.
Par exemple, trente étudiants de l’université de médecine de Paris-Saclay se forment en ce moment pour rejoindre le SAMU91 alors que trente autres sont déjà implantés au SAMU 77. Un tel déploiement est en cours aussi à Strasbourg, à Paris et dans toute la France.
Risque d'épuisement majoré
L'Isni, par la voix de Justin Breysse, s'inquiète du risque d'épuisement professionnel. Le droit au remplacement pour les internes dans ce contexte est rappelé par l'instruction ministérielle qui précise également que le référent et la CUMP (Cellule d’urgence médico-psychologique) doivent être contactés.
« A la faculté de Tours, nous souhaitons maintenir la continuité pédagogique grâce à des cours « virtuels » mais on sera particulièrement vigilants pour éviter le surmenage chez certains externes de 2ème cycle » indique pour sa part Patrice Diot.
« Les internes représentent 44 % du personnel médical. Nous sommes mobilisés, nous irons au front, c'est notre cœur de métier. Mais nous avons l'impression d'être les seuls à prendre nos responsabilités » rage Justin Breysse, lui qui exhorte le gouvernement à mettre en place au plus vite un confinement total.
Quid de la continuité du cursus universitaire ?
Pour les internes
concernant les changements de stage du début du mois de mai, la nouvelle affection sera reportée d’un mois renouvelable sauf prise de poste hospitalière.
les stages à l’étranger pour le prochain semestre sont annulés.
l’affectation des docteurs juniors sera terminée à la 3ème semaine de juillet.
Contrairement à l'Italie qui va diplômer en urgence 10 000 jeunes médecins, sans passage d'examen final, une mesure à laquelle les facultés de médecine britanniques songent également, il n'a pas été décidé de procédure accélérée. « La consigne, venant de la Conférence des Doyens et reprise par l'instruction ministérielle, c'est que le passage du DES et de la thèse ne doivent pas être retardés par l'épidémie » explique Justin Breysse. Autrement dit, l'acquisition du statut de docteur n'est aujourd'hui ni accélérée ni retardée.
Pour les ECN
Vraisemblablement, les ECN seront décalées. « L'idée est de laisser passer l'épidémie » commente Patrice Diot.
Pour les externes
Chaque faculté de médecine s'organise comme elle le souhaite. « Les changements de stage ne sont pas cadrés au niveau national mais à peu près partout les Doyens estiment que les externes de second cycle resteront dans le même service » explique le Pr Diot.
Concernant la faculté de médecine de Tours, son doyen, le Pr Diot, indique que « des cours sont dispensés en semi-présentiel dans des classes virtuelles, d'autres seront enregistrés et mis à disposition sur l'espace numérique de l'université ».
Les étudiants doivent donc se rapprocher de leur université pour savoir comment s'organise la continuité pédagogique.
Et le concours de la Paces ?
Face à l'épidémie du coronavirus, le ministère de l’Enseignement supérieur vient d'annoncer le report de toutes les épreuves des examens et des concours nationaux qui devaient se tenir dans les semaines qui viennent, y compris celui de la PACES, première année commune aux études de santé. Les épreuves sont officiellement reportées pour la fin du mois de mai.
Astuce pour tous les internes qui auraient besoin d’une mise à jour, l’ouvrage de référence Urgences médicales : Conduites à tenir - protocoles thérapeutiques, d’Axel Ellrodt et Nicolas Peschanski, est disponible gratuitement en format numérique.
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Citer cet article: COVID-19 : ce que la crise change pour les étudiants en médecine - Medscape - 25 mars 2020.
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