Epidémie de COVID-19 : une aubaine pour la télémédecine?

Véronique Hunsinger

23 mars 2020

France – Si la télémédecine, et en particulier la téléconsultation, avaient du mal à démarrer en France, l’épidémie actuelle pourrait bien leur donner un coup de boost d’une ampleur aussi élevée qu’inattendue. Quels opérateurs se positionnent sur ce créneau ? Les médecins peuvent-ils tous s’y mettre, comme le prétend l’Assurance maladie ? Si oui, alors comment facturer ces consultations et choisir un logiciel ?

Assouplissement des règles de la téléconsultation

Dans le contexte actuel de confinement imposé par les Autorités pour entraver la contagiosité, la téléconsultation apparait en effet pour certains comme LA solution, même si elle ne permet pas l’examen clinique, pour diagnostiquer les cas de Covid-19 tout en permettant aux médecins de se protéger. Et, en effet, selon l’Agence du numérique en santé, « parce qu’ils permettent l’exercice de la médecine tout en protégeant les professionnels de santé et leurs patients, la téléconsultation (consultation à distance) et le télésuivi (suivi infirmier à distance) apportent une réponse sanitaire à l’épidémie actuelle ».

Remboursées depuis 2018, et soumises à un certain nombre de règles, les téléconsultations viennent de voir leur encadrement assoupli par le gouvernement, pour le plus grand bonheur des plateformes de téléconsultation. Le ministre de la santé a, en effet, décidé à titre transitoire et exceptionnel (décret du 9 mars) et jusqu’au 30 avril, que pour les patients infectés par le coronavirus ou pour lesquelles une suspicion existe, si le médecin traitant du patient ne propose pas de téléconsultation ou n’est pas disponible, la prise en charge de la téléconsultation soit possible, et cela même si le médecin ne connaît pas le patient concerné. En clair, comme l’explique le site de l’Assurance Maladie, « le médecin peut recourir à la téléconsultation sans connaître préalablement le patient et en dérogeant aux règles du parcours de soins pour les patients infectés par le Covid 19 ou susceptibles de l’être » [1].

Les opérateurs se positionnent

Doctolib qui s’était positionné très tôt sur le marché de la téléconsultation puisqu’il a déjà permis la réalisation de 180 000 actes remboursées par l’Assurance maladie, a réagi immédiatement à la parution de ce décret. Avant la crise du coronavirus, l’entreprise revendiquait 3 500 praticiens utilisateurs de sa plateforme de téléconsultation. « Face à cette cause de santé publique, nous avons décidé de mettre à disposition la consultation video gratuitement pour tous les médecins de France, a annoncé son président Stanislas Niox-Chateau. Nos équipes travaillent dur pour former et accompagner les médecins à l’usage de ce service ».

Mais plusieurs autres plateformes se positionnent sur le créneau. Les plateformes Docavenue et RDVmédicaux viennent tout juste de fusionner sous le nom de Maiia. La nouvelle entité équipe ainsi déjà 4000 médecins et 400 officines de pharmacies pour la téléconsultation. La startup Hellocare vient également d’annoncer la gratuité de son service de téléconsultation « sans engagement, sans téléchargement avec une mise en place rapide et un accompagnement pour la prise en main ».

Tout le monde peut s’y mettre

Précision importante de l’Assurance maladie : « Les téléconsultations peuvent être réalisées en utilisant n’importe quel moyen technologique actuellement disponible pour réaliser une vidéotransmission : lieu dédié équipé mais aussi site ou application sécurisée via un ordinateur, une tablette ou un smartphone équipés d’une webcam et relié à Internet (exemple : Skype, Whatsapp, Facetime…). Il n’est pas nécessaire d’être équipé d’une solution de téléconsultation pour pouvoir en faire une » insiste-t-elle [1]. Tandis que de son côté, le syndicat Union Généraliste – FMF précise que « rien n’empêche d’utiliser plusieurs solutions, l’essentiel est d’être au moins en même temps sur une interface professionnelle pour renseigner le dossier médical, envoyer des ordonnances au pharmacien par MSSanté et faire les arrêts de travail avec Ameli Pro ».

Il n’est pas nécessaire d’être équipé d’une solution de téléconsultation  pour pouvoir en faire une Assurance Maladie

Facturation facilitée

En termes de facturation, l’Assurance Maladie, indique que, pendant la période de l’épidémie, les téléconsultations sont prises en charge à 100 % (sachant que le tarif de la téléconsultation est équivalent au tarif de la consultation présentielle). Dans le cas où le médecin n’est pas équipé d’une solution de téléconsultation, il a été décidé de simplifier provisoirement le circuit des pièces justificatives nécessaires à la facturation des actes à l’Assurance Maladie. Les feuilles de soins papier n’ont pas à être transmises à l’Assurance Maladie. Elles doivent être conservés au cabinet du médecin. A savoir : Une fiche est à votre disposition pour vous faciliter la facturation de ce nouvel acte de téléconsultation.

Les avantages de la télémédecine

La Société française de santé digitale s’est réjoui des décisions des pouvoirs publics en rappelant les avantages de la télémédecine dans ce contexte particulier : dépister plus tôt les formes sévères, éviter au patient de se déplacer au cabinet du médecin ou aux urgences et ainsi limiter la propagation, permettre aux médecins libéraux d’échanger des données médicales en télé-expertise sur des cas possibles et organiser des prises en charge coordonnées et éviter au résidents d’établissements médico-sociaux d’avoir à se déplacer. La société savante appelle les pouvoirs publics à « équiper au plus vite les professionnels pour rendre accessible la téléconsultation avec des outils de visioconférence et dispositifs médicaux connectés interprétables afin de conduire des téléconsultations de qualité ». Pour elle, la priorité est à donner aux infirmiers libéraux qui peuvent assister leurs patients à domicile dans une téléconsultation avec leur médecin depuis le 1er janvier.

D’autres sociétés savantes ou syndicat de spécialistes appellent les praticiens à recourir autant que possible à la téléconsultation. Par exemple, le Syndicat national des gynécologues obstétriciens de France (Syngof) recommande de « décaler les examens simples type frottis et consultations de routine et de privilégier pour celles-ci la téléconsultation ». (Lire COVID-19 et suivi en gynécologie obstétrique de ville : les recommandations du Syngof)

Covidom : une solution de télésuivi à domicile

Les établissements de santé ne sont pas en reste. L’Assistance publique - Hôpitaux de Paris (APHP) a notamment lancé une application pour suivre à distance leurs patients porteurs ou suspectés Covid-19 qui ne nécessitent pas d’hospitalisation. « L’objectif est d’assurer un télésuivi à distance des patients ne nécessitant pas une hospitalisation, sans surcharger les établissements de santé et les médecins généralistes, leur permettant ainsi de se consacrer sur les patients le nécessitant » a indiqué l’APHP dans un communiqué [2]. Cette application baptisée COVIDOM, disponible sur les stores d’Apple et de Google Play est opérationnelle depuis le 9 mars. Le médecin inscrit son patient sur la plateforme et ce dernier répond quotidiennement à un questionnaire simple selon une fréquence variable en fonction du risque et de la période. Une application du même type a été développé par le CHU de Montpellier. Il s’agit de permettre « aux patients diagnostiqués positifs au COVID-19 n’ayant pas de critères d’hospitalisation de rester à domicile tout en bénéficiant d’un suivi personnalisé par une équipe soignante dédiée et le cas échéant d’une téléconsultation ».

 

Enfin, un grand nombre d’assurance maladie complémentaire proposent gratuitement à leur adhérents un accès à une téléconsultation auprès de plateformes partenaires. Ces consultations ne s’inscrivent pas dans le parcours de soins, ce qui explique sans doute le recours encore modéré des patients jusqu’à présent. Mais là aussi le contexte épidémique change la donne. La plateforme MedecinDirect affirme avoir réalisé lundi dernier 2,32 fois plus de téléconsultations que quatre jours auparavant.

Dispositif d’auto-référencement

Enfin, afin d’éclairer le choix des professionnels de santé amenés à s’équiper d’un logiciel de téléconsultation et télésoin dans le cadre de l’épidémie, l’Agence du numérique en santé continue de référencer sur son site les solutions disponibles en télésanté avec, pour chacune, les fonctionnalités proposées et le niveau de sécurité garantie. Cette liste a été établie à partir des auto-déclarations des éditeurs. Un score de sécurité a été, quant à lui, calculé par l’Agence à partir de différents éléments : conformité au Règlement général pour la protection des données (RGPD), certification de l’Hébergeur des données de santé, traçabilité, sécurisation des flux ainsi que l’identification et l’authentification aussi bien du professionnel de santé que du patient.

 

Pour toute consultation sur la téléconsultation, la Société Française de Santé Digitale (SFSD) a mis en place une Foire aux Questions (FAQ) .

 

 

 

 

 

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