En France, près de 8 millions de patients souffrent d'asthme. Sont-ils vraiment plus à risque de développer une forme sévère de COVID-19 ? Quid des patients atteints de BPCO ? Quel est le message que les pneumologues peuvent faire passer à leurs patients ? Le Dr Colas Tcherakian, pneumologue à l’hôpital Foch, ne veut pas être amené « à choisir entre les jeunes, leurs pères et leurs grands-pères...».

Dr Colas Tcherakian
Le message du Dr Tcherakian :
« Bonjour, je voulais partager avec vous des éléments d’information concernant les patients atteints de maladies respiratoires bronchiques chroniques comme l’asthme ou la bronchopathie chronique obstructive (BPCO) et les mesures à prendre pour faire face à l’infection par le SARS-CoV-2.
- Asthme ou BPCO : 10 millions de patients en France
Aujourd’hui, il y a effectivement une certaine inquiétude de la part des patients asthmatiques (6 à 8 millions ) et de ceux ayant une BPCO — cette maladie respiratoire liée au tabac (3 millions). Nous atteignons rapidement 10 millions de personnes souffrant d’une maladie respiratoire chronique bronchique en France et qui peuvent, potentiellement, avoir à prendre un traitement quotidien. La question aujourd’hui est : que doivent-il faire ? Sont-ils particulièrement à risque ?
De façon assez étonnante pour une infection virale, on peut leur dire que la présence d’un asthme ne ressort pas du tout comme un facteur de risque de développer une infection par le SARS-CoV-2, même, paradoxalement, on a l’impression qu’il y a moins de personnes asthmatiques parmi ces patients. Pourquoi ? Ce serait possiblement lié à leur terrain génétique, possiblement aussi au traitement. On pense que le traitement aurait un effet bénéfique sur la prolifération virale.
Donc à la question « si je suis asthmatique, ai-je un surrisque d’infection ou de faire une forme sévère ? » la réponse est : non — aujourd’hui, on peut être rassurant.
Et « est-ce que je dois arrêter mon traitement ? » — la réponse est : surtout pas. Continuez vos traitements de fond. Cela a un effet probablement protecteur, et de toute façon, si vous l’arrêtez, il y a un risque d’exacerbation de la maladie. Donc les choses sont assez claires pour les maladies bronchiques. (Lire aussi Covid-19 et asthme : les recommandations des pneumologues)
- Symptômes et confinement
Il est vrai que ce virus est assez étonnant. Il donne des symptômes que l’on ne voit habituellement pas pour les virus à tropisme respiratoire :
de l’anosmie (perte de l’odorat) et de l’agueusie (perte du goût), qui sont des signes très spécifiques de cette infection virale.
des signes digestifs, parfois isolés, parfois pas de signes.
un tiers des patients, ou plutôt un tiers des personnes infectées restent asymptomatiques, disséminant la maladie.
Il est donc très difficile, sur des signes cliniques, de savoir qui il faudrait isoler ou non. C’est ce qui a conduit cette semaine à proposer un confinement à tout le monde. Quel est le but de ce confinement ? Aujourd’hui, le risque d’avoir une épidémie en une seule bosse, une seule crête, en un seul afflux de patients, va entraîner ce qui est arrivé en Italie, ce qui arrive actuellement dans l’est de la France : une saturation du système de santé avec l’impossibilité de prodiguer à chaque patient le meilleur des soins. Cela transforme des médecins comme nous en médecins de guerre, devant choisir entre deux patients : lequel des deux on doit laisser mourir et lequel des deux on peut essayer de traiter parce qu’il a plus de chances de survivre.
- Le message [pour nos patients] aujourd’hui est le suivant :
Le confinement va servir à écrêter cette épidémie qui risque de saturer le système de santé (et cela a déjà commencé) et qui nous empêche de pouvoir fournir à chacun des patients qui arrivent en détresse respiratoire les meilleurs soins possibles. Il va servir à transformer cette bosse de dromadaire en deux bosses de chameau, car quand on applique un confinement, on écrête la poussée épidémique.
On va avoir, de toute façon, une deuxième poussée à l’arrêt du confinement, parce que l’épidémie elle-même ne s’arrêtera que quand 70 % de la population aura attrapé ce virus et aura développé une immunité, et les 70 % des gens infectés avec des anticorps protégeront les 30 % qui n’en ont pas. Mais si la population s’infecte toute en même temps, l’arrivée massive de malades va entraîner une saturation et obliger les médecins à choisir entre la jeune personne de 25 ans — car il y a des jeunes qui meurent tous les jours de la COVID, il y a des jeunes qui sont aujourd’hui en réanimation, ventilés, en raison de cette maladie, donc oui, cela touche les jeunes ! — et ne nous obligez pas à choisir entre ces jeunes, leurs pères et leurs grands-pères pour savoir qui on doit laisser mourir ou vivre. (Lire aussi COVID-19 : les enjeux d’une prise en charge éthique par temps de restriction)
Merci à vous, confinez-vous, transformez le dromadaire en chameau, et de notre côté, nous voulions vous remercier, car nous avons entendu les applaudissements qui ont été faits hier soir, jusqu’à l’hôpital. Les soignants vous remercient de tout ce soutien que vous leur apportez. »
Retrouvez les dernières informations sur le COVID-19 dans le Centre de ressource Medscape dédié au coronavirus .
© 2020 WebMD, LLC
Les opinions exprimées dans cet article ou cette vidéo n'engagent que leur(s) auteur(s) et ne reflètent pas nécessairement celles de WebMD ou Medscape.
Citer cet article: COVID-19 : « ne nous obligez pas à choisir entre les jeunes, leurs pères et leurs grands-pères », C. Tcherakian, pneumologue - Medscape - 20 mars 2020.
Commenter