Wuhan, Chine – Qui sont les patients à risque de décès par coronavirus ? Une étude chinoise parue dans le Lancet a repéré et listé un certain nombre de facteurs aggravants, pouvant conduire les patients infectés au décès [1]. Retrouvera-t-on les mêmes critères chez les patients français ? Les choses sont d’ores et déjà moins claires (voir encadré).
PA, diabète et ventilation non invasive
Dans cet article, le premier à examiner les facteurs de risque associés au décès chez les adultes hospitalisés à Wuhan pour le Covid-19, les auteurs expliquent que les patients qui n’ont pas survécu étaient susceptibles d’être plus âgés, de présenter des comorbidités, et des D-dimères élevés.
« Un âge élevé et des signes de sepsis à l’admission, sous-tendant des pathologies comme une pression artérielle élevée et un diabète, et une utilisation prolongée de la ventilation non invasive constituaient des facteurs élevés de risque de décès chez ces patients » explique Zhibo Liu, co-autrice, dans le communiqué de presse. Une coagulation défectueuse faisait aussi partie du tableau clinique.
Le Dr Fei Zhou, de l’Académie des Sciences Médicales chinoise et ses collègues ont conduit une étude de cohorte rétrospective, observationnelle et multicentrique sur 191 patients, dont 137 avaient pu rentrer chez eux après hospitalisation et 54 sont décédés à l’hôpital.
91 des 191 patients présentaient des comorbidités
L’étude publiée en ligne dans le Lancet a inclus tous les patients hospitalisés dans les hôpitaux de Jinyintan et Wuhan ayant une infection par le Covid-19 confirmée au laboratoire qui sont sortis de l’hôpital ou sont décédés au 31 janvier de cette année. Les patients gravement atteints de la province étaient transférés dans ces deux hôpitaux jusqu’au 1er février. Les chercheurs ont comparé les données démographiques, cliniques, les traitements et les données de laboratoire issus des dossiers médicaux numériques entre les survivants et ceux qui ont succombé à la maladie. Les examens ont aussi inclus des séries d’échantillons d’ARN viral.
En tout, 91 (48%) des 191 patients présentaient des comorbidités. La plus fréquente était l’hypertension (30%), suivi du diabète (19%) et d’une pathologie coronarienne (8%).
Le risque de décès à l’hôpital augmente avec l’âge (odds ratio 1,10, 95% IC : 1,03 – 1,17, par année d’augmentation en âge), un score SOFA (Sequential Organ Failure Assessment) élevé (5,65, 2,61 – 12,23; P < 0,0001), et un taux de D-dimère excédant 1 μg/L à l’admission.
Comparé aux survivants, les personnes décédées avaient plus de problèmes respiratoires (98% vs 36%), de sepsis (100%, vs 42%), et d’infections secondaires (50% vs 1%).
L’âge moyen des survivants était de 52 ans comparé à 69 chez ceux qui sont décédés. Pour le Dr Liu, l’affaiblissement du système immunitaire et une augmentation de l’inflammation, qui abiment les organes et promeut la réplication virale, pourraient être une explication pour cet « effet-âge ».
Le délai entre la sortie de l’hôpital et les premiers symptômes était de 22 jours. Et celui de décès de 18,5 jours.
La fièvre a persisté pendant une durée moyenne de 12 jours chez tous les patients, et la toux a persisté pendant 19 jours en moyenne ; 45% des survivants continuaient à tousser à la sortie de l’hôpital. Chez les survivants, l’essoufflement s’est amélioré après 13 jours, mais a persisté jusqu’au décès chez les autres.
Excrétion virale persistante
L’excrétion virale a persisté pendant une période de 20 jours chez les survivants, allant de 8 à 37. Le virus (SARS-CoV-2) a été détecté chez les non survivants jusqu’à leur décès. Le traitement antiviral n’a pas permis de stopper l’excrétion virale. Ce qui n’est pas sans avoir des implications. « Cette excrétion virale observée dans notre étude est importante pour guider les décisions en termes d’isolement et de traitement anti-viral chez les patients avec une infection confirmée au Covid-19. Néanmoins, il faut être clair et ne pas confondre ce temps d’excrétion avec des recommandations sur le délai d’isolement de personnes qui auraient pu être exposées au Covid-19 mais ne présentent pas de symptômes, qui, elles, reposent sur le temps d’incubation du virus » précise la co-autrice Bin Cao.
« L’âge élevé, les taux de D-dimères augmentés, et un score SOFA élevé sont des critères qui peuvent aider les cliniciens à identifier, à un stade précoce, les patients qui auront un mauvais pronostic. L’excrétion longue du virus donne, elle, un rationnel pour définir une stratégie d’isolement des patients infectés et de traitements antiviraux optimaux dans le futur », concluent les chercheurs.
Une des limites à cette étude est que la population hospitalisée n’est pas représentative de toute la population infectée. Les chercheurs préviennent que « le nombre de décès ne reflète la mortalité réelle par Covid-19. » Ils précisent aussi qu’ils ne disposent pas d’assez de matériel génétique pour évaluer précisément la durée de l’excrétion virale.
Quid des patients français de 40 à 60 ans ou sans comorbidités ?
« Actuellement, un tiers des patients hospitalisées en réanimation en France n’ont pas de facteur de risque, dont une partie moins de 40 ans. On ne sait pas encore pourquoi. Il y a probablement un terrain génétique facilitateur de la maladie. Une des hypothèses est qu’il s’agirait d’un syndrome de reconstitution immunitaire paradoxal (IRIS), tel qu’on peut le voir parfois dans d’autres maladies infectieuses comme la tuberculose ou le VIH », expliquait le Dr Benjamin Davido, infectiologue à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches, médecin référent de crise COVID-19, et référent médical du Plan Blanc, à Medscape édition française ce week-end (Lire COVID-19 : quelle est la réalité du terrain ? Témoignage du Dr B. Davido, médecin infectiologue référent ).
De son côté, le Pr Gilles Pialoux, infectiologue à l’hôpital Bichat, précise que les jeunes qui sont hospitalisés dans un état grave sont probablement principalement ceux qui ont des comorbidités.
Le Pr Christian Perronne (infectiologue à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches) se veut, lui aussi, rassurant, indiquant que les cas graves, voire mortels, chez les gens jeunes sont exceptionnels mais « qu’il ne faut pas se sentir totalement protégé parce qu’on est jeune et en bonne santé ». AL
Cet article a été publié sur Medscape.com sous l’intitulé « Risk Factors for Death From COVID-19 Identified in Wuhan Patients » . Traduit et adapté par Stéphanie Lavaud pour Medscape édition française.
Retrouvez les dernières informations sur le COVID-19 dans le Centre de ressource Medscape dédié au coronavirus .
COVID-19 : l’ESC conseille de continuer les antihypertenseurs en dépit des inquiétudes
COVID-19 : quel est le rôle des récepteurs du système rénine-angiotensine ?
Conséquences cardiaques de l’infection à coronavirus : les recos de l’ACC
COVID-19 : implications sur la prise en charge des patients avec des antécédents cardiovasculaires
Covid-19 et questions en suspens : en sait-on plus en Chine ?
Covid-19 : une étude sur plus de 72 000 cas établit le taux de décès à 2,3%
Actualités Medscape © 2020
Citer cet article: COVID-19 : les facteurs de risque de décès identifiés - Medscape - 17 mars 2020.
Commenter