Suicides d’internes en série : l’Isni saisit la justice

Philippe Anaton

12 mars 2020

France -- Quatre internes se sont suicidés depuis le début de l’année. L’intersyndicale nationale des internes (Isni) compte lancer une série de procédures judiciaires.

Désarroi et tristesse

Si, l'intersyndicale nationale des internes (Isni) a invité tous les hospitaliers à porter un brassard noir, entre le vendredi 6 mars et le 13 mars, en signe de deuil, c'est que, en l'espace d'une semaine, deux internes se sont donné la mort, à Reims et Nancy.

À Reims, l'interne qui s'est suicidé s'appelait Florian Rodaro. Il était interne en anesthésie-réanimation, et a mis fin à ses jours le 28 février. « C'est avec un grand désarroi que j'ai appris le décès brutal de Florian Rodaro. C'est en tant qu'interne en anesthésie-réanimation que Florian, originaire de Tours, avait intégré notre communauté médicale depuis novembre 2018 », a témoigné N Pham, Doyen de l'UFR de Médecine de Reims. Une minute de silence a été observé en sa mémoire le vendredi 6 mars. Une enquête de police a par ailleurs été ouverte, à la suite de son suicide.

Le 5 mars, l'Isni annonçait un nouveau suicide d'internes cette fois-ci à Nancy : « Alors que la communauté des soignants porte le deuil de Florian Rodaro, interne en médecine à Reims, nous apprenons le décès d’un interne en premier semestre de biologie médicale à Nancy, qui porte à 4 le nombre de nos disparus cette année. »

En début d'année, le 7 janvier, une interne s'était donné la mort au CHU de Lille. « Nous avons eu l'immense tristesse d'apprendre le décès soudain d'une interne, actuellement en stage dans notre établissement [...] Cet élément tragique est survenu à l'extérieur du CHU et de la faculté. Elle était prise en charge pour des problèmes de santé. »

Carences d’accompagnement et de bientraitance

« Ces décès sont malheureusement l’arbre qui cache la forêt. La souffrance des soignants est systématiquement étouffée. Le manque de personnels, de moyens, un temps de travail qui dépasse les limites de sécurité pour les patients, des situations de harcèlement professionnel, la brutalité administrative, les carences d’accompagnement des étudiants et de bientraitance dans les programmes de formation sont les coupables de ces tragédies », écrit l'Isni dans un communiqué.

Le syndicat d'internes propose ses propres solutions pour remédier à ces conditions de travail difficiles, à l'origine de tant de drames.

« - décompte horaire du temps de travail ;

- observatoire national de la souffrance des soignants ;

- donner des moyens de développer des structures d’accompagnement efficaces dans toutes les UFR. »

Pour rappel, l'Isni avait déclenché une grève illimitée à compter du 10 décembre dernier, en vue de faire appliquer ses revendications. Agnès Buzyn, alors ministre des solidarités et de la Santé, y avait répondu le 12 décembre dernier, en proposant notamment un régime de sanctions financières contre les établissements de santé qui ne respecteraient pas les limites du temps de travail des internes. « L’annonce d’imposer strictement la limite des 48h hebdomadaires est vide de sens tant qu’il n’existe pas légalement d’obligation de décompter les heures de travail des internes » lui a répondu l'Isni dans son communiqué du 5 mars.

Procès en vue

Si l'Isni a levé son préavis de grève à la mi-février, lors de l'arrivée d'Olivier Véran au ministère des solidarités et de la santé, le syndicat vient de décider de nouveaux moyens d'actions contre les mauvaises conditions de travail des internes : « nous saisirons systématiquement le procureur et nous nous porterons Partie Civile en cas de décès d’un interne ou d’un docteur junior. » Par ailleurs, l'Isni va entreprendre de nouvelles procédures judiciaires. Devant le tribunal administratif, le syndicat étudiant va lancer un recours contre le décret sur le temps de travail. Le syndicat compte aussi saisir la cour de justice de l'Union Européenne, qui « a rendu obligatoire le décompte horaire du temps de travail pour tous les salariés ». De manière systématique, l'Isni compte aussi lancer des procédures « contre chaque direction hospitalière qui ne respecterait pas les dispositions en cours sur le temps de travail, contre chaque harceleur, contre chaque commission ou institution qui n’assumerait pas sa responsabilité de prévention ».

 

Une rencontre avec le ministre de la Santé Olivier Véran est programmée le 23 mars prochain.

 

À qui s’adresser en cas de souffrance au travail ?

L’Isni recommande d’appeler le numéro vert mis en place par le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom).

24 heures sur 24, 7 jours sur 7, le numéro vert de l’ordre des médecins 0800 288 038 permettra à tout médecin et à tout interne en faisant la demande d’être mis en relation, dans le respect de la confidentialité, avec un confrère (médecin de la commission départementale d’entraide ordinale ou médecin d’une association régionale d’entraide), avec un psychologue clinicien, ou avec un interlocuteur formé spécifiquement pour évoquer toute difficulté financière, administrative, juridique ou autre.

« C’est actuellement le seul numéro d’aide national aux médecins qui ne repose pas sur des logiques financières » précise l’Isni.
 

 

 

 

 

 

 

 

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....