POINT DE VUE

COVID-19 : implications sur la prise en charge des patients avec des antécédents cardiovasculaires

Dr Walid Amara 

Auteurs et déclarations

10 mars 2020

Enregistré le 9 mars 2020

TRANSCRIPTION

Comme vous le savez, le congrès de l’American College of Cardiology (ACC) a, pour la première fois en 69 ans, été annulé. Ce congrès devait se passer à la fin du mois, aux États-Unis. Cette annulation a lieu, bien sûr, dans le contexte mondial des cas de coronavirus, y compris aux États-Unis, qui commencent à être déclarés dans de nombreux états. À cette occasion, l’ACC a transmis un bulletin concernant la prise en charge cardiovasculaire des patients présentant ou à risque d’infection au COVID-19. Ce document est très intéressant et contient des points clés que je voudrais vous transmettre aujourd’hui :

  1. Le premier est le contexte clinique dans lequel cela survient. On entend dans la presse grand public de nombreux éléments concernant la mortalité de l’infection à coronavirus. Globalement, le taux de mortalité est estimé à environ 2,3 % selon des séries chinoises. Mais il semblerait que sur les évaluations les plus récentes, ce taux de mortalité est très différent d’un pays à l’autre puisque la mortalité a été évaluée à autour de 2,7 % en Iran alors qu’elle était de 0,5 % en Corée du Sud. Tous ces éléments sont soumis à des évolutions très rapides. 80% des patients ont des symptômes sans sévérité et c’est l’élément majeur. C’est-à-dire que la plupart des patients en bonne santé qui vont faire une infection au coronavirus vont faire un syndrome plutôt grippal et qui va évoluer favorablement, et c’est un élément très rassurant.

  2. Autre élément, par contre non rassurant : la morbidité et la mortalité augmentent avec l’âge, avec un taux qui est autour de 8 % chez les patients de 70 à 79 ans et peut atteindre jusqu’à 15 % chez les patients de plus de 80 ans, selon une série chinoise. Le taux de mortalité dépend des comorbidités — c’est un élément majeur. Les patients les plus impactés sont ceux avec des antécédents cardiovasculaires : dans cette série, il est rapporté un taux de mortalité d’environ 10 % chez les patients ayant une atteinte cardiovasculaire, environ 5 % chez les patients ayant des antécédents de cancer et 7 % chez les patients diabétiques.

  3. Concernant les complications cardiovasculaires de l’infection à COVID-19 : ce sont des complications semblables à celles que l'on est emmené à rencontrer lorsqu’on voit des patients qui font des complications de la grippe, ou même si cela n’est pas dans notre souvenir immédiat, des complications au SRAS. Ces patients font plus souvent de l’insuffisance cardiaque — il a été reporté un taux d’arythmie d’environ 16 % et un taux d’atteinte cardiaque d’environ 7 %. Nos patients avec atteinte cardiovasculaire sont les plus sévères et peuvent développer une insuffisance cardiaque ; ils doivent donc être pris en charge comme les patients qui présentent une insuffisance cardiaque. Il a même été reporté des cas d’insuffisance cardiaque aiguë qui ont nécessité des ECMO.

  4. Quelles sont les implications concernant la prise en charge de nos patients ayant des antécédents cardiovasculaires ?

- Il est recommandé, autant que possible, de faire de la prévention au maximum pour éviter que ces patients ne contractent l’infection.

- Deuxième élément de prévention, c’est de conseiller la vaccination, bien entendu antigrippale, mais également anti-pneumococcique, puisque ces patients sont amenés à faire des complications, des surinfections notamment pulmonaires. C’est un élément important dans notre pays où on voit bien que la vaccination n’est pas assez utilisée. Mais il n’est pas trop tard pour recommander la vaccination.

- On voit également l’essor de la télémédecine :  le fait d’éviter que tous ces patients viennent à l’hôpital est un élément plutôt favorable. Cet essor de la télémédecine est un élément intéressant.

- Également, il est plus difficile, chez des patients qui ont une infection à COVID-19, de diagnostiquer les différentes affections cardiovasculaires, y compris l’infarctus du myocarde. Concernant l’infarctus aigu du myocarde, même s’il doit être pris en charge de la même manière, on n’a pas trop de recul concernant sa prise en charge en angioplastie ou en pontage aorto-coronaire ; on sait qu’il y a également beaucoup d’élévation de troponine qui sont des infarctus de type 2, liés à l’infection bactérienne sévère. Donc beaucoup d’éléments pour la pratique sont notés dans le document.

- enfin, un élément important à conseiller à tous : la prévention pour les professionnels de santé. Il faut se protéger, c’est-à-dire avoir à disposition des masques, des gants et bien nettoyer l’ensemble du matériel, sans oublier le stéthoscope, le téléphone portable, les différents périphériques des ordinateurs ; et bien sûr informer nos patients sur les mesures préventives ― on ne va pas se faire la bise, on ne va pas se serrer la main et on va essayer de prévenir au maximum cette infection de COVID-19.

Voilà. J’espère que cette vidéo vous a intéressé, sans tomber dans la paranoïa. On va se protéger et protéger le personnel, mais surtout le patient. Bonne continuation et à très bientôt.
 

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