Les adolescents obèses ont plus de risque de cancer à l'âge adulte

Marine Cygler, Sharon Worcester

Auteurs et déclarations

11 mars 2020

Ramat Gan, Israël – Etre obèse à l'adolescence expose à un risque augmenté de développer un cancer à l'âge adulte. Voici le résultat principal obtenu grâce à l'étude d’une vaste cohorte d'adolescents israéliens entre 1967 et 2010. Les données suggèrent aussi que les cancers liés à l'obésité augmenteront dans le futur étant donné l'augmentation de la prévalence de l'obésité chez les adolescents. Les travaux du Dr Ariel Furer (Israel Defense Forces Medical Corps, Rama Gan, Israël) et ses collègues viennent d'être publiés dans The Lancet [1] .

Facteur de risque pour au moins douze cancers (rein, pancréas, utérus, estomac, myélome, lymphomes...), l'obésité pourrait dans le futur remplacer le tabac comme principale cause évitable de cancer, écrivent les auteurs dans l'introduction de leur article.

 
L'obésité pourrait dans le futur remplacer le tabac comme principale cause évitable de cancer.
 

Comme la plupart des études sur les associations obésité/cancer ont une période de suivi courte, les effets selon les périodes de la vie ont été peu évalués. Et ce, d'autant que, d'après les investigateurs, « la part de l'obésité dans les cancers avait été calculée en se fondant sur l’hypothèse, non vérifiée, que l'association restait la même au cours du temps. »

« Malgré lLe manque de connaissances, on voit bien aujourd’hui que la prévalence de l'obésité chez les jeunes, et en particulier l'obésité sévère, a augmenté dans le monde entier, de façon parallèle à l'augmentation de l'incidence des cancers chez les jeunes » écrivent-ils.

Pour combler ce manque de données, les chercheurs ont passé en revue les données médicales et sociodémographiques collectées alors que les jeunes Israéliens de 17 ans passent un examen médical pour leur service militaire obligatoire. En plus de ces données médicales, ils ont eu recours au Registre National de Cancer. Le critère d'évaluation principal était un diagnostic de cancer entre le 1er janvier 1967 et le 31 décembre 2012. Le second, la mortalité toute cause jusqu'au 31 décembre 2017, parmi ceux qui avaient développé un cancer.

Association entre obésité adolescente et cancer

Parmi les presque 2,3 millions d'adolescents de l’étude, 1370 020 étaient des garçons avec un suivi de 29,5 millions personnes-années, et 928 110 étaient des jeunes filles avec un suivi de plus de 18 millions personnes-années. Le nombre de cancers s'est élevé à 26 353 pour les hommes et 29 488 pour les femmes. La moyenne d'âge au diagnostic était de 43, 2 ans pour les hommes et de 40,0 ans pour les femmes.

L'obésité des garçons à l'adolescence était significativement associée à l'incidence du cancer à la quarantaine (hasard ratio, 1,26). Chez les femmes, une telle association n'a pas été mise en évidence car il existe des associations inverses entre l'obésité et les cancers du col de l'utérus et du sein.

Cela dit, quand ces deux types de cancer sont exclus de l'analyse, le hasard ratio ajusté était le même que pour les hommes (HR,1,27).

Dans les deux sexes, l'incidence du cancer augmente progressivement avec chaque pourcentile d'IMC. Un IMC correspondant à un surpoids était associé à une augmentation du risque de cancer après dix ans de suivi (HR, 1,14 pour les hommes, 1,22 pour les femmes après exclusion des cancers cervicaux et du sein). Donc dans certains cas, l'augmentation du risque de cancer était très nette, avant même l'âge de trente ans, indiquent les auteurs.

De plus, l'IMC était associé positivement à un risque plus élevé de mortalité. Concernant les hommes, la survie à cinq ans était de 75,2 % pour ceux dont l'IMC était compris entre le 5ème et le 49ème percentile à l’adolescence et de 72,2 % pour ceux dont l'IMC correspondait à une obésité (95ème percentile ou plus). Pour les femmes, la survie était respectivement de 89,3% et 83,1% (HR, 1,33 et 1,89 respectivement).

Les adolescents d'aujourd'hui encore plus concernés

Il est à noter que les auteurs ont identifié un effet période. Après stratification selon la période d'inclusion rapportée aux données sur le cancer (1967-1981/1982 -1996 vs 1982-1996/1997-2011), une association plus forte a été mise en évidence pour les individus entrés dans l'étude pendant la dernière période (HR, 1,36 vs 1,13 ; HR ajusté 1,11 vs 1,07 pour 5kg/m2). Pour expliquer ces résultats, plusieurs mécanismes sont possibles dont des facteurs environnementaux et nutritionnels ou encore la détection plus précoce des cancers. Des études complémentaires sont nécessaires pour confirmer la tendance et « connaître plus précisément quels sont des nouveaux éléments carcinogéniques par rapport aux périodes plus anciennes ».

Autre élément intrigant : certains cancers n'étaient pas associés à l'IMC au cours des premières périodes mais le sont devenus plus récemment. C'est le cas du cancer de l'estomac, de la thyroïde, des lymphomes non-hodgkiniens, du cancer colorectal et de ceux de la cavité buccale.

« Le risque attribuable à l'obésité en utilisant la prévalence de 2017 des IMC élevés serait estimé à 5,1% pour tous les cancers chez les hommes, et à 5,7 % chez les femmes quand on exclut les cancers du sein et du col de l'utérus » écrivent les auteurs tout en soulignant qu' « il s'agit probablement d'une sous-estimation étant donné d'une part l'accentuation de l'association obésité-cancer et d'autre part l'augmentation rapide de la prévalence de l'obésité des adolescents en Israël et dans le monde ».

Ne pas stigmatiser l'obésité

Dans un éditorial qui accompagne l'article{2], les éditeurs du journal indiquent que les résultats du Dr Furer et de ses collègues mettent en lumière l'importance de lutter contre l'obésité dès le début de la vie et le besoin d'élaborer des stratégies pour réduire l'incidence et la mortalité des cancers liées aux habitudes de vie. Cependant, ils mettent en garde sur une possible stigmatisation de l'obésité, « une maladie multifactorielle nourrie par les inégalités médico-sociales ».

Ils soulignent aussi que les liens entre obésité et cancer, comme ceux entre l'obésité et d'autres maladies comme le diabète, mettent en évidence que les maladies non-transmissibles doivent être prises en charge de façon globale avec notamment la suppression des facteurs sociaux et environnementaux en cause dans ces maladies.

Les auteurs n'ont pas déclaré de conflit d'intérêt.

Cet article a été initialement publié sous l’intitulé « Adolescent Obesity Linked With Midlife Cancer Risk » sur medscape.com.

 

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