Chine – Le nouveau coronavirus, alias SARS-CoV-2, a-t-il déjà muté ? Tout laisse penser que oui si l'on s'en réfère aux données publiées dans la National Science Revue ce 3 mars, rapportant l'identification de deux souches différentes désignées L et S au terme d'une comparaison des génomes de 103 échantillons du virus [1]. Argument supplémentaire en faveur de sa capacité à muter : les souches humaines diffèrent d'autres souches de coronavirus identifiées chez la chauve-souris ou le pangolin. Dès lors à quoi faut-il s'attendre demain chez l'homme et quel pourrait être l'impact sur la production d'un vaccin ?
Vitesse de propagation
Le SARS-CoV-2 est le coronavirus responsable de l'épidémie de pneumonies virales apparues en décembre 2019 à Wuhan (Chine). Il a d'abord été vu comme un virus saisonnier proche de celui de la grippe (H1N1 et H5N1) dont il partage les symptômes cardinaux. Mais sa vitesse de propagation ont conduit à réviser ce jugement. Le virus s'est aujourd'hui disséminé avec une vitesse comparable à celle du SARS-CoV de 2002. Son taux de contagiosité (R0) serait compris entre deux et trois personnes, supérieur à celui la grippe (1,3) et moindre que la rougeole (> 12). Au 6 mars, on recensait 3 825 décès et 62 000 guérisons pour 110 041 cas confirmés dans 95 pays.
Des différences entre souches humaines et animales
La séquence du SARS-CoV-2 est à 96,2% identique à celle d'un coronavirus identifié chez la chauve-souris (SARSr-CoV; RaTG13) dans la province du Yunnan. Mais elle ne présente que 79% de ressemblance avec le SARS-CoV et 50% avec le MERS-CoV. On sait aussi que dans la voie de transmission d'un réservoir naturel à l'homme, les pangolins auraient joué un rôle en apportant un gène SPIKE au SARS-CoV-2. Ces différences entre virus laissent penser qu'une ou plusieurs mutations se sont produites au niveau des protéines de surface qui permettent l'infection des cellules cibles. Pour tenter d'identifier ces mutations chez l'homme, l’équipe chinoise a analysé les génomes de 103 échantillons du virus humain qu'elle a comparé au coronavirus retrouvé chez des espèces de chauve-souris ou chez le pangolin. Sans entrer dans les détails, on note que la différence entre les nucléotides du SARS-CoV-2 et d'un coronavirus présent chez la chauve-souris est d'environ 4%.
Les souches L et S
Chez l'homme, des mutations ont été identifiées sur 149 sites des 103 souches séquencées. Sur base d'une étude SNPs, deux souches ont été identifiées : le type L avec une prévalence de 70% et le type S minoritaire (30%). En dépit du fait que la souche L est aujourd'hui majoritaire, les chercheurs estiment que la souche la plus ancestrale serait la souche S apparue à Wuhan au début de l'épidémie et d'origine animale. Aujourd'hui les données suggèrent que la souche L a une vitesse de transmission plus élevée que la souche S, mais une analyse de sa capacité mutationnelle révèle que cette souche L est aussi celle qui accumule un nombre significativement plus élevé de mutations dérivées de la souche S. C'est cette capacité mutationnelle et cette vitesse de transmission élevée de la souche L qui la rend plus agressive que la souche S.
Et pour la production d’un vaccin ?
Les études locales confirment que la souche L est plus prévalente à Wuhan que dans d'autres régions du monde, mais cette prévalence diminue. L'explication serait que les mesures d'hygiène et de confinement prises par les autorités chinoises exercent une pression de sélection sur le type L mais pas sur le type S qui pourrait peu à peu monter en prévalence. Cette hypothèse n'exclut pas pour autant que des patients soient infectés par les 2 souches, à l’instar de cette femme de 63 ans vivant à Chicago et qui après un séjour à Wuhan a peut-être été infectée plusieurs fois.
Les auteurs soulignent toutefois que l'étude manque de robustesse en raison du petit nombre d'échantillons et que des analyses à grande échelle des données génomiques, épidémiologiques et cliniques de tous les patients seront nécessaires pour mieux comprendre l'évolution et l'épidémiologie du SARS-CoV-2. On retiendra que le SARS-CoV-2 peut se comporter comme un virus de la grippe, en mutation permanente en raison d'erreurs génétiques générées lors de sa réplication. Pour la production d'un vaccin, ces données impliquent de faire attention à cibler la bonne souche. Cela signifierait aussi qu'une vaccination contre un SARS-CoV-2 devrait être répétée (à une fréquence à déterminer).
Cet article a été publié initialement sur MediQuality sous l’intitulé : COVID-19: le SARS-CoV-2 a-t-il déjà muté?
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Citer cet article: SARS-CoV-2 : a-t-il déjà muté? - Medscape - 10 mars 2020.
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