POINT DE VUE

Retraite : le Régime Universel peut-il être pire que la CARMF ?

Dr Jean-Pierre Usdin

Auteurs et déclarations

9 mars 2020

Paris, France — Max, cardiologue, a pris sa retraite hospitalière en 2010. Il avait 64 ans. Il a décidé de poursuivre son activité de cardiologue libéral à temps complet au sein d’une institution privée dynamique. En conséquence, il bénéficie du cumul emploi-retraite. Il y a trois ans, à 70 ans, il a diminué son activité et exerce désormais à mi-temps en cabinet libéral.

Max ouvre l’enveloppe de la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF) pour prendre connaissance de ses mensualités pour 2020. Il découvre que les cotisations réclamées chaque mois correspondent désormais au tiers de ses revenus de cardiologue libéral, ce qui équivaut à la moitié de ce qu’il perçoit de la caisse de retraite.

Avec seulement des consultations et des examens par électrocardiogramme (ECG) comme activité, l’appréciation des cotisations versées est différente. Les prélèvements sont également calculés sur les revenus des deux années précédentes, alors que chaque année le nombre de ses patients diminuent (le naufrage de l’âge…).

A la signature du contrat cumul emploi-retraite, le montant de la pension devait augmenter et non l’inverse. Or, au final, il a été amputé de plus de 20% en dix ans. Entre le plafond annuel de sécurité sociale, la hausse des prélèvements sociaux, le forfait en cumul emploi retraite en hausse, l’Assurance supplémentaire vieillesse (ASV)… la hausse constante des cotisations a eu un effet notable.

 
Il découvre que les cotisations réclamées chaque mois correspondent désormais au tiers de ses revenus de cardiologue libéral.
 

Régime universel: le taux de remplacement en baisse

Faut-il s’attendre à ce que les pensions du futur régime universel soient encore plus faibles? A priori oui, si on en croit les projections de la CARMF. Les cotisations vont baisser et, en conséquence, il en sera de même avec les déductions fiscales (résultat net en baisse). Un effet qui provoquera une réduction majeure du niveau des retraites, qui devrait être encore plus importante pour les revenus les plus faibles.

Que les cotisations baissent, ce serait plutôt bienvenu, mais qu’en est-il de la rente ? En l’absence d’outil de simulation, il n’y a pas de comparaison disponible. Néanmoins, les experts de la CARMF ont émis des projections en comparant des taux de remplacements actuels (différence entre pension de retraite servie et dernier salaire perçu) à ceux du régime universel [1]. Il en ressort que ce sont les confrères ayant les plus faibles revenus qui seront les plus lésés.

Dans le projet de régime universel, le taux de remplacement sera ainsi réduit de 37,7% pour les revenus inférieurs à un Plafond de la sécurité sociale (PASS), soit 41 136 euros brut, et de 26,7% pour les confrères plus privilégiés (revenu équivalent à 3 PASS). En 2017, le revenu moyen annuel était de 92 000 euros (bénéfice non commercial) et le PASS était alors de 39 288 euros brut.

 
Que les cotisations baissent, ce serait plutôt bienvenu, mais qu’en est-il de la rente ?
 

Quel niveau de cotisations?

« Il n’y a aucune comparaison entre les systèmes des retraites avant et après réforme. Quelqu’un né dans les années 1960 et soumis au système de retraite actuel sera-t-il mieux ou moins bien servi que celui né après l’an 2000, dont la carrière sera comptabilisée dans le régime universel ? », s’est interrogé en octobre dernier, Henri Chaffiotte, directeur de la CARMF, lors d’un colloque de la caisse autonome.

Pour un médecin qui serait à cheval sur les deux régimes, avec respectivement 21 ans de cotisations avec l’ancien modèle et 16 ans de cotisations avec le nouveau régime de retraite universelle, la baisse de sa pension serait de 11%, selon une simulation de Medscape édition française.

On peut aussi s’interroger sur le montant des cotisations prévues dans le futur régime universel pour les médecins du secteur 2 ou sur le devenir de la cotisation pour l’allocation supplémentaire de vieillesse (ASV), actuellement à 9% du revenu annuel dans le cadre du cumul emploi-retraite.

L’ex-ministre de la Santé, Agnès Buzyn, avait annoncé une exonération de cotisation ASV pour les revenus allant jusqu’à 80 000 euros annuels afin de favoriser le repeuplement des déserts médicaux par les médecins retraités. Une mesure qui a déclenché un tollé du côté de la Fédération des médecins de France (FMF). « Exonérer les uns, c’est majorer les cotisations des autres si l’on veut maintenir l’équilibre du régime », a-t-elle prédit.

 
Ce sont les confrères ayant les plus faibles revenus qui seront les plus lésés.
 

Ticket gagnant pour le cumul !

Néanmoins, la Confédération syndicale des médecins généralistes (CSMF) vient tout juste d’obtenir que les cotisations retraite générées par l’activité libérale en cumul emploi-retraite permettent l’acquisition de droits nouveaux. « Cette mesure de bon sens est désormais inscrite dans le projet de loi instituant un système universel de retraite (…) et sera applicable dès le 1er janvier 2022 », a indiqué le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, dans un communiqué [2].

Dans une vidéo, l’Union française pour la médecine libérale (UFML) résume en dix arguments son opposition au régime universel. Selon le syndicat, le calcul par point ne tient pas compte des aléas de la vie et rien n’indique que le point ne baissera pas en fonction de la conjoncture. Par ailleurs, il souligne que les réserves constituées par la CARMF vont disparaître, que l’allongement de la vie professionnelle sera inévitable et que la réforme profitera d’une façon explosive au secteur des assurances capitalisées.

La CARMF, de son côté, propose de faire évoluer le projet vers un régime complémentaire autonome permettant de « prendre en compte la spécificité de [la] profession » [1]. Les plus fragiles seraient soutenus, « avec un taux de remplacement de 70% au lieu des 43% prévus par le régime universel ». Elle souhaite également « que le contrat conventionnel symbolisé par l’ASV ne soit pas manipulé à la baisse ».

Avec la pension de la CARMF nous nous trouvons fort dépourvus ! Pas certain que nos successeurs seront mieux lotis. Le conseil d’un « vieux fourneau » est d’épargner aux temps chauds !

 

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