Coronavirus : quand la désinformation devient virale

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

26 février 2020

Paris , France --- Un virus échappé d’un laboratoire ou volontairement libéré, des remèdes miracles en tout genre pour se protéger, cadavres jonchant les rues…. l’épidémie de coronavirus 2019 (Covid-19) a, elle aussi, fait les frais d’une désinformation majeure. Pour tenter d’enrayer le phénomène, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’est notamment placée sur le même terrain que ceux qui propagent ces « fake news, à savoir les réseaux sociaux.

Quand la désinformation devient virale

Les efforts déployés pour tenter de contrôler l’apparition et la propagation des fausses informations sur le coronavirus semblent bien vains. La preuve encore avec les récentes images et vidéos partagées sur les réseaux sociaux montrant de nombreux corps allongés dans les rues d’une ville, présentés comme des victimes du coronavirus, qui seraient ainsi beaucoup plus nombreuses que ce que les autorités chinoises veulent bien faire croire.

En réalité, comme souvent, ces images ont été sorties de leur contexte. Sur l’une d’entre elles, largement partagée sur Facebook, les personnes allongées participaient en fait à une performance artistique réalisée en 2014 dans une ville…allemande. Dans une vidéo plus récente prise cette fois dans une ville chinoise depuis un deux roues, les corps apparaissant furtivement, étendus sur le bas-côté, ne sont pas des cadavres, mais des personnes bien vivantes qui se retrouvent à dormir dehors après des restrictions d’accès à leurs quartiers.

Les sources de l’OMS mises en avant

Les exemples de ce genre ne manquent pas et témoignent aussi du contexte particulier lié à cette nouvelle épidémie, qui survient dans un pays au régime autoritaire, censurant toute forme de contestation, dans un contrôle total de l’information. De quoi renforcer les inquiétudes et les suspicions, déjà inévitables face à une flambée des cas d’infection par un nouveau virus. Les réseaux sociaux n’ont fait qu’amplifier une peur collective, en véhiculant au niveau mondial une multitude de rumeurs et de théories conspirationnistes.

Devant l’ampleur du phénomène, le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a annoncé début février, lors de l’ouverture du conseil exécutif annuel de l’organisation, un déploiement de mesures pour lutter contre la propagation sur internet de fausses informations concernant le coronavirus. Pour l’OMS, cette action s’inscrit dans la liste des recommandations émises pour aider les pays à contrer l’épidémie de coronavirus COVID-19.

« Nous avons travaillé avec Google pour faire en sorte que les personnes qui cherchent des informations relatives au coronavirus voient l’information de l’OMS en tête des résultats de leur recherche », a indiqué le directeur général. Il a souligné également les mesures adoptées par les médias sociaux, comme Facebook, Twitter, TikTok et Tencent, pour limiter la propagation d’informations erronées. Sur Facebook et Instagram, une recherche avec le mot-clé « coronavirus » fait désormais apparaitre en première ligne une bannière invitant à consulter le site de l’OMS.

« En cette époque de fausses nouvelles, de désinformation, nous avons de plus en plus besoin d’une OMS qui présente des faits probants fondés sur la science », a ajouté Tedros Adhanom Ghebreyesus. Les services de communication de l’organisation se sont donc mobilisés pour identifier les principales rumeurs concernant le coronavirus et rétablir les faits dans une rubrique « en finir avec les idées reçues », accessible sur le site de l’OMS et destinée au grand public.

Une « infodémie » préoccupante

On y trouve une longue liste de fausses informations en tout genre, avec la confirmation, par exemple, que le vaccin contre la pneumonie ne protège pas contre le nouveau virus, mais aussi que cette protection n’est assurée ni par la cocaïne, ni par l’ail, l’huile de sésame ou l’urine des enfants. De même, l’OMS rappelle que la pulvérisation d’alcool ou de chlore sur tout le corps ne permet pas d’éliminer le virus ou que la réception d’un colis provenant de Chine est sans danger.

Dans un article d’opinion, publié récemment dans le South China Morning Post, le directeur général de l’OMS revient à nouveau sur ce qu’il nomme « l’infodémie », pour présenter cette propagation incontrôlée d’informations erronées qui, selon lui, doit faire l’objet d’importants d’efforts de la part de la communauté internationale pour éviter des répercussions néfastes sur la lutte contre l’épidémie de coronavirus en elle-même.

« Dans le contexte actuel d’une urgence en santé publique, la désinformation a le potentiel de faire obstacle au contrôle et au confinement de la maladie, avec des conséquences pouvant mettre des vies en danger », a souligné Tedros Adhanom Ghebreyesus. Selon lui, cette lutte contre la désinformation est « l’un des plus grands défis de notre époque » auquel l’OMS veut participer en favorisant une nouvelle dynamique.

« Nos experts en médias sociaux travaillent sans relâche pour diffuser dans plusieurs langues des informations à partager basées sur les faits, afin que les personnes soient maintenues correctement informées [sur l’infection par le coronavirus] et non tentées par la désinformation, perçue alors comme seule source proposant une mise au point », a poursuivi le directeur général.

Du côté des réseaux sociaux, en plus de programmer les algorithmes de recherche pour mettre en avant les sources les plus crédibles, les équipes s’activent pour réduire la visibilité des comptes qui propagent de fausses informations, voire supprimer des publications. Pour cela, les utilisateurs sont invités à signaler les contenus suspects et l’utilisation de certains mots-clés et hashtags est restreinte ou bloquée.

Les organismes de recherche n’hésitent pas non plus à réagir pour démentir ou corriger des informations erronées. C’est le cas de la NASA, qui a récemment discrédité la publication d’images satellites sensées révéler les signes d’une crémation de masse à Wuhan, épicentre de l’épidémie en Chine. L’agence spatiale américaine a affirmé qu’il s’agissait de simples prévisions météorologiques détournées.

495 fausses informations recensées

Les gouvernements tentent également de sensibiliser les citoyens. En Malaisie, le ministre de la santé a alerté la population sur les conséquences des fausses informations, selon lui, tout aussi graves que celles liées à l’épidémie, et les fauteurs de trouble sont menacés de poursuite. Dans ce pays, comme dans beaucoup d’autres, les rumeurs ont conduit à des actes xénophobes envers la communauté chinoise.

Enfin, dans une dynamique devenue récurrente à chaque événement international majeur s’accompagnant d’une vague de désinformation, des médias de plusieurs pays se sont associés pour partager des vérifications de rumeurs et d’intox concernant le coronavirus. Les dernières mises à jour peuvent être consultées sur les réseaux sociaux via le hashtag #CoronaVirusFacts (essentiellement sur Twitter).

A l’origine de cette collaboration : l’International Fact Checking Network (IFCN), une organisation indépendante réunissant les rédactions spécialisées dans la vérification des faits. Dans le dernier décompte, le partenariat a recensé 495 fausses informations circulant sur le web. Le service spécialisé de l’Agence France Presse, l’AFP Factuel, y participe et met régulièrement à jour un article compilant ses dernières vérifications en français sur le sujet.

Don‘t feed the trolls

Malgré tous ces efforts, le nouveau coronavirus continue de provoquer un flot continu de fausses informations sur les réseaux sociaux, dans ce qui s’apparente à une crise épidémique de désinformation d’un niveau sans précédent. La persistance des questions encore sans réponses concernant la mortalité liée au virus et le risque potentiel de mutation y contribue certainement.

« L’évolution de l’épidémie de coronavirus va dépendre de la transmission d’une information correcte aux personnes qui en ont besoin », a conclu le directeur général de l’OMS, dans son article d’opinion, avant de terminer sur les règles fondamentales que doit respecter tout internaute averti: « Partagez de manière judicieuse, cliquez avec vigilance et n’alimentez pas les trolls ».

 

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