Prise en charge actuelle de la NASH

Pr Laurent Castera, Dr Boris Hansel

Auteurs et déclarations

21 février 2020

Faut-il systématiquement dépister la NASH chez les sujets obèses ? Quelle est la démarche diagnostique ? Quelles sont les mesures thérapeutiques à privilégier ? Quid des médicaments à venir ?

(Voir la partie 1 : « Définition, épidémiologie et diagnostic de la NASH »)

TRANSCRIPTION

Boris Hansel — Bonjour et bienvenue sur Medscape. On se retrouve pour une émission consacrée à l’hépatopathie métabolique, une maladie du foie qui survient pour des raisons métaboliques, en compagnie du Pr Laurent Castera, hépatologue à l’hôpital Beaujon — vous êtes responsable de l’unité de prise en charge de l’hépatopathie métabolique.

Dans une première émission on a expliqué ce qu’était que cette hépatopathie métabolique, qui va depuis la stéatose, le simple foie gras, jusqu’à la cirrhose, en passant par la NASH. Et on a parlé de ce terme de « maladie du soda », qui est utilisé par les médias et qui veut simplement dire que cette maladie est en grande partie liée à l’hygiène de vie. On a vu que c’est extrêmement fréquent, notamment chez les personnes en excès de poids.

Démarche diagnostique

Boris Hansel — Faut-il faire un dépistage systématique de la NASH chez les personnes obèses ?

Laurent Castera — Chez les obèses, sûrement, chez les diabétiques, sûrement. En fait, les facteurs de risque sont bien connus : c’est l’âge, à partir de 40 ans, le surpoids, le diabète, l’hypertension et la dyslipidémie, donc plus généralement ce qu’on appelle le syndrome métabolique. Juste pour vous mettre les choses en chiffres : si vous n’avez aucun de ces marqueurs de syndrome métabolique et un poids normal, votre risque d’avoir une NAFLD est de moins de 5 %. A contrario, si vous avez les cinq facteurs et que vous avez plus de 40 ans, le risque est de l’ordre de 80 % à 90 %. Donc on peut stratifier les patients extrêmement simplement sur ces simples facteurs.

Boris Hansel — Parlons maintenant de la démarche diagnostique. On a vu un patient qui a certains de ces facteurs de risque — est-ce qu’il faut envoyer tout le monde à l’hépatologue ? Est-ce qu’il faut demander une biopsie hépatique ou, simplement — on l’a vu dans la première émission, l’examen-minute, le fibroscan — qu’est-ce qu’on fait en premier ?

Laurent Castera — On ne peut pas envoyer tous les patients à l’hépatologue…

Boris Hansel — Même à vous ?

Laurent Castera — Y compris à moi. Pour la bonne et simple raison qu’il n’y a pas assez d’hépatologues, encore moins d’anatomopathologistes pour lire les biopsies et qu’il y a un nombre très important de malades. Donc il faut sélectionner les malades. Et rappelez-vous que la plupart de ces patients sont vus par les médecins généralistes, donc la seule façon de les sélectionner, c’est d’utiliser des marqueurs assez simples. Les marques simples, ce sont des marqueurs sanguins — on ne va pas faire un fibroscan chez tous les médecins généralistes. Il y a un marqueur qui est le FIB-4. Il y a en fait quatre marqueurs : l’âge, les transaminases ASAT et ALAT, et les plaquettes. On obtient un score qui est disponible en ligne, qui est complètement gratuit. Il faut 15 secondes pour le calculer, moi je le fais systématiquement lors de ma consultation. J’aimerais même que les biologistes me le rendent. On pourrait imaginer, comme le MDRD, qu’ils rendent ce test… pour la fonction rénale — ou CKD-EPI.

Lorsque le test FIB-4 est supérieur à 1,3, il faut adresser ce patient à un spécialiste. Pourquoi ? Parce qu’il est à risque d’avoir déjà une maladie significative. Et dans ces cas-là, il doit voir un spécialiste, faire un fibroscan et, en fonction du fibroscan, on va décider ou non s’il faut faire des biopsies.

Boris Hansel — Donc très pragmatique : patients en excès de poids en particulier avec syndrome métabolique, mais on peut dire tout excès de poids, puisque les transaminases font partie du bilan d’un patient en excès de poids.

Laurent Castera — Bien sûr.

Boris Hansel — Les plaquettes, on va les ajouter. Si plus de 1,3, on adresse… en tout cas, on fait un fibroscan.

Laurent Castera — Non. On fait le FIB-4, on l’adresse à un spécialiste et, en général, le spécialiste va faire un fibroscan en première intention et, peut-être, une biopsie en deuxième intention — pas chez tous les malades.

Boris Hansel — Prenons un cas où il y a une échographie abdominale et un FIB-4 en dessous de cette valeur et il y a une stéatose.

Laurent Castera — Oui. C’est un cas de figure assez fréquent. La stéatose en soi n’est pas très grave. Il faut surveiller ce patient. On peut, bien sûr, répéter le FIB-4 une fois par an — si le FIB-4 change, on l’adresse au spécialiste. Sinon, on prend les mesures hygiénodiététiques habituelles.

Traitement : les mesures hygiénodiététiques

Boris Hansel — Parlons du traitement justement. Le premier volet, ce sont les mesures hygiénodiététiques. On parle de maladie du soda parce que ce sont essentiellement les glucides qui vont favoriser cette accumulation de graisse dans le foie, donc les recommandations consistent d’abord à réduire les glucides ?

Laurent Castera — Voilà. Je rappelle que le seul traitement validé, jusqu’à présent, ce sont les mesures hygiénodiététiques, c’est-à-dire un régime hypocalorique et une activité physique.

Boris Hansel — Donc perdre un peu de poids avec moins de calories.

Laurent Castera — Voilà. Ensuite, brûler des calories avec une activité physique régulière.

Boris Hansel — On se reporte aux recommandations usuelles avec d’autres émissions à regarder sur Medscape.

Laurent Castera — Il a été montré, par exemple, que lorsqu’on arrivait à perdre plus de 10 % de son poids (et c’est beaucoup !), on arrivait à faire disparaître la stéatose, améliorer la NASH et améliorer la fibrose, avec des patients qui ont eu une biopsie avant et après. Donc on sait que c’est possible. C’est la bonne nouvelle.

Boris Hansel — Donc vous nous dites que la fibrose peut régresser…

Laurent Castera — Absolument.

Boris Hansel — … avec une perte de poids importante naturelle ou avec la chirurgie bariatrique.

Laurent Castera — Oui, c’est aussi le cas dans la chirurgie bariatrique. C’est un excellent modèle qui montre que ça marche — ce n’est pas, bien sûr, les mêmes patients — mais c’est le message important : on a la preuve du concept que ça marche. La mauvaise nouvelle, c’est que seulement 10 % des patients arrivent à atteindre cet objectif. Cela veut dire qu’il y en a 90 % qui sont en échec.

Boris Hansel — D’où l’importance de les prendre en charge par parcours coordonné de la prise en charge de l’excès de poids et de l’obésité.

Laurent Castera — Absolument. Donc c’est une prise en charge multidisciplinaire, on est bien d’accord.

Boris Hansel — Les médicaments : on a vu pas mal d’hépatologues prescrire des acides biliaires naturels, l’acide ursodésoxycholique par exemple, qu’on utilisait classiquement dans les cholestases.

Laurent Castera — Absolument.

Boris Hansel — Est-ce que ça marche ?

Laurent Castera — Non, ça ne marche pas.

Boris Hansel — Très clair

Est-ce qu’il y a des médicaments qui agissent sur l’insulinorésistance, puisqu’on sait qu’il y a une relation entre la NASH et le diabète…

Laurent Castera — Absolument.

Boris Hansel — Est-ce que les médicaments comme la metformine, comme les agonistes du GLP-1 sont efficaces pour lutter contre la NASH ?

Laurent Castera — La metformine très probablement, parce qu’on a plus de recul qu’avec les agonistes de GLP-1. Clairement, si on contrôle le diabète avec une hémoglobine glyquée normale, on améliore souvent la stéatose.

Boris Hansel — Mais ce sont les mesures hygiénodiététiques ou c’est le contrôle du diabète ?

Laurent Castera — Ce sont les deux.

Boris Hansel — En revanche la metformine n’a pas d’AMM dans l’indication NASH.

Laurent Castera — Absolument, non.

Boris Hansel — Donc chez un patient diabétique, on pense que cela peut avoir une efficacité. Il y a des médicaments en développement — on en entend pas parler. C’est quoi et c’est pour quand ?

Laurent Castera — Pour vous donner une idée du paysage, il y a six essais de phase 3 actuellement en cours, donc cela veut dire que le domaine est très actif. Et il y a déjà une molécule qui va arriver en 2020, qui est le premier essai de phase 3 qui a montré un résultat positif [essai REGENATE].

Boris Hansel — Positif, c’est-à-dire à quel stade, et qu’est-ce qu’on peut en attendre ? Une guérison ?

Laurent Castera — Non. On ne parle pas de guérison. On parle d’amélioration de la NASH ou de la fibrose d’un stade chez des patients qui ont des maladies pas trop sévères, c’est-à-dire — pas de cirrhose.

Boris Hansel — Donc ce sont des médicaments à arriver courant 2020 ?

Laurent Castera — Courant 2020.

Boris Hansel — Donc si vous écoutez cette émission plus tard en 2020, peut-être que ces médicaments seront arrivés. Renseignez-vous sur Medscape — vous en entendrez certainement parler. Et ce sont des médicaments qui seront prescrits par l’hépatologue, j’imagine, probablement.

Laurent Castera — Jusqu’à présent probablement, oui.

Boris Hansel — Merci beaucoup, et à très bientôt sur Medscape.

(Voir la partie 1 : « Définition, épidémiologie et diagnostic de la NASH »)

Enregistré le 17 janvier 2020, à Paris

 

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