Le fait que ce papier présente des « faiblesses », voire un « réel biais » ne signifie pas pour autant qu’une transmission asymptomatique n’a pas lieu en ce qui concerne le coronavirus. D’ailleurs, même si tel n’a pas été le cas en Allemagne, l’hypothèse reste privilégiée par des scientifiques chinois. La réaction du NEJM sur ce cas est attendue. De même que de nouvelles données sur le mode de transmission. Le revirement autour de cet article est en tout cas symptomatique de la « course à la publication » qui règne aujourd’hui autour d’un virus, sur lequel on dispose finalement de peu d’informations et qui continue à se propager à grande vitesse.
Coronavirus : description d’un premier cas de transmission asymptomatique
Munich, Allemagne/4 février 2020 – Publiée le 30 janvier dernier, une lettre du New England Journal of Medicine cosignée de plusieurs chercheurs et médecins allemands relate le scénario de la première transmission humaine identifiée du coronavirus par un patient asymptomatique [1]. Un cas qui peut peut-être permettre de mieux appréhender l’épidémie en cours.
De l’importance de connaitre la contagiosité du virus
Pour comprendre une épidémie et l’endiguer, certains paramètres sont importants à connaitre, en particulier la contagiosité du virus. Dans le cas du coronavirus, il a été établi que le délai d’incubation du virus est en moyenne de 5/6 jours – il peut aller de 2 à 12/14 maximum. Pendant cette période, la personne est porteuse de la maladie mais sans en développer les symptômes. Peut-elle pour autant transmettre le virus ? La question est cruciale, et les réponses encore plus pour savoir quelles précautions prendre pour minimiser tout risque de transmission.
On sait, par exemple, que le Sras ou encore Ebola ne sont contagieux qu’après apparition des symptômes. De telles épidémies sont donc « relativement » simples à stopper puisqu’identifier, isoler les personnes malades et surveiller les personnes avec qui elles ont été en contact permet de circonscrire, dans une certaine mesure, l’épidémie. A l’inverse de la grippe qui, elle, est contagieuse avant même de savoir que l’on a contracté le virus.
Sans en être au stade d’une pandémie mondiale, stopper une épidémie quand on sait que le virus responsable est contagieux avant même l’apparition des symptômes ne serait évidemment pas pour faciliter la tâche des autorités chinoises – qui ont déjà fort à faire au vu de la densité de population dans certaines grandes villes du pays.
La dame de Shanghai
C’est pourtant à ce stade une hypothèse plus que probable. Des fonctionnaires chinois ont, en effet, déclaré fin janvier que tel était le cas [2]. Tandis que des médecins et chercheurs allemands viennent de publier la description d’un cas de transmission interhumaine sur le territoire en l’absence de symptômes [1].
Voici comment les choses se sont passées. Une jeune chinoise de Shanghai a réalisé un voyage en Allemagne pour raisons professionnelles du 19 au 22 janvier 2020. Pendant son séjour outre-Rhin, elle n’a ressenti ni vu apparaître de symptômes particuliers. En revanche alors qu’elle était dans l’avion de retour en Chine, elle a commencé à se sentir malade et a présenté toux et fièvre. Il a été confirmé, en Chine, le 26 janvier qu’elle était bien atteinte du coronavirus, appelé provisoirement 2019-nCov.
Entre temps, le 24 janvier, un cadre allemand, qui avait rencontré la jeune chinoise sur le territoire allemand pour raisons professionnelles le 20 et le 21 janvier, s’est mis lui aussi à tousser, frissonner et à ressentir douleurs musculaires, symptômes suivis de fièvre (39,1°C) et de toux, le lendemain. Puis il s’est remis et est retourné travailler le 27 janvier.
Infection confirmée par le département des maladies infectieuses de Munich
Après que la jeune chinoise ait informé la société de son infection virale au coronavirus, la recherche des contacts a démarré, et l’homme qui avait eu rendez-vous avec elle, a été envoyé dans le département des maladies infectieuses et de médecine tropicale à Munich pour de plus amples investigations. Alors qu’il avait totalement récupéré, et n’avait effectué aucun déplacement dans les 15 jours précédents avant le début des symptômes, une RT-PCR quantitative sur deux prélèvements nasopharyngés et un échantillon d’expectoration a montré qu’il avait néanmoins contracté le coronavirus. Un suivi par qRT-PCR a, par ailleurs, révélé une charge virale élevée de 108 copies par millilitre dans ses expectorations les jours suivants.
Au 28 janvier, trois collègues de l’homme d’affaire allemand ont eux aussi été testés positifs pour le virus. Sachant qu’un seul d’entre eux avait été en contact avec le cas index – la jeune femme chinoise –, les deux autres n’ayant eu contact qu’avec le patient 1, à savoir, le cadre allemand (voir ci-dessous, déroulé dans le temps de l’exposition au cas index asymptomatique). Tous ont été suivis à Munich sans qu’aucun ne montre de signes sévères de la maladie.
Déroulé dans le temps de l’exposition au cas index asymptomatique en Allemagne [1]

Ré-évaluer la dynamique de transmission de l’épidémie actuelle
« Le fait que des personnes asymptomatiques soient sources potentielles de contamination par le 2019-nCov pourrait justifier de ré-évaluer la dynamique de transmission de l’épidémie actuelle, écrivent les auteurs de la publication [1]. Dans ce contexte, la détection de 2019-nCoV et une charge virale élevée dans une expectoration chez un patient convalescent (Patient 1) soulève des inquiétudes quant au délai d’excrétion du 2019-nCoV après remise sur pied ». Ils ajoutent néanmoins qu’« à ce stade, la viabilité du 2019-nCoV détecté par RT-PCR quantitative chez ce patient reste à confirmer au moyen de cultures de virus ».
L’Allemagne fait partie des quelques pays, avec le Vietnam, la France, la Thaïlande, le Japon, et les Etats-Unis, à avoir rapporté une transmission locale du virus hors de Chine. « Ce qui est rassurant, c’est qu’il y a peu de transmissions secondaires sur des territoires autres que la Chine. Cela veut dire que les mesures d’isolement et de suivi de cas contacts dans les pays autres que la Chine sont en place et fonctionnent » commentait, à ce propos, le Dr Eric D’Ortenzio, chercheur et coordinateur du réseau REACTing, lors d’une conférence de presse Inserm le 31 janvier.
Les enfants, vecteurs asymptomatiques de l’épidémie ?
« Message rassurant, affirmait le Dr Yazdan Yazdanpanah, directeur de l’Institut immunologie, inflammation, infectiologie et microbiologie à l’Inserm et chef du service maladies infectieuses à l’hôpital Bichat AP-HP (Paris) lors d’une conférence de presse, il y a zéro enfant de moins de 15 ans atteint par le virus chinois dans une publication récente du NEJM, et 1 enfant de 10 ans mais peu symptomatique dans une publication du Lancet [3] , précisant même, « d’une manière générale, les coronavirus touchent peu les enfants » mais se demandant : « s’agit-il de formes asymptomatiques, ont-ils une résistance au virus ? ». Une publication de The Lancet révèle que des enfants asymptomatiques pourraient excréter (ou transmettre) le virus[3]. Dans cet article, les chercheurs décrivent en effet le cas d'un enfant vivant au sein d'une famille infectée qui ne présentait aucun symptôme mais dont un scanner thoracique montre qu'il souffrait d'une pneumonie. Les tests effectués ont d’ailleurs confirmé sa positivité pour le coronavirus. Si on ne peut pas parler véritablement d’une transmission survenue durant la période d'incubation (puisque l'enfant n’a jamais tombé malade), ce cas suggère qu'il est possible que des enfants et des individus jeunes soient contagieux alors qu'ils ne présentent aucun symptôme.
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Citer cet article: Coronavirus : la transmission asymptomatique du cas allemand remise en question - Medscape - 5 févr 2020.
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