Coronavirus : ce que l’on sait de nouveau, commenté par 2 chercheurs Inserm

Stéphanie Lavaud

31 janvier 2020

France — L’épidémie de coronavirus 2019-nCov, apparue dans la ville de Wuhan, en Chine, continue d’occuper le devant de la scène. Hier soir, jeudi 30 janvier, le directeur général de la Santé, Jérôme Salomon, annonçait un sixième cas, un médecin libéral qui a été contaminé dans l’Hexagone par une personne ensuite rentrée « en Asie ». Dans le même temps, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qualifiait l’épidémie « d’urgence de santé publique de portée internationale ».

Un résumé de ce que l’on sait sur le coronavirus chinois à la veille du week-end, commenté par deux médecins et chercheurs, le Dr Yazdan  Yazdanpanah, directeur de l’Institut immunologie, inflammation, infectiologie et microbiologie à l’Inserm et chef du service maladies infectieuses à l’hôpital Bichat AP-HP (Paris) et le Dr Eric D’Ortenzio, médecin, chercheur Inserm et coordinateur du réseau REACTing (REsearch and ACTion targeting emerging infectious diseases).

Sixième cas français : un médecin contaminé

Le sixième cas français atteint par le coronavirus 2019-nCoV est « un médecin libéral qui a été en contact avec un cas qui a été confirmé ensuite en Asie », a annoncé jeudi soir le directeur général de la Santé. Il est hospitalisé et placé à l'isolement dans un hôpital parisien, mais son état ne présenterait pas d'inquiétude pour l'instant. Le médecin « a pris très rapidement la situation au sérieux, et dès le début des symptômes il s'est isolé de lui-même », a précisé Jérôme Salomon lors d'une conférence de presse du Ministère.

Derniers chiffres de l’OMS

Les derniers chiffres rapportés par l’OMS en date du 30 janvier font état de :

  • 7711 cas confirmés et 12167 cas suspects en République populaire de Chine.

  • Parmi les cas confirmés, 1370 sont des cas graves et 170 sont décédés.

  • Tandis que 124 personnes se sont rétablies et ont quitté l’hôpital.  

  • 83 cas exportés dans 18 pays.

  • Parmi eux, seuls 7 ne se sont pas rendus en Chine. Une transmission interhumaine a été constatée dans 3 pays autres que la Chine (dont la France et l’Allemagne). Un de ces cas est un cas grave ; il n’y avait eu jusqu’alors aucun décès. 

« Ce qui est rassurant, a commenté Eric  D’Ortenzio, médecin, chercheur Inserm et coordinateur du réseau REACTing, est qu’il y a peu de transmissions secondaires sur des territoires autres que la Chine, ce qui veut dire que les mesures d’isolement et de suivi de cas contacts dans les pays autres que la Chine sont en place et fonctionnent ».

A noter : En ce lundi 2 février au matin, le nombre de décès dépasse les 300. Pour connaître les chiffres de contamination en temps réel en Chine et dans le monde entier, consulter la carte du Johns Hopkins Hospital.

 

Symptomatologie et délai d’incubation

De nombreuses publications parues tout dernièrement dans les revues scientifiques comme le NEJM et le Lancet ont permis d’en savoir plus sur le virus.

Le délai d’incubation du virus est en moyenne de 5/6 jours – il peut aller de 2 à 12/14 maximum.

Côté symptomatologie, on retrouve les symptômes classiques de la grippe : douleurs, fièvre, douleurs articulaires, musculaires, toux, voire difficultés respiratoires avec de possibles diarrhées.

Chez les personnes avec un âge avancé ou des pathologies sous-jacentes d’insuffisance cardiaque ou respiratoire, la maladie peut devenir grave et entrainer le décès.

La transmission humaine est avérée, et a priori plutôt soutenue. « Des questions se posent sur la contagiosité avant l’apparition des symptômes, on manque de données pour être affirmatif. L’hypothèse est qu’il y a un réservoir chez la chauve-souris, comme pour beaucoup de coronavirus, mais ce n’est pas confirmé, avec probablement un hôte intermédiaire entre la chauve-souris et l’homme » a précisé le Dr D’Ortenzio.

Mortalité et contagiosité

La mortalité, à ce stade, est évaluée à 2 à 3%, soit un « chiffre bien inférieur à celui du SRAS avec 10%, beaucoup plus faible que le MersCoV (20 à 30%), mais supérieurs à la grippe saisonnière avec un chiffre de 1 pour 1000 » commente Eric D’Ortenzio. Ce chiffre de mortalité est bien difficile à évaluer et peut évoluer grandement dans les prochains jours en fonction des nouvelles données, a ajouté, de son côté, le Dr Yazdan Yazdanpanah.

En termes de contagiosité, le coronavirus de Wuhan, avec un nombre moyen de contamination par cas (R0) de 2,2 (1,4 à 2,5), est moins contagieux que la rougeole (R0 : 15 à 20), mais plus que le SRAS (R0 : 2) a précisé le Dr D’Ortenzio, ajoutant qu’il existe peut-être une contagiosité avant apparition des symptômes mais qu’on ne peut rien affirmer pour le moment.

Enfants

« Message rassurant, il y a zéro enfant de moins de 15 ans atteint par le virus chinois dans article du NEJM, et 1 enfant de 10 ans mais peu symptomatique dans la publication du Lancet, assure le Dr Yazdan Yazdanpanah. D’une manière générale les coronavirus touchent peu les enfants. On ne sait pas pourquoi exactement, soit s’agit-il de formes asymptomatiques, soit ont-ils une résistance au virus ? Le même phénomène avait été observé avec le SRAS et MersCoV. »

Traitements

A ce jour, il n’y a pas de traitements validés contre le coronavirus. Les trois stratégies les plus avancées sont Kaletra® (lopenavir), un antiviral ciblant le VIH et déjà utilisé en Chine dans le cadre d’essais cliniques (dont on ne connait les résultats à ce jour), a indiqué le Dr Yazdanpanah. Le Kaletra® peut être donné seul ou en association avec de l’interféron. Cette formule a été testée contre le MersCo en Arabie Saoudite, un essai thérapeutique est en cours. « Autre option possible : le remdesivir (GS-5734), un anti-viral de type nucléotidique utilisé contre le virus Ebola et pour lequel on a des données de tolérance chez l’homme, a indiqué le Dr Yazdanpanah. Son efficacité pourrait être supérieure à celle du Kaletra®. Des anticorps monoclonaux pourraient aussi être utilisés, mais la recherche est encore à un stade préliminaire. »

On peut aussi envisager une stratégie de repositionnement thérapeutique consistant à utiliser des molécules disponibles mais ne ciblant pas forcément les infections virales, a ajouté le Dr D’Ortenzio.

Prophylaxie post-exposition 

« Un seul papier a été publié, qui a testé Kaletra® + ribavirine, donné dans les 1 à 3 jours après l’apparition de symptômes, au cours de l’épidémie de MersCoV en Corée du Sud. Il s’agissait d’une cohorte rétrospective qui a montré qu’il y avait peut-être une efficacité » a précisé le Dr Yazdanpanah.

Recherche

Le virus reste mal connu. Le Dr Yazdanpanah a indiqué que le consortium multidisciplinaire REACTing rassemblant des équipes et laboratoires d’excellence, afin de préparer et coordonner la recherche pour faire face aux crises sanitaires liées aux maladies infectieuses émergentes, avait défini un certain nombre de priorités concernant le diagnostic, le traitement et la prévention. « Les publications récentes ne disent rien, par exemple, de la cinétique virale. Comment expliquer l’aggravation observée au 7ème jour : baisse de l’immunité, activation du virus, surinfection bactérienne ? On ne sait pas. Un protocole vient d’être déposé pour comprendre ce qui se passe à partir de prélèvements réalisés sur les patients hospitalisés à l’hôpital Bichat et d’autres, au niveau européen », a-t-il précisé.

Autre sujet de recherche : les traitements. « L’OMS va démarrer un essai clinique randomisé international et il va être très important de partager nos données, a insisté le médecin de Bichat, l’Inserm a d’ailleurs signé une charte hier en ce sens. »

Côté prévention, trois candidats vaccins sont à l’étude, là encore, au niveau international. Actuellement en essais cliniques de phase I, ces vaccins potentiels pourraient être « poussés » en phase IIb, voire en phase III. « Alors qu’il fallait avant une dizaine d’années pour mettre au point un vaccin, on peut aujourd’hui accélérer ce délai » a indiqué le Dr D’Ortenzio.

Partage de données et collaboration

« Étant donné qu’il s’agit d’un nouveau coronavirus, et qu’il s’est avéré par le passé que des coronavirus semblables nécessitaient des efforts importants de partage systématique des informations et de recherche, la communauté internationale doit continuer à faire preuve de solidarité et de coopération, conformément à l’article 44 du RSI (2005), ses membres s’épaulant mutuellement pour identifier la source de ce nouveau virus et son plein potentiel de transmission interhumaine, pour se préparer à l’éventuelle importation de cas, et mener les travaux de recherche visant à mettre au point le traitement nécessaire » peut-on lire dans le communiqué de l’OMS. Une incitation à la recherche collaborative, internationale et à l’importance de partager les données que l’on possède sur laquelle a fortement insisté le Dr Yazdanpanah. « Ceux qui ne partagent pas pourraient même être sanctionnés » a-t-il précisé.

Séquençage

Le 30 janvier 2020, l'Institut Pasteur, en charge de la surveillance des virus respiratoires en France, a annoncéque les chercheurs du Centre National de Référence (CNR) avaient séquencé intégralement le génome du coronavirus dit « 2019-nCoV ». Vendredi 24, en fin de matinée, des échantillons parviennent à l’Institut Pasteur : trois suspicions de cas possibles (deux patients à Paris, un à Bordeaux). Dès le soir, le séquençage du génome viral est lancé. Le mardi, en début de soirée, le « run » de séquençage s’achève et l’analyse des données permet de disposer de la séquence du génome complet chez deux des trois premiers cas confirmés en France. Qu’apprend-on ? « Les séquences sont identiques dans tous nos prélèvements. Un membre du couple a dû contaminer l’autre, c’est le même virus » explique Vincent Enouf, responsable adjoint du CNR, dans un communiqué. Les deux séquences complètes des virus prélevés sur deux des premiers cas français ont été déposées le 30 janvier sur la plateforme du «Global initiative on sharing all influenza data » (GISAID) .

Voyages

« Sur la base des informations actuellement disponibles, le Comité ne recommande pas de restreindre les voyages ou les échanges commerciaux » indique l’OMS en date du 30 janvier. Son de cloche différent des Autorités françaises qui écrivent sur le site France Diplomatie le même jour : « en raison des mesures de confinement décidées par les autorités chinoises qui se traduisent notamment par la suspension des transports, il est fortement recommandé de reporter tout déplacement à Wuhan et dans toute la province de Hubei (rouge sur la carte sécuritaire) ». De même, « il est recommandé de reporter tout déplacement non impératif vers la Chine, notamment les voyages et échanges scolaires et universitaires ». La compagnie aérienne Air France a annoncé, quant à elle, ce jeudi, suspendre tous ses vols vers la Chine et en provenance du pays jusqu'au 9 février, à la demande de ses salariés. 

 

 

 

 

 

 

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