Suresnes, France - A l'hôpital Foch, des chercheurs analysent l'haleine de patients atteints de maladies pulmonaires comme le cancer bronchique ou l’asthme pour tenter de mieux comprendre la variabilité de la réponse individuelle aux traitements. A l'occasion de la 24ème édition du Congrès de pneumologie de langue française (CPLF), les Pr Louis-Jean Couderc (pneumologue, Hôpital Foch) et Philippe Devillier (pharmacologue, Hôpital Foch) ont présenté leur technique unique au monde, combinant un spectromètre de masse et des nez électroniques, qui permet d'analyser la composition de l'haleine des patients. Déployé dans le service de pneumologie de l'hôpital Foch à Suresnes depuis plus de deux ans, le programme VolatolHom rassemble plusieurs essais cliniques (cancer, asthme, transplantation pulmonaire, mucoviscidose). L'objectif : trouver la signature chimique des composés de l'air expiré, ce qui permettrait des diagnostics précoces et des suivis non-invasifs de plusieurs pathologies. (Voir aussi Le nez électronique: quel potentiel diagnostic?)
Un millier de composés organiques volatiles dans une expiration
La médecine de demain reposera sur la capacité à prédire l'occurence d'une maladie ou la réponse individuelle à tel ou tel traitement. On espère par exemple dépister de manière précoce un état pathologique, voire une maladie précise, simplement en faisant souffler dans des dispositifs facilement accessibles. C'est pourquoi on s'intéresse de plus en plus aux composés volatils présents dans l’air expiré dont la composition reflète le métabolisme.
Lors d'une expiration, seul 1% de l'air exhalé intéresserait les médecins. Ce petit pourcentage contient environ un millier de composés organiques volatiles, les COV, présents certes en quantité très faible mais dont la composition pourrait être un indicateur pertinent de la progression d'une maladie ou de la réponse aux traitements. « On sait bien que les maladies ont une odeur. C'est ainsi que des chiens détectent le cancer du sein chez des femmes ou que des rats reconnaissent le bacille tuberculeux. Les tumeurs, comme les champignons ou les bactéries, ou encore les différents tissus humains dégagent des COV » indique le Pr Couderc.
Des machines ultraperfectionnées
Pour mettre en évidence cette signature potentielle, il faut d'abord accumuler un nombre important de données. En quoi consiste la collecte de données ? Elle est facile et non-invasive puisqu'il suffit que le patient souffle dans un embout dédié de la plateforme.
La plateforme est composée :
d'un spectromètre de masse qui identifie et mesure très précisément les molécules de l’air expiré. C'est grâce à lui que les chercheurs espèrent identifier des biomarqueurs caractéristiques de certaines pathologies.
de nez électroniques, qui sont des dispositifs portatifs, contenant 5 à 40 capteurs, qui réagissent aussi aux molécules contenues dans l’air expiré, sans toutefois être en mesure de les identifier.
L’idée est donc surtout de pouvoir diagnostiquer rapidement la présence ou pas d’une maladie grâce à ce dispositif. Le travail réalisé avec le spectromètre de masse permet d’améliorer cette technologie en sélectionnant des capteurs plus spécifiques de biomarqueurs d’intérêt.
« Nous sommes dans une phase de collectes de données. Notre base s’enrichit jour après jour grâce aux données que les patients produisent en soufflant dans la machine. L'analyse est réalisée par des statisticiens du CEA qui mettent au point des algorithmes originaux pour rendre les signaux intelligibles » explique le Pr Philippe Devillier, l'un des porteurs du projet VolatolHom.
L'air expiré, un outil prédictif en cancérologie
« Pour les patients atteints d'un cancer du poumon, le projet VolatolHom se décline en deux volets : dans le premier, il s'agit de surveiller ceux qui ont été opérés et dans le second, on cherche à prédire le plus précocement ceux qui répondront l'immunothérapie » explique le Pr Philippe Devillier.
Une trentaine de patients opérés d'un cancer bronchique de petite taille participe déjà au programme : après l'ablation de la tumeur, le suivi expérimental consiste en une analyse régulière de l'air exhalé. « Un tiers de ces patients va rechuter dans les cinq ans. Nous essayons de déterminer si ceux-ci présentent un profil moléculaire particulier de l'air exhalé après l'ablation de la tumeur » détaille le Pr Louis-Jean Couderc. Pour les patients à risque de rechute, cette information guiderait l'indication de chimiothérapie adjuvante.
L'identification de marqueurs précoces de réponse à l'immunothérapie dans les cancers du poumon est également au centre de ce programme avec environ 45 patients inclus à ce jour. « L'immunothérapie est un progrès formidable pour les patients répondeurs avec une augmentation spectaculaire de la survie globale » s'enthousiasme Louis-Jean Couderc. Avant de rappeler que deux tiers des patients sont non-répondeurs.
« L'idée est de pouvoir distinguer ceux qui répondent favorablement à l'immunothérapie de ceux qui n'auraient pas d'intérêt à être mis sous traitement. On pourrait également suivre les répondeurs pour surveiller la réponse à l'immunothérapie à long terme. Enfin, nous aimerions grâce à notre programme identifier les patients hyperprogresseurs » détaille-t-il.
Etudes dans d'autres maladies pulmonaires
D'autres essais sont en cours pour suivre des patients (60 inclus à ce jour) souffrant d'asthme sévère et voir comment ils réagissent aux traitements innovants. Ces anticorps monoclonaux sont très onéreux et un tiers de patients ne sont pas répondeurs.
Un suivi des transplantés (120 patients inclus) est également en cours : il s'agit d'identifier précocement un rejet aigu et de développer de nouvelles molécules antirejet.
« Il faut raisonner comme pour la mise au point d'un nouveau médicament. Nous avons passé l'étape de la preuve de concept. Maintenant nous commençons modestement sur des patients locaux. Si les résultats sont positifs, nous déploierons des machines afin de pouvoir recueillir l'air exhalé de patients d'autres centres. Nous augmenterons ainsi la puissance de nos résultats » indique Philippe Devillier qui prévoit une inclusion des patients extérieurs à partir de l'automne 2020.
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Citer cet article: Maladies pulmonaires : analyser l’haleine de patients pour prévoir la réponse aux traitements - Medscape - 31 janv 2020.
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