FA: rechercher et prendre en charge l’apnée du sommeil

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

28 janvier 2020

Paris, France -- Dans la prise en charge d’une fibrillation auriculaire (FA), il est vivement recommandé de rechercher une éventuelle apnée obstructive du sommeil (SAOS), qui peut être en cause dans le déclenchement de l’arythmie et rendre son traitement beaucoup moins efficace, a rappelé le Dr François Brigadeau (CHR Hôpital Cardiologique, Lille), lors des Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie (JESFC2020) [1].

De plus en plus d’études tendent à confirmer la relation entre le syndrome d’apnée du sommeil et l’apparition d’une FA, indépendamment des risques cardiovasculaires habituels. « L’apnée du sommeil se rencontre plus souvent chez les patients souffrant de fibrillation auriculaire. Celle-ci est alors fréquemment persistante », a précisé le cardiologue.

Un processus en cause mieux connu

Le syndrome d’apnée du sommeil se caractérise par une fermeture complète (apnée) ou incomplète (hypopnée) du pharynx, plusieurs fois par heure au cours du sommeil. Ces périodes répétées d’asphyxie, dont le dormeur n’a pas conscience, engendrent une hypoxie intermittente délétère pour l’organisme, en particulier sur le plan cardiovasculaire.

Ces périodes d’hypoxie, via une activation du système nerveux sympathique, auraient un effet sur la pression artérielle. De plus, « l’obstruction des voies supérieures entraine une dépression intrathoracique, ce qui augmente le retour veineux et induit une dilatation atriale et ventriculaire droite. Celle-ci est majorée par l’hypoxémie. »

Ce remodelage atrial, visible par échographie, est fréquemment observé chez les patients souffrant d’apnée du sommeil. Des études ont pu montrer que ces modifications s’accompagnent de dysfonctionnements électriques au niveau des oreillettes droite et gauche, qui sont caractéristiques du processus conduisant à une FA.

 
Les patients souffrant d’une apnée du sommeil présentent une hyperexcitabilité atriale bien plus importante que dans la population générale. Dr François Brigadeau
 

« Les patients souffrant d’une apnée du sommeil présentent une hyperexcitabilité atriale bien plus importante que dans la population générale. L’extrasystole auriculaire s’avère ainsi plus fréquente chez ces patients. Or, il s’agit d’un facteur déclenchant de la FA », souligne le Dr Brigadeau.

Calculer l’index apnée-hypopnée

Selon les dernières recommandations européennes sur la prise en charge de la fibrillation atriale, il est recommandé de rechercher les facteurs qui induisent ou favorisent l’arythmie, parmi lesquels figurent l’hypertension artérielle, l’embolie pulmonaire, l’hyperthyroïdie, l’insuffisance rénale et le syndrome d’apnée du sommeil.

En plus de rechercher les symptômes habituels (ronflement, fatigue chronique, somnolence…), le risque d’apnée du sommeil peut être évalué par le biais de questionnaires, comme celui de l’échelle de somnolence d’Epworth, qui évalue la tendance à l’endormissement en journée, ou de scores cliniques.

Le dépistage s’appuie sur l’examen standard par polysomnographie, qui détermine la moyenne par heure des apnées et hypopnées survenant pendant le sommeil, ce qui se traduit par un index apnée-hypopnée. Chaque arrêt respiratoire a une durée de plus de dix secondes.

Cet index permet de déterminer la sévérité de l’apnée. Dans les cas modérés, on observe jusqu’à cinq arrêts respiratoires par heure. Les cas les plus sévères cumulent plus de 30 pauses respiratoires par heure (index apnée-hypopnée > 30).

 
D’autres travaux ont aussi démontré qu’une perte de poids permet d’avoir une nette amélioration des résultats de l’ablation de la FA.
 

« On estime que la FA peut être corrélée à l'apnée du sommeil détectée lorsque l’index apnée-hypopnée est compris entre 5 et 15 », indique le Dr Brigadeau. Néanmoins, en cas d’arrêts respiratoires fréquents, « le facteur réellement déterminant de la survenue d’une FA est l’indice de masse corporelle (IMC) ». Un IMC élevé est alors considéré comme un facteur de risque majeur de FA.

Améliorer le traitement de la FA?

Plusieurs études observationnelles ont également montré qu’il est plus difficile de traiter une FA chez les patients souffrant d’un trouble du sommeil. « Les patients présentant un index apnée-hypopnée élevé répondent moins bien aux antiarythmiques ». Le constat est encore plus évident avec un traitement de la FA par ablation.

A l’inverse, une méta-analyse a rapporté une meilleure efficacité de l’ablation chez les patients bénéficiant d’un support ventilatoire pendant leur nuit pour traiter une apnée du sommeil [2]. Le résultat est apparu similaire à celui observé chez les patients atteints de FA, mais ne souffrant pas de trouble du sommeil.

Toutefois, les effectifs de patients dans les études incluses dans cette méta-analyse ne permettent pas de conclure quant à l’impact de la prise en charge de l’apnée du sommeil sur le traitement de l’arythmie, a précisé le cardiologue. « Il faudrait pour cela mener une évaluation de manière randomisée ».

D’autres travaux ont aussi démontré qu’une perte de poids permet d’avoir une nette amélioration des résultats de l’ablation de la FA [3].  

Même si l’impact du traitement de l’apnée du sommeil sur la prise en charge de la FA n’est pas clairement prouvé, « il est désormais illusoire d’effectuer une ablation chez ces patients sans envisager, au préalable, un contrôle de l’apnée du sommeil, une perte de poids, ainsi qu’un traitement de l’hypertension artérielle », a conclu le Dr Brigadeau.

 

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