Nouvelles recommandations sur la prise en charge des infections sur les dispositifs cardiaques implantables

Vincent Richeux

23 janvier 2020

Paris, France -- La Société française de cardiologie (SFC) et la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) ont ajouté une « prise de position commune » au consensus international sur la prise en charge des infections liées à la pose d’un pacemaker ou défibrillateur [1]. En insistant notamment sur la nécessité de rendre l’échographie transoesophagienne (ETO) systématique en cas de suspicion d’infection.

Implantations en hausse

Le consensus sur la prise en charge des infections de dispositif électronique cardiaque implantable (DECI) de la Heart Rythm Society (HRS) date de 2017. Les principaux points de ces recommandations ont été présentés par le Dr Christine Selton-Suty (CHRU de Nancy, Vandoeuvre-Les-Nancy) lors des Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie (JESFC2020) [2].

Le nombre d’opération pour implanter un DECI ne cesse d’augmenter (plus de 700 000 poses par an au niveau mondial). Malgré les précautions prises lors de l’intervention chirurgicale (asepsie, antibiothérapie prophylactique…), le taux d’infections péri-opératoires est évalué à près de 2% – une complication associée à une mortalité et une morbidité élevées.

La hausse des implantations, mais aussi le profil des patients – qui présentent généralement de nombreuses comorbidités – font que l’ « on recense de plus en plus d’infections sur le matériel implanté », a rappelé le Dr Selton-Suty. « Le risque d’infection est plus élevé avec un défibrillateur implantable et un pacemaker triple chambre qu’avec un pacemaker simple chambre. »

Trois catégories d’infection

Dans le consensus de la Hearth Rhythm Society (HRS), on distingue :

-   les infections locales (infection isolée à la poche du pacemaker, infection cutanée superficielle post-opératoire, érosion …);

-   les infections systémiques (bactériémie associée ou non à une infection de poche, de sonde ou des deux, endocardite avec ou sans infection de sonde…);

-   les situations « douteuses » (bactériémie sans avoir détecté d’infection au niveau du dispositif…).

Dans l’avis SPILF/SFC, on a préféré distinguer pour simplifier :

-   les infections sur site d’implantation. Elles peuvent être superficielles (limitées à la poche ou à la zone sous-cutanée) ou plus profondes ;

-   les infections de sonde, associées ou non à une endocardite. « Elles sont mises en évidence par la présence d’une végétation [amas composé de fibrine, de macrophages et de micro-organismes, ndr] à l’échographie ou d’une fixation anormale de la sonde révélée par imagerie fonctionnelle », précise la cardiologue.

-   les infections se traduisant par à une bactériémie, dont l’origine peut rester inconnue. « Dans certains cas, il n’est pas possible de faire le lien entre l’infection et le stimulateur cardiaque ».

Les staphylocoques dorés représentent 22% des bactéries isolées de culture de la partie discale des sondes.

Dans la grande majorité des cas, l’infection est d’abord locale et survient tardivement, « en général dans un délai moyen de deux ans après l’implantation », a précisé le Dr Selton-Suty. Elle peut ensuite se déplacer le long de la sonde pour atteindre sa partie endocardiaque.

Que ce soit dans les infections précoces ou les infections tardives, les germes impliqués sont, dans la grande majorité des cas, des staphylocoques. Les staphylocoques dorés représentent 22% des bactéries isolées de culture de la partie discale des sondes.

Répéter les hémocultures

Les recommandations insistent sur la nécessité d’un diagnostic microbiologique. « Il ne faut pas hésiter à faire des hémocultures chez les patients porteurs d’un matériel de stimulation présentant une fièvre, mais aussi des infections respiratoires répétées ou des douleurs dorsales, qui peuvent être liées au pacemaker », rappelle la cardiologue.

Au moins deux hémocultures doivent être menées avant de mettre en place une antibiothérapie. Pour l’antibiogramme, des prélèvements doivent être, par ailleurs, effectués lors de l’extraction du dispositif, au niveau de la poche, à l’aide d’une curette, et sur les éléments de l’appareil (boitier, sonde, connecteur…).

Selon le consensus international, la conduite à tenir dépend des résultats de l’hémoculture. Dans les commentaires de la SPILF/SFC, il est précisé que l’échographie transoesophagienne (ETO) doit être systématique devant toute suspicion d’infection, qu’importe le résultat de l’hémoculture.

En cas de résultat négatif avec l’ETO, « il ne faut pas hésiter à avoir recours à l’imagerie fonctionnelle, en privilégiant la tomographie par émission de positons (PET scan), qui a une bonne valeur diagnostique », précise le Dr Selton-Suty. Il est également recommandé de recourir à l’échographie intracardiaque pour diagnostiquer plus facilement l’infection sur sonde.

L’échographie transoesophagienne (ETO) doit être systématique devant toute suspicion d’infection, qu’importe le résultat de l’hémoculture.

Extraire le stimulateur au plus vite

Lorsque l’infection a été mise en évidence, l’ETO doit être être renouvelée « dès le lendemain de l’extraction de l’appareil », a précisé le Dr Selton-Suy. « S’il reste des éléments de végétations dans le coeur, elles vont apparaitre à l’imagerie. Il en est de même pour d’éventuelles lésions sur les valves tricuspides. »

Concernant le traitement, en cas d’infection localisée superficielle, une antibiothérapie probabiliste (sans connaitre le germe en cause) est recommandée pendant sept jours. En cas de signes locaux plus profonds, « il faut extraire tout le matériel et prescrire une antibiothérapie pendant deux semaines ».

L’extraction complète du dispositif (boitier et sondes) est à réaliser au plus vite, « idéalement dans les trois jours suivant le diagnostic de l’infection profonde, soit un délai plus court que ce qui est habituellement pratiqué », note la cardiologue.

L’extraction est aussi à prévoir lorsqu’il y a une persistance ou une récidive de bactériémie, malgré un traitement par antibiotiques bien mené et en l’absence d’une autre source d’infection. Elle est aussi à discuter en cas d’endocardite, sans implication identifiée du matériel.

Une hémoculture positive associée à une infection sur les sondes implique un traitement par antibiotiques de quatre semaines pour une infection à staphylocoque doré ou de deux semaines pour une autre infection. En cas d’infection au niveau de l’endocarde, les recommandations sur la prise en charge de l’endocardite s’appliquent.

Evaluer l’intérêt d’une réimplantation

Dans l’avis SPILF/SFC, des tableaux reprennent les différentes options à envisager pour l’antibiothérapie, selon le consensus international, une fois les résultats de l’antibiogramme connus et le dispositif retiré (le document récapitulatif est accessible sur le site du SPILF). « Mieux vaut prendre l’avis d’un infectiologue », estime le Dr Selton-Suty.

S’agissant de la réimplantation, il convient tout d’abord d’effectuer une évaluation de l’indication. « Dans un tiers des cas, il n’est pas nécessaire de réimplanter le dispositif ». Un délai de 72 heures après la première hémoculture négative est à respecter avant une réimplantation d’un nouveau simulateur, « d’où la nécessité des hémocultures après extraction du matériel ».

Dans un tiers des cas, il n’est pas nécessaire de réimplanter le dispositif  Dr Selton-Suty

Les experts précisent que le choix du nouveau matériel pour la réimplantation doit porter sur une stimulation épicardique plutôt qu’endocavitaire. « Une antibiothérapie post-implantation n’est pas nécessaire ». En revanche, il est conseillé de poser un stimulateur préalablement enveloppé dans tissu imprégné d’antibiotique.

Une récente étude a, en effet, montré que l’implantation des dispositifs avec cette enveloppe permet de réduire le risque infectieux de 40% dans l’année qui suit l’intervention, sans hausse majeure des complications. L’enveloppe se résorbe en deux mois. « Cette option est certainement à réserver aux patients à haut risque d’infection ».

Il est conseillé de poser un stimulateur préalablement enveloppé dans tissu imprégné d’antibiotique.

 

 

 

 

 

 

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