Paris, France — Au cours d’une session des Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie (JESFC2020) []1] consacrée à l’actualité qui a marqué la cardiologie pendant l’année 2019, le DrFranck Halimi, cardiologue rythmologue (Hôpital privé de Parly 2, Le Chesnay) est venu présenter trois nouveautés ayant retenu son attention dans la prise en charge des troubles du rythme cardiaque [1].
Selon lui, la rythmologie a ainsi été marquée par la confirmation en pratique du bénéfice des anticoagulants oraux direct (AOD) dans la prise en charge de la fibrillation auriculaire (FA), par de nouvelles recommandations en faveur de l’ablation d’une FA sans fluoroscopie et l’émergence du traitement de la FA persistante par alcoolisation d’une veine du péricarde.
FA: l’apixaban supérieur aux autres AOD?
Présentés lors du dernier congrès de l’European Society of Cardiology (ESC2019), les résultats de l’étude observationnelle française NAXOS sont venus confirmer les bénéfices des AOD, en particulier de l’apixaban, dans la prévention des complications ischémiques chez les patients atteints de fibrillation atriale non valvulaire (FANV).
Dans cette étude, qui devrait être prochainement publiée, l’objectif était de décrire l’utilisation des AOD disponibles en France dans le traitement de la FANV et de comparer plus précisément la sécurité et l’efficacité de l’apixaban, notamment dans la prévention du risque d’AVC, avec les AVK d’un côté et les AOD rivaroxaban et dabigatran de l’autre.
Cette étude rétrospective est intéressante car elle a inclus tous les patients traités en France pour une FANV entre 2014 et 2016. Pour cela, les chercheurs ont extrait les données du registre SNIRAM de l’assurance maladie concernant plus 411 000 patients présentant une FANV et mis sous anticoagulant au cours de cette période.
L’analyse montre tout d’abord que les AVK ont été beaucoup utilisés puisque plus d’un tiers des patients ont reçu ce traitement en prévention des complications ischémiques. Les autres ont reçu des AOD, en majorité du rivaroxaban (50% des patients sous AOD), suivi de l’apixaban (40%) et du dabigatran (10%).
Les patients mis sous AVK avaient davantage un profil à risque. Ils étaient ainsi en moyenne cinq ans plus âgés que ceux mis sous AOD. Ils avaient aussi davantage de risques d’AVC (score CHA2DS2-VASc) et d’hémorragie (score HAS-BLED) et présentaient plus de comorbidités comparativement aux autres patients.
Les AVK ont encore leur place
Après un ajustement pour gommer ces différences, l’analyse statistique montre que l’utilisation d’apixaban est associée à un moindre risque de saignements comparativement aux AVK (HR=0,49, IC 95%: 0,46-0,52), mais aussi au rivaroxaban (HR=0,63, IC 95%: 0,58-0,67) et, dans une moindre mesure, au dabigatran (HR=0,85, IC 95%: 0,76-0,95).
L’apixaban s’avère plus efficace que les AVK pour réduire le risque d’AVC et d’accident thromboembolique (HR= 0,67, IC 95%: 0,62-0,72), mais non supérieur aux deux autres AOD. Il est aussi associé à moins de décès toutes causes que les AVK (HR= 0,56, IC 95%: 0,54-0,58). Sur ce critère, il reste à égalité avec le dabigatran et le rivaroxaban.
« L’apixaban fait mieux que les AVK en termes de sécurité et d’efficacité. Il ferait également moins saigner que les autres AOD. Mais, ces différences sont à confirmer dans une étude randomisée », a commenté le Dr Halimi. « Il est difficile de conclure car l’étude reste observationnelle. Il faudra attendre la publication pour une analyse plus approfondie. »
Si le traitement préventif par AOD est désormais recommandé en première intention chez les patients atteints de FANV, « les AVK ont toujours leur place dans cette indication, en particulier chez les patients ayant une insuffisance rénale, atteints de cancer ou chez ceux qui présentent beaucoup de comorbidités », estime le rythmologue.
Ablation : place à l’échographie 3D
Autre actualité importante à souligner en rythmologie: la tendance à bannir la fluoroscopie pour réaliser une ablation des arythmies complexes. Pour la première fois, les dernières recommandations de l’ESC sur le traitement de la tachycardie ventriculaire préconisent d’opter pour une ablation sans fluoroscopie chez les femmes enceintes et les enfants pour éviter l’exposition aux rayons X.
La fluoroscopie est une technique d’imagerie permettant d’obtenir des images en temps réel des cavités cardiaques afin de guider la procédure d’ablation dans le traitement des arythmies complexes (fibrillation auriculaire et tachycardie ventriculaire). Le traitement sans fluoroscopie s’appuie, quant à lui, sur un système de cartographie en 3D couplé à l’échographie.
« Dans la pratique courante, il devient de plus en plus fréquent de traiter les patients sans fluoroscopie ou alors en y recourant de manière très restreinte, notamment chez les sujets jeunes et les enfants. On peut aussi effectuer une ablation avec beaucoup de précision, sans émission de rayonnement », a commenté le Dr Halimi.
Plusieurs études sont venues récemment conforter cette tendance en montrant une efficacité similaire de l’ablation guidée par échocardiographe 3D en y associant une fluoroscopie restreinte au minimum comparativement au traitement standard. Cette approche a même permis de réduire le délai de l’intervention [2].
« Si l’intervention sans fluoroscopie est aujourd’hui réservée aux enfants et aux femmes enceintes, il faut s’attendre à ce qu’elle devienne le traitement standard », a souligné le Dr Halimi.
Alcoolisation de la veine de Marshall
L’année 2019 a également été marquée par la publication de plusieurs travaux démontrant le rôle du ligament de Marshall dans le maintien de dysfonctionnements électriques, même après l’ablation d’une FA. L’alcoolisation de la veine de Marshall qui irrigue cette zone pourrait donc s’imposer dans le traitement d’une fibrillation auriculaire persistante.
Le ligament de Marshall est situé à l’extérieur de l’oreillette gauche. Il est constitué de tissus fibreux, de bandelettes musculaires, d’une structure nerveuse et d’une petite veine, la veine de Marshall. Cette structure anatomique a la capacité de conduire l’influx électrique et de maintenir des arythmies, même après une ablation de la fibrillation auriculaire, a expliqué le Dr Halimi.
« Des études ont montré le rôle majeur de ce ligament, notamment dans l’apparition de flutters gauches [trouble du rythme entrainant des contractions des oreillettes trop rapides, ndr] après ablation de la fibrillation atriale. On estime que 30% des flutters résultent de l’activité de ce ligament ». Or, cette structure n’est pas accessible par les techniques d’ablations conventionnelles.
Pour interrompre la propagation électrique après ablation endocardique d’une fibrillation atriale persistante, une alcoolisation de la veine de Marshall peut donc être envisagée. Cette technique consiste à injecter de l'éthanol pur dans la veine par voie percutanée, ce qui va générer l’atrophie de la veine et inhiber l’activité du ligament.
« Cette technique innovante reste pour le moment assez confidentielle. En passant par la partie extérieure du coeur, elle s’avère très efficace pour supprimer des flutters, habituellement difficiles à traiter lors d’une fibrillation atriale persistante ».
L’implication de ce ligament de Marshall pourrait d’ailleurs expliquer pourquoi il est si difficile de traiter la persistance de dysfonctionnements électriques après une ablation d’une fibrillation auriculaire, a indiqué le Dr Halimi.
L’étude NAXOS a été financée par les laboratoires BMS/Pfizer qui commercialise l’apixaban.
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Citer cet article: Prise en charge de la FA : l’essentiel de 2019 - Medscape - 21 janv 2020.
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