Revue de presse en cardiologie

Faut-il proposer l’ablation de la FA à un patient insuffisant cardiaque ?

Dr Walid Amara

Auteurs et déclarations

23 janvier 2020

LA SÉLECTION DU MOIS DE JANVIER 2020

Bonjour et bienvenue sur Medscape. Je voudrais revenir sur l’ablation de la fibrillation atriale (FA) en cas d’insuffisance cardiaque.

En 2018, l’étude CASTLE-AF avait montré que l’ablation de la FA permettait, versus le traitement médical optimal, une réduction des hospitalisations pour insuffisance cardiaque et de la mortalité — y compris de la mortalité totale toute seule — de près 50 %. Les recommandations européennes de prise en charge de la FA de 2016, indiquaient l’ablation de la FA pour réduire les symptômes et améliorer la qualité de vie en grade 2a. Cependant, dans les recommandations de l’insuffisance cardiaque de la même année, l’ablation de la FA était recommandée en grade 2b. Tout récemment, dans une vidéo précédente, je vous avais parlé des recommandations américaines 2019 et dans lesquelles, pour la première fois, les résultats de CASTLE-AF sont pris en compte, c’est-à-dire que l’ablation de la FA pour réduire la mortalité et les hospitalisations pour insuffisance cardiaque est rentrée en grade 2b dans ces indications spécifiques. Entre-temps il y a eu plusieurs travaux :

  • Une première petite étude randomisée, qui s’appelle AMICA [1], a été publiée fin 2019. Elle a inclus 140 patients avec une FA persistante ou persistante prolongée et une fraction d’éjection inférieure à 35 % et qui ont été randomisés entre soit un traitement médical optimal, soit l’ablation de la FA. Résultat : il n’y avait pas d’amélioration de la fraction d’éjection, qui était le critère primaire sur les deux bras de l’étude.

  • Il y a eu également début janvier dans EuroPACE, un registre[2] évaluant l’effet de l’ablation de la FA pour réduire l’incidence des hospitalisations pour insuffisance cardiaque et de la mortalité. Sur 2003 à 2015, il a inclus environ 3500 patients qui avaient subi une ablation par cathéter. Résultat :  on observe là une réduction de la mortalité totale de 31 %, une réduction de la mortalité cardiovasculaire de 32 %, et une réduction de l’incidence de l’insuffisance cardiaque de 24 %.

  • Pour ajouter à la discussion, a été publié également au mois de janvier un article d’Elkaryoni, dans l’American Journal of Cardiology [3] . Dans ce registre, les chercheurs ont étudié des patients qui avaient eu une ablation de la FA entre 2000 et 2005. Cela concernait près de 11 000 patients, dont 1950 avec une insuffisance cardiaque. Résultat : il y a une réduction des hospitalisations avec l’ablation de la FA, que ce soit des patients insuffisants cardiaques ou sans insuffisance cardiaque.

Donc maintenant la question qui se pose est : faut-il proposer l’ablation de la FA à un patient insuffisant cardiaque ? Je pense qu’on restera sur ces recommandations européennes de 2016 où elle est indiquée en grade 2a chez le patient symptomatique, et que bien sûr si on veut réduire la mortalité, c’est du 2b dans les recommandations américaines — et on s’attend que cela évolue de manière assez similaire. Les prochaines recommandations européennes de prise en charge de la FA sont possiblement attendues pour l’été prochain.

Pourquoi l’étude randomisée [AMICA] que je vous ai présentée au départ est-elle négative ? Peut-être que les patients, à ce stade-là, avaient été pris en charge beaucoup plus tardivement que dans l’étude CASTLE-AF. D’ailleurs, dans l’analyse en sous-groupes de CASTLE-AF, les patients qui avaient une fraction d’éjection inférieure à 25 % ne bénéficiaient pas de l’ablation de la FA et le bénéfice était dans le mauvais sens, c’est-à-dire qu’il y avait une tendance à moins d’événements chez les patients sous traitement médical optimal, alors que lorsque les patients avaient une fraction d’éjection à plus de 25 %, le bénéfice était dans le sens de l’ablation de la FA.

Donc l’idée est que, oui, l’ablation de la FA est une possibilité à proposer en complément de l’ensemble des stratégies, mais il ne faut ne pas la proposer trop tard, et la proposer suffisamment tôt dans le cadre de l’arsenal thérapeutique dont nous disposons. Je suis persuadé qu’au cours de cette année 2020 nous allons avoir une multitude d’études qui vont s’intéresser, justement, à cette question de la prise en charge de la FA chez le patient insuffisant cardiaque.

 

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