Jeûne intermittent : il favorise une perte de poids et améliore les lipides

Pam Harrison, avec Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

14 janvier 2020

Baltimore, Etats-Unis – Limiter sa consommation de nourriture à une fenêtre de 10 heures chaque jour favorise la perte de poids et améliore les anomalies cardio-métaboliques chez les individus avec un syndrome métabolique, suggère une petite étude pilote [1]. « On discute beaucoup autour du régime intermittent et dans quelle fenêtre de temps, les gens devraient manger pour engranger les bénéfices de ce type de régime » observe Satchidananda Panda, co-auteur du papier, dans un communiqué [2].

Sur la base de ce qui a été observé chez les souris, une fenêtre de 10 heures semble apporter des bénéfices. Dans le même temps, ce n’est pas contraignant au point ce que les gens ne puissent pas le suivre sur le long terme » ajoute le chercheur (Salk Institute for Biological Studies, La Jolla, California)L’étude menée sous la houlette du Dr Michael J. Wilkinson est parue en ligne dans Cell Metabolism [1].

Comme la plupart des individus prenaient des statines, des antihypertenseurs ou les deux à l’inclusion dans l’étude, « les bénéfices observés de la consommation alimentaire sur un temps limité sont venus s’additionner à ceux des médicaments…Or, dans cette population à haut risque de maladie cardiovasculaire, une réduction significative des lipides athérogènes, de la pression artérielle et de la glycémie, obtenue sous traitement médical optimal, a d’importantes implications cliniques » affirment les investigateurs.

Les participants ont perdu 3% de leur poids corporel en 12 semaines

Dans l’étude, 19 personnes avec un syndrome métabolique (13 hommes et 3 femmes) se sont vues demander de restreindre leur consommation alimentaire à une durée journalière de 10 heures pendant 12 semaines, créant une période de jeûne de 14 heures chaque nuit.

En revanche, et c’est important de le noter, on ne leur demandait en aucune façon de réduire leur apport alimentaire ou de changer leur alimentation pendant la fenêtre de consommation de 10 heures, précisent les investigateurs.

Les participants étaient âgés de 59 ± 11,14 ans (moyenne ± DS). Tous réunissaient au moins 3 critères du syndrome métabolique au moment de l’inclusion. La plupart étaient obèses, avec un index de masse corporelle moyen (IMC) de 33 kg/m2. 16 participants (84%) prenaient au moins un médicament et 3 (16%) ne prenaient aucun traitement. Quoiqu’il en soit, l’utilisation de statines et d’antihypertenseur était élevée (79% et 63%, respectivement). « Les participants utilisaient une appli validée — intitulée myCircadianClock (mCC) — pour rentrer leur apport calorique pendant les 2 semaines d’inclusion et la période de suivi de 12 semaines » expliquent-ils.

Sur les 12 semaines d’étude, les participants ont perdu 3,3 kg, soit approximativement 3% de leur poids corporel, par rapport à l’entrée dans l’étude (P = 0,00028), rapportent les investigateurs.

Cette modification a conduit à une réduction du poids corporel d’environ 3% de l’IMC (P = 0,0001), ainsi qu’une réduction d’environ 3% de graisses (P =0,0001), comprenant une réduction significative de 3% de graisse viscérale (P = 0,004) et une réduction de 4% du tour de taille (P = 0,009).

De façon intéressante, la perte de poids atteinte par les participants pendant cette étude était comparable à celle obtenue quand on restreint les calories et augmente l’activité physique, indiquent les chercheurs.

Amélioration des paramètres cardio-métaboliques

Cette stratégie de consommation restreinte dans le temps a aussi nombre d’effets bénéfiques sur les paramètres cardio-métaboliques.

Par exemple, des réductions significatives du cholestérol total, du LDL-cholestérol et non LDL-cholestérol ont été observées dont aucune n’a pu être attribuée à la perte de poids (voir Tableau).

Par ailleurs, des réductions significatives de la pression artérielle systolique et diastolique, et parmi les personnes qui avaient des glycémies à jeun élevées à l’entrée dans l’étude, des réductions significatives en HbA1c (voir Tableau).

Ces améliorations des paramètres cardio-métaboliques ont été observées indépendamment de tout autre changement dans l’activité physique et indépendamment de la perte de poids, insistent les auteurs.

Tableau. Changements obtenus au bout de 12 semaines de jeûne intermittent par rapport aux valeurs à l’inclusion

Critères

Changement moyen (% de réduction)

Valeur P

Cholestérol total, mg/dL (%)

  • 13,1 (11)

0,03

LDL cholestérol, mg/dL (%)

  • 11,9 (11)

0,016

Cholestérol non-HDL, mg/dL (%)

  • 11,6 (9)

0,04

PAS, mmHg (%)

  • 5,1 (4)

0,04

PAD, mmHg (%)

  • 6,4 (8)

0,004

Hb A1c*, % (%)

  • 0,22 (3,7)

0,04

 

*Parmi ceux qui avaient une glycémie à jeun > 100 mg/dl ou HbA1c > 5,7%, au niveau basal, PAS : pression artérielle systolique, PAD : pression artérielle diastolique

L’importance des rythmes circadiens

Comme le mentionnent les auteurs, les études montrent que manger à des heures irrégulières affecte négativement la santé cardio-métabolique.

« Les schémas d’alimentation sur un mode erratique et ceux qui consistent à manger sur une période de temps étendue pendant les 24 h de la journée peuvent l’un et l’autre perturber les rythmes circadiens » expliquent-ils.

Mais il se trouve que manger sur des périodes restreintes induit et entretient des cycles d’alimentation cohérents, qui correspondent à des cycles circadiens bien établis.

Il a été montré que des perturbations chronique des rythmes circadiens augmentent le risque de syndrome métabolique, comprenant l’obésité, l’hypertension, la dyslipidémie et la résistance à l’insuline.

De plus, 70% approximativement des participants ont aussi indiqué qu’ils étaient plus satisfaits de la qualité de leur sommeil.

« En tant que cardiologue axée sur la prévention, j’essaie vraiment d’encourager mes patients à changer leur style de vie mais il est très difficile d’obtenir des modifications significatives et durables » explique le Pr Pam Taub (University of California San Diego School of Medicine), l’une des auteurs, dans un communiqué [2].

« Quand quelqu’un est diagnostiqué avec un syndrome métabolique, la fenêtre pour une intervention est critique car dès lors qu’une personne est devenue diabétique, ou prend plusieurs traitements, comme l’insuline, alors il est très difficile de renverser le processus pathologique » ajoute-t-elle.

Un schéma qui plait aux patients

Les participants ont aussi indiqué que ce programme de jeûne intermittent était plus facile à mettre en œuvre que compter ses calories ou augmenter son activité physique.

Intéressant aussi, le Dr Taub a indiqué que les participants, dont environ la moitié étaient déjà ses patients, ont noté avoir ressenti une grande énergie, et certains ont même été capables de diminuer leur traitement voire de le stopper à la fin de l’étude[2].

En outre, plus d’un quart des participants ont choisi de continuer à suivre ce programme d’alimentation restreinte dans le temps après la fin de l’étude ; et environ un tiers a dit avoir continué à le suivre au moins un tiers du temps. Le restant a abandonné ce schéma à la fin de l’étude.

« Ce fort niveau d’adhésion à un jeûne intermittent dans notre étude, l’absence d’effets indésirables rapportés, et le bas taux d’abandon, suggère que choisir soi-même sa fenêtre de 10 heures pour s’alimenter est réalisable chez des patients atteints de syndrome métabolique et sur une longue période de temps » concluent les investigateurs.

Le Dr Taub prévient néanmoins que toute personne voulant expérimenter ce type d’alimentation sur un temps journalier restreint d’abord doit consulter un médecin. Un conseil qui vaut particulièrement si on est atteint d’un syndrome métabolique et déjà sous traitement. « A chaque fois qu’une personne perd du poids, il est nécessaire de vérifier s’il faut ré-adapter les doses de médicament », explique-t-elle.

Une étude contrôlée et randomisée en cours

Sur la base de cette étude pilote, les chercheurs ont déjà démarré un essai contrôlé et randomisé, financé par le National Institute of Diabetes and Digestive and Kidney Diseases (NIDDK) pour confirmer les bénéfices de ce type de régime chez les personnes atteintes de syndrome métabolique. Ils prévoient de recruter plus de 100 participants dans chaque bras. Ils comptent aussi s’intéresser aux modifications physiologiques, notamment aux mitochondries du muscle squelettique et à la fonction hépatique.

Les auteurs ont déclaré ne pas avoir de liens d’intérêt en lien avec le manuscrit. Le Dr Pam Taub a une activité de conseil pour Sanofi/Regeneron, Novo-Nordisk, Boehringer-Ingleheim, Janssen, Pfizer, Amarin, et Amgen. Elle est aussi actionnaire de Cardero Therapeutics. Satchidananda Panda est l’auteur de l’ouvrage The Circadian Code, pour lequel il reçoit des droits d’auteur à titre nominatif.

La version originale de l’article a été publiée en anglais sur Medscape Medical News le 5 décembre 2019 et traduite et complétée par Stéphanie Lavaud pour Medscape édition française.
 

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