Prise en charge de l’HTA en France : des chiffres de plus en plus mauvais

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

7 janvier 2020

Paris, France— La prise en charge de l'HTA en France continue de se détériorer, selon les nouvelles données de l’enquête FLAHS 2019 présentées par le Pr Xavier Girerd (CHU Pitié Salpétrière, Paris) lors des Journées de l'Hypertension Artérielle (JHTA) en décembre [1]

Avec une proportion estimée d'hypertendus traités de seulement 42 %, un contrôle de l’HTA qui régresse et des prescriptions de monothérapies anti-hypertensives qui grimpent, FLASH 2019 confirme les chiffres inquiétants de la dernière enquête du même nom, réalisée en 2017.

 
L’hypertension artérielle n’est plus prise en charge comme il faut par le corps médical. Pr Xavier Girerd
 

Pr Xavier Girerd

« L’hypertension artérielle n’est plus prise en charge comme il faut par le corps médical », s’inquiète le Pr Girerd qui regrette notamment que depuis 2017, la rémunération sur objectif de santé publique (ROSP) n’inclut plus le contrôle de la pression artérielle (PA).

L’enquête FLAHS 2019 en bref 

Les enquêtes FLAHS sont réalisées en France métropolitaine tous les deux ans par l’institut de sondage Kantar Health. Elles fournissent des informations sur la prévalence de l’hypertension en population générale chez les adultes de plus de 35 ans.

Enquête 2019 : en juillet 2019, un questionnaire auto-administré de 2 pages a été envoyé par voie postale à 10 000 individus de plus de 35 ans représentatifs de la population métropolitaine. « Cette année 10 000 questionnaires ont été envoyés, soit le double de ce qui avait été fait jusqu’ici afin d’obtenir des données avec un intervalle de confiance, plus petit, de 1 % », a précisé le Pr Girerd.

Le questionnaire comportait notamment la question : possédez-vous un appareil d’automesure automatique à la maison ? Si oui, pourriez-vous faire un auto-dépisage de pression artérielle selon le protocole depistHTA, soit 3 mesures de l’HTA après quelques minutes de repos en position assise.

Les données de prévalence de l’HTA ont ensuite été analysées et triées en fonction de l’âge, du genre, et du suivi d’un traitement anti HTA. Concernant la prise d’antihypertenseurs la question posée était : « Actuellement prenez-vous un médicament pour l’HTA ? (accompagnée de la liste complète des traitements antihypertenseurs disponibles en France).

Au final, 7627 participants ont renvoyé un questionnaire entièrement rempli.

Les données ont été redressées pour que l’échantillon total de 7627 participants soit représentatif de la population française pour la région, l’habitat, la CSP, le sexe et l’âge.

Moins d’un hypertendu traité sur deux

Premier constat : en 2019, en France métropolitaine, le nombre estimé de répondants à l’enquête traités par au moins un antihypertenseur est de 10,2 millions, soit 27,6% des plus de 35 ans.

« La mauvaise nouvelle est que la prévalence des hypertendus traités en France a encore diminué en 2019 », commente le Pr Girerd.

 
La prévalence des hypertendus traités en France a encore diminué en 2019. Pr Xavier Girerd
 

Selon le protocole d’automesure de la pression artérielle  dépistHTA, 8,7 millions des français de plus de 35 ans sont hypertendus (PA ≥ 140/90 mmHg) et parmi eux, 5,0 millions sont non dépistés ou non traités. Seuls 3,7 millions reçoivent un traitement antihypertenseur (42,5%).

« L’absence de traitement est la plus importante dans certaines catégories d’âge : les 45-54 ans et les 55-64 ans », précise le Pr Girerd.

35-54 ans : 2,4 millions de répondants avec une hypertension non traitée

55-74 ans : 1,9 millions de répondants avec une hypertension non traitée

Plus de 75 ans : 0,6 millions de répondants avec une hypertension non traitée

Aussi, les données de FLAHS  2019 confirment celles de l’enquête Esteban de 2015. A savoir que la situation s’est dégradée plus fortement chez les femmes que chez les hommes (Lire Hypertension : net recul de la prise en charge des femmes françaises

 
34 % des hommes reçoivent au moins un anti-hypertenseur versus seulement 24 % des femmes.
 

Alors que 28 % des plus de 35 ans sont traités pour une HTA, d’après FLAHS 2019, 34 % des hommes reçoivent au moins un anti-hypertenseur versus seulement 24 % des femmes.

2009-2019 : une situation qui se dégrade

Lorsque les données de FLAHS 2019 sont comparées à celle de FLAHS 2009 (n=3838), on constate que globalement le niveau moyen de la PA en France est resté le même.

En revanche, la proportion de répondants traités pour une HTA a baissé de 3 % en 10 ans (30,6% à 27,6%). Aussi, en 2009, 4,2 millions des sujets avec une PA ≥ 140/90 étaient non-traités alors qu’on atteint désormais 5 millions d’hypertendus non-traités.

En parallèle, le contrôle de la PA semble s’être détérioré car chez les hypertendus traités, une PA ≥ 140/90 mmHg était retrouvée chez 33% des répondants en 2009 versus 36 % en 2019.

« Il y a plus de gens qui ont un niveau tensionnel élevé chez les hypertendus traités. La population a-t-elle vieilli, avec une PAS moyennement contrôlée ? », s’interroge le Pr Girerd. Il semble, en fait que « les gens sont moins bien traités, moins pris en charge et moins contrôlés », explique-t-il.

 
Les gens sont moins bien traités, moins pris en charge et moins contrôlés. Pr Xavier Girerd
 

En termes de traitement, alors que les monothérapies sont découragées dans les recommandations de bonne pratique pour la plupart des patients, 44 % des sondés recevaient un seul antihypertenseur en 2009 et cette proportion a encore grimpé de 11 % pour atteindre 55% en 2019.

Concernant les classes thérapeutiques utilisées, pour rappel, les recommandations ESC/ESH de 2018 proposent de privilégier une bithérapie d’emblée avec un bloqueur du système rénine angiotensine aldostérone donc un IEC ou un ARAII et un thiazidique ou un antagoniste calcique.

Entre 2009 et 2019, on observe donc un petit mieux avec plus de prescriptions de sartans (valsartan et irbésartan en tête) et d’IEC (périndopril et ramipril en tête) et une baisse de 6 % pour les bêtabloquants, même si ces derniers gardent toujours une bonne place dans les prescriptions (voir tableau ci-dessous).

 

FLAHS 2009 (n=3838)

FLAHS 2019 (n=7627)

Classes pharmacologiques selon le total des médicaments

BB (26%)
AA2 (20%)
AC (20%)
Diurétiques (16%)
IEC (12%)
Autres (6%)

AA2 (24%)
AC (20%)
BB (20%)
IEC (18%)
Diurétiques (16%)
Autres (2%)

Du mieux pour le tabagisme

Concernant les autres facteurs de risque cardiovasculaires, les questions posées dans le questionnaire mettent en évidence du mieux du côté du tabagisme avec une baisse de 19 % à 15 % entre 2009 et 2019 mais des tendances plus inquiétantes sur le reste.

En parallèle des données sur la prise en charge de l’hypertension, le nombre de patients qui prennent un traitement hypolipémiant a diminué de 22 % à 17 % entre 2009 et 2019, le nombre de diabétiques a un peu augmenté « mais l’épidémie annoncée ne s’est pas produite et l’obésité augmente doucement mais surement », indique le Pr Girerd qui alerte : « Il y a donc un ensemble d’éléments qui sont défavorables à la santé cardiovasculaire ».

Un appel aux autorités de santé

A la fin de sa présentation, le Pr Girerd a appelé les autorités de santé à réagir pour améliorer la prise en charge de l’hypertension en France.

« Les autorités de sanitaires se réjouissent d’avoir pu économiser 1 milliard d’euros sur les traitements antihypertenseurs en France en 5 ans (2,2 milliards à 1,2 milliards entre 2012 et 2017). Je ne comprends pas ce raisonnement lorsque l’on voit le nombre d’hypertendus non traités. Il faut faire quelque chose », a-t-il martelé.

Interrogée sur ce point, une représentante de Santé Publique France présente dans la salle a répondu qu’elle faisait remonter les informations concernant le sous-traitement de l’hypertension à sa hiérarchie et que la réponse était : « Oui, mais la mortalité CV baisse donc finalement peu importe ». « Nous avons beau montrer les chiffres de prévalence, d’incidence de l’AVC et de l’infarctus qui sont tous en augmentation chez les jeunes, pour l’instant le message ne passe pas parce que la mortalité baisse toujours de manière assez importante », a-t-elle expliqué.

Enquête financée par :

Le Comité Français de Lutte Contre l’HTA

La Fondation de Recherche sur l’HTA

Réalisé par Kantar Health

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