Des médecins s’engagent pour le climat

Stéphanie Lavaud

3 janvier 2020

Londres, Royaume-Uni/Bruxelles, Belgique – Que ce soit au sein du collectif « Docs for climate » en Belgique ou à l’occasion des actions coup de poing (mais non violentes) du mouvement écologique « Extinction Rebellion » au Royaume-Uni, des médecins européens s’engagent avec force en faveur du climat et le font savoir. En France, les initiatives individuelles ne manquent pas. Mais à quand un grand mouvement d’ensemble des professions de santé ?

Appel de plus de 1000 médecins belges

En octobre dernier, chez nos voisins belges, le collectif « Docs for Climate » a publié une lettre ouverte co-signée par près de 1000 médecins (lire la lettre en français) visant à sensibiliser la population belge et le monde politique à l'urgence de santé publique que représente désormais le changement climatique [1].

Les médecins signataires disent entendre les « avertissements répétés des scientifiques quant aux conséquences du dérèglement climatique et environnemental » émanant d'organismes internationalement reconnus. Les signataires mentionnent le GIEC qui établit que « chaque dixième de degré compte : plus le réchauffement climatique est élevé, plus le risque sur la santé est grand ». En qualité de scientifiques et de professionnels de la santé, ils s’appuient sur The Lancet. Très engagée en faveur du climat sous la houlette de son rédacteur en chef, Richard Horton (voir encadré en fin d’article), la revue médicale décrivait en 2018 le changement climatique comme « la plus grande menace pour la santé mondiale du XXIème siècle » et elle publie chaque année un rapport établissant un compte à rebours de la santé mondiale en lien avec les changements climatiques, qui a fait l’effet d’un électrochoc chez de nombreux médecins.

Encourager les patients dans leurs souhaits de changements individuels 

Dans ce contexte, les médecins belges affirment : « Nous ne pouvons accepter l’incapacité de nos gouvernements à respecter les engagements pris lors de la ratification de l’Accord de Paris en 2015. […]. Nous pensons que cet échec, notamment lié à la peur de penser différemment et pourtant positivement l’évolution de nos sociétés sur le long terme, met la population en danger à court terme et génère dès aujourd’hui un mal-être profond parmi un nombre croissant de nos concitoyens ».

En plus de poser un certain nombre d’exigences à leurs dirigeants comme adopter et mettre en œuvre « un Plan National Énergie Climat qui permette d’atteindre la neutralité carbone bien avant 2050 » ou encore de « désinvestir les moyens financiers publics des sociétés dont l’activité contribue au dérèglement climatique et à la dégradation de l’environnement », les médecins belges disent s’engager, de leur côté, « à développer et partager nos connaissances sur les conséquences et les risques induits sur la santé par le dérèglement climatique et environnemental »; « à soutenir [leurs] patients et la population face au stress généré par les incertitudes liées aux changements en cours et à venir » ; « à les encourager dans leurs souhaits de changements individuels » et « à participer à la réduction de l’empreinte environnementale du secteur de la santé ».

Solidaires

Dans leur tribune, les médecins belges signataires se déclarent solidaires d’organisations-sœurs qui œuvrent en faveur du climat à travers « des actions drastiques et des résultats concrets afin de nous mettre sur la voie d’un monde viable pour les humains et pour le reste du vivant » et dont ils disent comprendre et soutenir les revendications. Trois mouvements sont cités : Youth For Climate (initié par Greta Thunberg et décliné dans de nombreux pays, Coalition Climat, une ONG (qui regroupe plus de 70 organisations de la société civile belge) ou encore de l’organisation britannique Extinction Rebellion.

Peut-on être médecin et rebelle ?

Au Royaume-Uni justement, les médecins ne sont pas en reste sur la question de l’écologie et nombre d’entre eux s’impliquent, en tant que professionnels de santé, dans la lutte pour le climat et témoignent de leur engagement (comme dans cette vidéo intitulée « Doctors in Rebellion »). Leur investissement est à la fois personnel (moins de viande, moins de vols en avion, etc…) et collectif. Ils n’hésitent pas, par exemple, à participer à des actions coups de poing non violentes organisées par Extinction Rebellion (XR) – un mouvement social écologique fondé au Royaume-Uni en mai 2018 qui revendique la désobéissance civile (à l’instar du philosophe Henry David Thoreau). Un engagement qui les conduit parfois même à se faire arrêter par la police (pour trouble à l’ordre public), comme le raconte le Dr Hayley Pinto, psychiatre addictologue (Norfolk), interviewée par nos collègues de Medscape UK [2]. Arrêtée à plusieurs reprises pour avoir participé au blocage d’un des cinq ponts londoniens – lors de l’une de ces opérations coups de poing organisées par XR –, elle a dû s’expliquer devant les instances de la profession.

Ne pas être radié en cas d’arrestation

Elle n’est pas la seule professionnelle de santé dans ce cas. Au point que la question du soutien des organisations syndicales et des instances ordinales à leurs membres quand ceux-ci sont arrêtés par la police n’a plus rien d’anodin outre-Manche. En témoigne le dernier congrès du Royal College of General Practitioners (RCGP) qui s’est tenu à Liverpool en octobre dernier. Une délégation de médecins a demandé aux représentants de ce syndicat professionnel des médecins généralistes de leur assurer de ne pas être radié en cas d’arrestation pour avoir pris part à des actions non violentes, rapporte notre consœur de Medscape UK[3].

Argument développé lors de ce congrès par le Dr Aarti Bansal, médecin généraliste à Sheffield et, par ailleurs, président de l'organisation Greener Practice : « ce que Extinction Rebellion et tout le mouvement de désobéissance civile disent : c'est qu’il est question [dans le débat sur le climat] de la vie. Et nous, médecins, nous préoccupons de la santé, le soutien des instances est donc logique. Et ce d’autant que le RCGP a déjà accepté de déclarer l’état d’urgence climatique et est d’accord avec l'objectif de lutter contre le réchauffement »[3].

Ces médecins faisaient notamment référence à l’intervention du Dr Richard Horton, le virulent rédacteur en chef du Lancet, qui a déclaré dans une vidéo publiée sur Twitter qu’il était du devoir des médecins de s'impliquer des manifestations non violentes telles que celles menées par Extinction Rebellion, et que le General Medical Council (GMC, l’équivalent du Conseil de l’Ordre) devrait être alors d’un total soutien (voir la vidéo ci-dessous).

https://twitter.com/DoctorsXr/status/1187377667928141824

 

 

 

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