Quand et pour quelle raison faut-il réaliser une ablation de la fibrillation auriculaire en 2020?

Dr Jean-Pierre Usdin

Auteurs et déclarations

31 décembre 2019

Paris, France-- Le docteur Vincent Algalarrondo (MCU-PH, rythmologue. Hôpital Bichat) a présenté un état des lieux sur le traitement par ablation par cathéter de la Fibrillation Auriculaire (FA) lors des 39ème Journées de l’Hypertension Artérielle. Qu’en est-il de la controverse réitérée : contrôle du rythme ou contrôle de la cadence cardiaque ?

Au décours de la session  HTA et FA les « lésions » dangereuses (voir encadré), le docteur V. Algalarrondo a bien voulu commenter pour Medscape.fr, son intervention.

L’ablation de la FA est un traitement efficace

L’efficacité anti-arythmique de cette technique avec 80% de succès à 5 ans est supérieure au traitement médical, au prix de 1,8 procédure par patient.

L’ablation par cathéter est surtout efficace quand il s’agit d’une FA paroxystique : 70% de succès à 3 mois, contre seulement 22% de succès au cours des formes persistantes[1].

Lorsque le traitement n’a pas réussi la première fois, la récidive survient en règle dans les 3 mois, une seconde intervention permet très souvent d’instaurer un rythme sinusal stable et de prévenir la transition de la FA paroxystique vers une forme persistante ou permanente.

Dans certains cas récidivants il est nécessaire d’intervenir une troisième fois[2], cela survient en règle tardivement, parfois il s’agit d’une véritable isolation du massif auriculaire à l’instar des pionnières procédures chirurgicales de Cox-Maze (en 1990).  

Intervenir plus tôt

Les guidelines de 2016 et 2017 indiquent un niveau de recommandation : I en cas de FA paroxystique, IIa pour la FA persistante, pour la FA prolongée : IIb.[3]

De multiples facteurs de récidives ont été identifiés après ablation par cathéter d’une FA mais leur valeur prédictive est faible. Le score HACHT[4] (voir encadré) n’est pas validé mais il a été utilisé par Karl-Heinz Kuck et coll. dans l’étude ATTEST[5]  présentée au dernier congrès de l’European Society of Cardiologie. Chez les patients dont la FA paroxystique est mal contrôlée par le traitement médical la réalisation rapide d’une ablation par radio fréquence est plus efficace que le traitement médical pour retarder la progression vers la FA persistante (survenant chez 4 et 15% patients /an). Cependant cette étude non encore publiée a été interrompue en raison du retard du recrutement (255 patients). 

Score HATCHT (4) : Hypertension : 1 point, Age >75 ans : 1 point, : AI T ou AVC : 2 points, C Chronic Bronchopathy, bronchopathie chronique : 1 point, H Heart failure, insuffisance cardiaque : 1 point.

Efficacité anti arythmique mais quelles améliorations cliniques pour quels risques de la procédure ?

Les études CABANA[6] et CAPTAF[7]  ont clairement montré une amélioration de la qualité de vie après ablation de la FA comparé au traitement médical.

Mais au-delà de la qualité de vie, qu’en est-il des « critères durs » ?

L’essai CABANA[8] n’a pas montré de différence significative à 5 ans, chez 2 200 patients pour le critère primaire: mortalité toutes causes, accident cardiovasculaire invalidant, saignements sévères, arrêts cardiaques (les résultats étant en intention de traiter)

En 2019 l’indication de l’ablation chez les patients en insuffisance cardiaque à fraction d’éjection altérée ayant une FA, a été rétrogradée de IIa à IIb dans les recommandations américaines. Pourtant 7 études randomisées[9] ont montré une amélioration de la FEVG, des tests fonctionnels. (recommandation ESC IIa en 2016, pour la tachycardiomyopatie)

L’étude CastleAF[10] dont la méthodologie a été vivement critique[11] montrait à 5 ans une diminution significative des décès et hospitalisations en faveur de l’ablation comparée au traitement médical.

La question du choix du patient et de sa sélection

Cette absence de preuve d’efficacité concernant certains critères durs doit conduire à une discussion franche avec le patient concernant les risques de l’intervention : Hémorragie aux points de ponctions, tamponnade, sténose des veines pulmonaires, embolie cérébrale, fistule auriculo-œsophagienne. On compte 1 décès pour 1000 patients et 7 décès pour 10 000 procédures[3].  Néanmoins l’ablation par cathéter de la FA, quand elle est effectuée dans des centres expérimentés et par des équipes correctement formées à la technique, est plus efficace que le traitement anti arythmique dans le maintien du rythme sinusal, au prix de complications, certes non négligeables, mais dont le taux est superposable à celui du traitement antiarythmique[3].

Traiter avant tout les facteurs de risque : HTA, Obésité

La bonne sélection des patients est indispensable souligne V. Algalarrondo, les meilleurs résultats sont obtenus chez les patients de moins de 65 ans, dont l’HTA est bien contrôlée, non obèses et en stabilité pondérale. Ce dernier point précise-t-il est d’une importance capitale pour le succès de l’intervention[12].

Conclusions et perspectives :

  • L’ablation par cathéter de la FA a permis d’améliorer la compréhension de sa physiopathologie.

  • L’ablation s’avère être la méthode la plus efficace de maintien du rythme sinusal.

  • Quand réaliser une ablation de FA en 2019 ?

    • Chez les patients symptomatique : OUI (bonne validation)

    • En cas d’insuffisance cardiaque : probablement chez des patients bien sélectionnés.

    • Chez tous les patients : NON

    • Intérêt de la prise en charge globale des Facteurs de Risque CV en particulier l’obésité.

Le docteur Vincent Algalarrondo a précisé pour medscape.fr les points suivants :

Medscape : Proposez-vous parfois d'emblée lors de la première crise de FA une ablation (tous les facteurs de risque étant contrôlés) comme on le fait pour un flutter auriculaire par exemple?

Docteur Vincent Algalarrondo : Extrêmement rarement. J’ai tendance à faire un essai loyal d’anti-arythmique. L’ablation en première intention est toutefois possible et quand le patient ne veut vraiment pas d’anti-arythmique, elle peut être proposée.

M. : Arrive -t -il fréquemment de réaliser trois interventions successives, et dans ce cas, une fois réalisées toutes les lignes et isolations possibles, a-t-on une idée de l'efficacité de la contraction atriale?

V. A. : Trois interventions, on rentre dans les cas rares. En pratique, il s’agit souvent de patients dont l’arythmie récidive très à distance d’une procédure ou qui récidivent sous une forme organisée. Concernant la contraction atriale, on essaye de cibler en priorité les zones qui sont de toute façon peu mobiles comme le mur postérieur. A ce titre, il y a actuellement un débat sur des ablations plus larges concernant des zones mobiles comme l’auricule, en particulier pour leur risque thrombogène.

: Les critères US concernant l'indication de l'ablation chez les patients ayant une insuffisance cardiaque systolique a été rétrogradé en IIb, en est-il de même pour les recommandations européennes?

V. A. : Les recommandations européennes n’ont pas encore été mises à jour. Concernant les américaines, il faut aussi souligner que le IIb est indiqué pour réduire la mortalité, et non pas uniquement pour améliorer les symptômes.

M : Concernant les anticoagulants: la procédure est effectuée sous anticoagulant mais combien de temps est-il nécessaire de les poursuivre quelques mois? Plus longtemps?

V. A.: La poursuite des anticoagulants se base sur le risque du patient et non sur l’efficacité de la procédure. Ceci étant, pour les patients ayant un CHA²DS²-VASc à 0, je maintiens les anticoagulants pendant 1 à 3 mois après l’intervention.

HTA et FA : les lésions dangereuses

L’hypertension artérielle (HTA) et la fibrillation auriculaire (FA) sont très fréquemment associées : L’HTA serait responsable du déclenchement de 20% des FA et l’HTA est présente chez plus de 60% des patients qui souffrent d’une FA.

Quel lien existe-t-il entre ces deux pathologies ?

Pierre Bredeloux et coll. (Laboratoire de pharmacologie Université de Tours. EA 7349 - ERL CNRS 7003 - Signalisation et Transports Ioniques Membranaires (STIM) Groupe PCCV) grâce à un travail expérimental original proposent une théorie concernant l’association de ces deux pathologies impliquées dans nombre d’accidents vasculaires cérébraux.

Ils ont présenté leurs travaux lors des 39èmes Journées de l’Hypertension Artérielle mi-décembre à Paris.

Le chercheur et son équipe ont comparé des paramètres anatomiques et électrophysiologiques chez des rats spontanément hypertendus SHR à ceux de rats non hypertendus WKY tous âgés de 5 mois (sans insuffisance cardiaque).

Le substrat anatomique favorable à la survenue d’une dysrythmie est présent au niveau des veines pulmonaires dans les deux populations mais chez les sujets hypertendus SHR il y a plus de fibrose au niveau de l’oreillette gauche. L’HTA induisant un remodelage de l’oreillette gauche la rendrait plus sensible aux effets arythmogènes sous-jacents des veines pulmonaires.

De surcroît, chez les rats SHR, la dépolarisation induite par la noradrénaline est plus faible au niveau des veines pulmonaires sans que la vitesse de conduction soit ralentie. Cette hypothèse d’un déséquilibre sympatho-vagal pourrait fournir un élément d’explication dans le déclenchement de la FA constaté en clinique.    

Dr V Algalarrondo a déclaré les conflits d’intérêt : Medtronic, Abbott, Microport, Boston sci, Biotronik, Alnylam et Pfizer.

 

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