Suicide du Pr Barrat : sa veuve dépose plainte pour violation du secret médical

Philippe Anaton

12 décembre 2019

France -- Il y a un peu moins d'un an, le Pr Christophe Barrat, responsable de l'activité de chirurgie bariatrique du groupe hospitalier Hôpitaux universitaires Paris Seine-Saint-Denis, mettait fin à ses jours en se défenestrant le 3 février 2019 de son bureau de l'hôpital Avicenne (Bobigny). Ce suicide d'un ponte de la chirurgie sur son lieu de travail créait une véritable onde de choc dans le monde hospitalier, tout en faisant naitre toute sorte de spéculations. Ainsi, pour certains syndicalistes, le simple fait que le Pr Barrat se soit tué sur son lieu de travail laissait penser que ses conditions de travail étaient à l'origine de son geste désespéré.

Possible violation du secret médical

Mais surtout, de manière quasi unanime, les syndicats avaient déploré la communication de l'AP-HP, qui avait révélé à ses personnels, le cancer dont souffrait le Pr Barrat, en attribuant son suicide à sa pathologie. Face au scandale de cette possible violation du secret médical, la communication de l'AP-HP avait dû se fendre d'un communiqué, comme pour se disculper : « Nous avons fait référence, dans le message diffusé au sein du groupe hospitalier et des instances de l’AP-HP, à l’état de santé du Professeur Christophe Barrat afin, selon l’expression même de son épouse, « d’apporter un éclairage au geste de son mari ». Nous n’avons donc en rien rompu le secret médical mais avons été autorisés à porter cet élément à la connaissance de notre communauté selon la volonté et le plein accord de la seule personne légitime à nous délier de ce secret : son épouse, qui a validé ce message avant qu’il soit diffusé. »

Plainte devant le CNOM de Paris

Mais le 3 décembre dernier, la veuve du professeur Barrat, accompagné de son conseil Maître Graëffly, avait rendez-vous devant la chambre disciplinaire du Conseil de l'ordre, pour instruire la plainte qu'ils avaient déposée contre deux médecins, afin de dénoncer la violation du secret médical attaché au Pr Barrat. Maitre Graëffly et la veuve du professeur Barrat, comme le relève la plainte que Medscape s'est procuré, accuse le Pr Yves Cohen, président de la commission médicale d'établissement (CME) du centre hospitalier d’Avicenne, et le Pr Nathalie Charnaux, directrice de l'UFR de Paris 13 et doyen de la faculté santé, d'avoir rendu public le dossier médical du Pr Barrat.

Très précisément, dans un communiqué adressé par mail à l'ensemble des personnels du GH Paris-Saint-Denis, co-signé, entre autres, par les deux médecins cités ci-dessus, la direction affirmait que le « professeur Christophe Barrat, âgé de 57 ans, luttait depuis plusieurs mois contre une maladie grave, et a mis fin à ses jours hier à l'hôpital Avicenne ».

Etat de choc ?

Quant à l’argument selon lequel le communiqué aurait été diffusé avec l’accord de la veuve, la plainte déposée par Maitre Graëffly précise que l’épouse de Christophe Barrat a donné son accord alors qu’elle était en état de choc. De fait, « la révélation de l’état de santé du Professeur Christophe BARRAT, effectuée en public le lundi 4 février 2019, puis réitérée le mercredi 6 février, est constitutive d’une indéniable transgression du secret médical par la Direction de l’Hôpital Avicenne de Bobigny. »

Code déontologie médicale

Le conseil de Mme Barrat s'appuie sur l'article 4 du Code de déontologie médicale qui dispose que « le secret professionnel institué dans l'intérêt des patients s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession, c'est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou compris ».

L’article L. 1110-4 du Code de la Santé publique protège par ailleurs le secret médical, de la même manière. En s'appuyant sur ces deux textes, l'avocat de la veuve du Pr Barrat dépose donc plainte contre les Prs Yves Cohen et Nathalie Charnaux. Par ailleurs, l'article 226-13 du Code pénal précise, par ailleurs, que « la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ».

Echec de l’audience de conciliation

Sur la base de cet article du Code pénal, une plainte a été déposée, le 23 septembre, à l’encontre de Didier Frandji, directeur du groupe hospitalier paris-Seine-Saint-Denis, à l'époque des faits, mais aussi contre Yves Cohen, et Nathalie Charnaux. Joint par medscape, Maître Graëffly confirme le dépôt des deux plaintes. Et précise que l'audience du 3 décembre devant la chambre disciplinaire du conseil de l'ordre de Paris était une audience de conciliation, qui a échoué. La chambre disciplinaire devrait proposer une nouvelle date d'audience en janvier 2020.

 

 

 

 

 

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....