France – Chirurgien gynécologue, Catherine Scarabin est aussi soprano amateur. Quand elle n’est pas au bloc, elle se produit sur scène et tient les rôles titres des grands opéras. Portrait d’une femme chaleureuse et drôle portée par la musique.
Personnage haut en couleurs
Quand on lui demande son âge, le Dr Catherine Scarabin répond du tac au tac : « L’âge de mes cordes vocales ! » Une pirouette humoristique qui en dit long sur ce personnage haut en couleurs. Car cette gynécologue-obstétricienne de 43 ans installée en libéral dans le département de l’Essonne (91) est non seulement une femme pétulante et débordante d’énergie qui ne rate jamais une occasion de plaisanter. Mais c’est aussi une passionnée invétérée de chant lyrique, qui jongle avec brio entre sa vie de gynécologue et de musicienne amateure. Deux activités qui présentent d’ailleurs, selon elle, de nombreux points communs.

Au bloc, le pouvoir apaisant du chant
L’anecdote vaut son pesant d’or. Une patiente avec des angoisses pré-anesthésiques. Tellement angoissée qu’il est impossible de lui poser une perfusion. « Mon discours ne suffisait pas à la calmer, donc je lui ai chanté un air d’opéra : "O miobabbinocaro" de Giacomo Puccini, se souvient le Dr Catherine Scarabin qui a trouvé sur le moment le subterfuge idéal pour détourner l’attention de sa patiente :
« C’est un peu comme le principe de l’hypnose, sauf qu’au lieu de parler, j’ai chanté. La dame était tellement à l’écoute, tellement estomaquée. Elle se demandait si c’était un disque ou un vrai live ! C’est comme ça qu’on a réussi à poser la perfusion et à l’endormir. »
La performance musicale a tellement bien fonctionné ce jour-là que la gynécologue demande aujourd’hui régulièrement à ses patientes si elles aiment l’opéra. En cas de réponse positive, elle utilise les effets thérapeutiques de la musique pour « calmer et rassurer l’équipe, et apaiser le patient », rappelle le Dr Scarabin qui transmet à son tour ce que la médecine et le chant lui ont apporté :
« L’exercice de la gynécologie et le chant m’ont aidé à m’apaiser, à gérer mes émotions, à savoir recevoir, donner et recevoir, écouter. Quand on est médecin, on écoute tout le temps, on absorbe… La musique m’a offert une échappatoire. Et, comme je suis très speed, cela m’a aussi aidé à garder mon sang froid dans les situations de stress, que cela soit dans les situations médicales ou dans la vie de tous les jours. »
Premières prestations vocales à Bichat
C’est donc en partie pour s’évader du monde de la médecine, qui a parfois tendance à tourner en vase clos, qu’elle a pris des cours de chant lyrique à l’âge de 30 ans, poussée par le désir de penser enfin complètement, totalement à elle et de s’ouvrir à de nouveaux horizons. « Je me suis rendu compte que j’avais donné 15 ans de ma vie à mon métier dans un secteur très fermé où on n’a pas le temps de s’ouvrir à autre chose. Et j’ai découvert que la musique m’ouvrait, qu’il y avait un autre monde que la médecine et les collègues médecins. »
Chef de clinique assistant à l’hôpital Bichat, elle profite à l’époque d’un pot de départ pour chanter des airs d’opéra avec la complicité d’une sage-femme qui l’accompagne au violoncelle. « C’était mon premier public. Mes collègues étaient scotchés ! J’ai appelé ça la "Bichat traviata" ! », s’exclame la gynécologue qui ponctue régulièrement ses traits d’humour par des éclats de rire contagieux.
Lors du pot de départ, sa chef de service, atteinte d’un cancer du sein, est présente. « Elle était en chimio et avait un très mauvais pronostic. Je me suis rendu compte que le chant lui avait fait du bien, que cela déstressait les gens. » La gynéco venait de découvrir qu’elle avait un don pour soigner autrement.
Du travail, des facilités naturelles et des gènes musicaux
Ce jour-là, sa prestation vocale impressionne tellement ses collègues que certains soignants viennent la voir pour lui dire que sa place n’était pas à l’hôpital, mais sur scène ! « On m’appelait la diva du bloc à l’époque ! » Le Dr Scarabin a en effet la chance d’avoir des « facilités naturelles », une tessiture (ensemble et échelle de notes qui peuvent être émises par une voix de façon homogène) de soprano légère qui lui permet notamment d’aller très haut dans les aigus.
Dotée d’une formation de pianiste, elle a sans doute aussi hérité des gènes musicaux de sa famille bretonne qui est composée de nombreux musiciens : son père, son oncle, mais aussi son cousin, le célèbre un chanteur breton Alan Stivell .
Par l’entremise de sa famille, elle rencontre une professeure de chant lyrique au conservatoire de Paris. Mais aussi et surtout Sabine Aubert, la chef d'orchestre de l’orchestre l'Odyssée Symphonique, qui lui met le pied à l’étrier, lui offrira l'opportunité de montrer tout son talent lors de concerts d’envergure à l’image de « Liverpool Oratorio » (composé par Paul McCartney) en 2016 ou de « Carmina Burana », le chef d’oeuvre de Carl Orff, en début d’année, en compagnie de musiciens professionnels de l’orchestre de l’Odyssée symphonique et du chœur de Limours.
La délivrance : point commun à la gynécologie et au chant
Et c’est ainsi qu’elle a découvert que la gynécologie et le chant avaient de nombreux points communs. Qu’il s’agisse du « travail en amont lors d’un acte chirurgical » ou « du moment de délivrance, un peu comme dans le chant ». Elle retrouve en effet dans les deux domaines la même « bouffée d’endorphines, comme si l’on venait de faire un marathon ». Une délivrance qu’elle ressent particulièrement « quand l’acte chirurgical était un peu compliqué, quand vous avez évité le pire, quand vous venez de faire une annonce difficile à une patiente… »
Il faut sans doute remonter à son adolescence pour trouver les racines de son appétence pour l'acte chirurgical qu’elle a peut-être emprunté à sa mère qui était également gynécologue. Quant à son père, c’est un médecin-chercheur spécialisé dans le risque cardio-vasculaire et hormonal. « Son dada, c’est les œstrogènes, les thromboses, le risque thrombotique, donc, comme moi, il bosse pour les femmes ! », s’amuse le Dr Scarabin.
Hors de question pour autant de quitter la médecine pour retrouver le statut, trop souvent précaire, d'intermittent du spectacle. Le Dr Scarabin lui préfère celui de « musicien amateur » qui lui permet de « chanter uniquement pour le plaisir » et de garder « le confort matériel » qui va avec son métier.
Quand maternité rime avec spiritualité
Chef de clinique à Bichat à l’issue de son internat, elle rejoint ensuite l’Hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP) en chirurgie oncologique. Mais, « cela faisait pas mal d’années que je n’arrivais pas à avoir d’enfants. J’étais dans un parcours de FIV. Cela demandait plus d’absences, une bonne hygiène de vie, ce qui n’est pas toujours facile quand on est médecin. La musique m’a fait un bien fou à ce moment-là ».
Puis, le Dr Scarabin a quitté l’HEGP pour reprendre le cabinet de gynécologie de sa mère dans le département de l’Essonne (91) avec la perspective de consacrer un peu plus de temps à la musique avant de faire une « grosse pause musicale » qui a coïncidé avec la naissance de ses deux filles.
Quand elle décide de se remettre au chant après plusieurs années d’arrêt en 2018, c’est pour interpréter une cantate de Jean-Sébastien Bach dans l’église Saint-Étienne-du-Mont (Paris). Une œuvre sacrée qui correspond alors parfaitement au « parcours de foi » qu’elle a entamé après la naissance mouvementée (et prématurée) de sa deuxième fille.
Catherine Scarabin redécouvre alors combien la musique lui apporte « sur le plan spirituel ». « Quand vous chantez, vous rayonnez, c’est une forme de transcendance, on accède à quelque chose de mystique. Dans la musique, on laisse une certaine trace, et, après, on en fait ce qu’on veut. On palpe quelque chose qui se situe dans les recoins, un peu comme en chirurgie. Dans des parties intimes que peu de monde a le privilège de voir. »
Crédit photos : Catherine Scarabin - Shutterstock
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Citer cet article: Catherine Scarabin : médecin et chanteuse lyrique - Medscape - 6 déc 2019.
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