Enregistré en novembre 2019, à Paris
Retour sur les messages-clés de la prise en charge de l’hypertension artérielle, commentés lors du congrès CNCH 2019.
TRANSCRIPTION
Walid Amara — Bonjour et bienvenue sur Medscape. Je suis Walid Amara, de Montfermeil, et j’ai le plaisir d’être aujourd’hui avec mon ami Romain Boulestreau, de Pau. Cette discussion a lieu juste après le congrès du CNCH 2019, qui vient de se terminer. Romain, qu’est-ce qui t’a marqué au cours de ce congrès ?
Romain Boulestreau — Comme l’année dernière, j’ai trouvé que la forme du congrès était différente par rapport à d’autres congrès, et c’était très agréable. On a retrouvé, avec le CNCH, le compagnonnage : les internes et les jeunes assistants et les PH qui débutent sont à pied égal avec les PH plus expérimentés dans leur surspécialité, et qui peuvent vraiment les accompagner, répondre sur toutes leurs questions. Et pour nous, c’était la première année que le groupe HTA faisait une session, donc c’était évidemment marquant.
Walid Amara — Justement, en hypertension — c’est ton sujet — il y a eu plein d’éléments, plein de présentations, et Sylvain Le Jeune, qui est président du Club des Jeunes Hypertensiologues, a fait une présentation sur les messages-clés de la prise en charge de l’hypertension de manière moderne. Est-ce que tu peux nous en dire un mot ?
Romain Boulestreau — La prise en charge de l’hypertension artérielle (HTA) est devenue aujourd’hui extrêmement simple. Mais il faut que ce message simple soit diffusé et Sylvain Le jeune l’a extrêmement bien fait. Il nous l’a résumé en quatre points :
mesurer correctement la pression artérielle, surtout lorsqu’on la mesure en ambulatoire, par automesure ou MAPA (l’automesure, on peut la faire très facilement) ;
lorsqu’on établit le diagnostic, il faut prendre le temps de faire un bilan clinique et paraclinique pour vérifier qu’il n’y a pas une hypertension secondaire sous-jacente ; il y a un bilan biologique déjà fait, un questionnaire qui est disponible sur internet… ce sont des outils très simples
prendre le temps d’expliquer au patient ce qu’est l’hypertension artérielle, parce qu’imaginons qu’on te dise tout d’un coup qu’il faut que tu prennes un traitement à vie — si on ne prend pas le temps de l’expliquer, cela ne va pas fonctionner.
le dernier point est essentiel : il porte sur la titration thérapeutique. C’est extrêmement simple – on commence par une monothérapie, IEC, ARA2, ou calcique. Si, un mois après, en automesure on n’est pas contrôlé alors qu’on est à pleine dose, on associe un diurétique. Et un mois après on fait une MAPA, si le patient est toujours hypertendu, s’il y a une HTA résistante, il faut faire un bilan spécialisé.
Avec ces quatre points, 90 % des patients sont contrôlés.
Walid Amara — Génial ! Ce sont des messages super pratiques — j’adore. Deuxièmement, Jean-Pierre Fauvel, président de la Société Française d’Hypertension Artérielle (SFHTA), a présenté des études qui l’ont marqué en 2019. Qu’est-ce qui t’a marqué en hypertension ?
Romain Boulestreau — Il nous a rapporté deux études qui étaient particulièrement intéressantes. La première est une étude nord-américaine de Flint et al. qui a fait rentrer l’HTA dans le big data – on a pris 32 millions de Holter tensionnels, et cela a montré que le seuil à partir duquel le risque cardiovasculaire augmentait vraiment était autour de 135-140 mm Hg de systolique et 85-90 mm Hg de diastolique. C’est particulièrement intéressant aujourd’hui, puisque les recommandations américaines, européennes et françaises ne sont pas tout à fait d’accord sur la cible tensionnelle et on peut conclure que si déjà on met tout le monde à moins de 140/90, en France on sera déjà probablement pas mal.
Et la deuxième étude, c’est l’étude CREOLE, en Afrique subsaharienne, qui a montré que si on teste l’amlodipine, diurétique et IEC en association, il faut ajouter un inhibiteur calcique chez ces patients parce que l’association calcique-diurétique ou calcique-IEC fait jeu égal, mais fait moins bien que l’association IEC-diurétique. Donc c’est un message pratique au quotidien.
Walid Amara — J’ai été étonné qu’on parle encore de dénervation rénale. Atul Pathak en a reparlé… je pensais que c’était fini de cette histoire.
Romain Boulestreau — On a tous cru, après SIMPLICITY HTN3 en 2014, que cela ne marchait pas et quasiment tout le monde a abandonné. Heureusement, on a eu en 2018 quatre études successives positives dans le Lancet. En fait, depuis 2014, on a appris de nos erreurs et les études ont été beaucoup mieux faites. Et maintenant, Atul Pathak a résumé la situation en trois points :
Le résultat : la dénervation rénale, maintenant, ça marche. Cela permet de baisser l’hypertension artérielle d’environ 10 mm Hg en clinique, comme un médicament.
Les situations où c’est intéressant : le patient hypertendu léger qui a un seul médicament et qu’on pourrait guérir — dans les études c’est un patient sur quatre aujourd’hui.
Les technologies : on a la radiofréquence, et maintenant les ultrasons et l’alcoolisation ̶ c’est une technique qui va trouver sa place. La seule chose est qu’il faut améliorer à la fois la sélection des patients répondeurs et notre façon de confirmer que la technique a bien fonctionné quand on est dans le cath lab. Mais avec ça, la technique va prendre une vraie place.
Walid Amara — Alors on est tous dans cette routine de prise en charge de l’hypertension, et finalement cela commence à s’organiser en filières, en organisations, tout le monde y contribue — cardiologues hospitaliers, cardiologues libéraux, la SFHTA… Quel message clé qu’on peut donner aux cardiologues qui nous regardent aujourd’hui ?
Romain Boulestreau — On peut dire que l’HTA s’ouvre. La spécialité a été pendant très longtemps cantonnée à 14 CHU et les médecins qui prenaient en charge l’HTA, et peu de place entre les deux. Aujourd’hui, la SFHTA s’est rapprochée du CNCH, parce qu’il faut un maillage du territoire par des gens qui peuvent faire le lien et cela peut être des blood pressure clinic dans les centres hospitaliers et les cliniques, et le CNCH a écrit un article, une espèce de petit chemin pour arriver à monter sa blood pressure clinic, qui est disponible sur le site. Ensuite, les cardiologues libéraux qui sont intéressés peuvent devenir hypertension specialists et faire le lien aussi entre tous les médecins qui gèrent l’HTA et les centres d’excellence.
Walid Amara — Donc ils peuvent être labellisés en spécialistes dans l’hypertension artérielle.
Romain Boulestreau — Tout à fait.
Walid Amara — Est-ce que tu as, finalement, un coup de cœur pour ceux qui nous regardent aujourd’hui ?
Romain Boulestreau — Mon coup de cœur, c’est vraiment la présentation de Sylvain Le Jeune avec les quatre points simples, avec les outils disponibles. L’HTA, c’est devenu facile, c’est pragmatique et ça fonctionne. On peut contrôler plus de 90 % des patients sans problème.
Walid Amara — Merci. J’espère que cette présentation vous a intéressé et je vous dis à très bientôt sur Medscape.
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Citer cet article: CNCH 2019 : les points marquants en hypertension artérielle - Medscape - 9 déc 2019.
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