Dr Franck Albert, Dr Walid Amara

Auteurs et déclarations

9 décembre 2019

COLLABORATION EDITORIALE

Medscape &

Enregistré en novembre 2019, à Paris

Les coups de cœur de Franck Albert et Walid Amara lors du congrès CNCH 2020 : les avancées effectuées grâce à la télémédecine, les nouvelles études chez les patients souffrant de diabète et de MVC, et la stimulation hisienne.

TRANSCRIPTION

Walid Amara — bonjour et bienvenue sur Medscape. Je suis Walid Amara, rythmologue à Montfermeil, et j’ai le plaisir d’avoir avec moi aujourd’hui Franck Albert, président du CNCH, et qui est chef de service à Chartres.

Nous sortons du congrès du CNCH qui était riche cette année. Que peux-tu nous en dire ?

Franck Albert — Le congrès a été très innovant. Nous avons eu plus de 500 participants, donc 30 % de participation de plus que d’habitude. Il y avait beaucoup d’actualités avec un plateau télévisé, avec des face-à-face, des sujets d’actualité, des sujets sociétaux, des best of, des innovations avec un stand de start-up — 10 start-ups étaient venues nous montrer leurs innovations — une conférence humanitaire du professeur Francine Leca, avec des sujets qui sortent de l’ordinaire, ainsi que des quiz avec une session de cas cliniques hyper- intéressante de l’Île-de-France, animée par le Dr Amara.

Walid Amara — Génial. Il y avait plein de choses qui m’ont en effet marqué. Il me semble que, notamment, on voit l’essor, que ce soit dans nos services ou au congrès, de tout ce qui est télémédecine.

Télémédecine : avancées concrètes grâce au programme ETAPES

Franck Albert — Je crois que concernant la télémédecine, il ne faut surtout pas rater le coche. On a des problèmes de démographie médicale, il y a moins de cardiologues libéraux et il faut, effectivement, suivre les patients par télémédecine. Donc, on avait beaucoup de sessions sur la télémédecine. Je citerai au moins trois start-ups qui sont venues au congrès : Air Liquide avec son système Chronic Care Connect pour suivre les patients en insuffisance cardiaque ; HeartLogicTM , qui est un système de Boston scientific utilisé chez les patients implantés d’un défibrillateur pour le suivi également en insuffisance cardiaque, et d’autres comme SATELIA et implicity. La télémédecine est quelque chose dans laquelle il faut s’impliquer. On a la chance d’avoir un programme ETAPES depuis deux ans qui permet de financer des moyens humains, et donc de mieux suivre nos patients. [Il y avait des présentations des équipes] de Toulouse et de Chartres sur le sujet, avec des reculs de suivi à un an chez 100 patients avec une insuffisance cardiaque suivis par télémédecine. On s’aperçoit globalement qu’il y a moins de ré-hospitalisations ; que lorsque les patients sont ré-hospitalisés on a une baisse de la DMS de plus de 50 % ; la moyenne des patients ré-hospitalisés télésuivis est de 4,2 jours versus la moyenne qui est plutôt de 10 jours ; et ces patients, quand ils sont ré-hospitalisés, ne passent pas par les urgences, ce qui évite d’emboliser les urgences ; et enfin il y a un critère de satisfaction des patients, ils ont l’impression d’être mieux suivis, ils sont moins abandonnés et on peut gérer ces alertes. Certains systèmes fournisseurs ont des alertes qui sont prétraitées en amont grâce au digital, mais aussi à une équipe de personnes qui est en amont, qui pré-trie les alertes, comme le système Chronic Care, et on n’a plus que 20 % des alertes à gérer, et nous on doit mettre en place des infirmières formées et des consultations médico-soignantes avancées rapides — dans moins de 24 heures — pour éviter la ré-hospitalisation. On a eu notamment la présentation d’un système de coopération médecin-soignant, avec l’équipe de Créteil, qui développe ce genre d’outils avec des infirmières formées à l’éducation thérapeutique, formées à des consultations de titration et formées, en même temps, à voir les patients en urgence avec l’aide d’un médecin, pour éviter les ré-hospitalisations.

Walid Amara — Finalement, comme tu le disais, le système est maintenant financé dans le cadre du protocole ETAPES pour une durée de quatre ans. Par exemple, dans ton centre, comment avez-vous fait ?

Franck Albert — Globalement nous avons profité du financement. Le fournisseur offre gratuitement des tablettes sur lesquelles le patient doit répondre à des questions simples sur l’insuffisance cardiaque comme la toux, l’œdème des membres inférieurs, etc. C’est fourni, ainsi qu’une balance connectée qui permet de suivre le poids de manière quotidienne. Tout cela est gratuit et l’hôpital touche ensuite un forfait, qui est de l’ordre de 130 € tous les six mois, qui en fonction du nombre de patients inclus va permettre de financer des moyens humains en faisant des avenants au contrat de pôle — c’est vrai aussi bien dans le public que dans le privé — et cela permet d’avoir des équipes de télésurveillance. Et ce qui est important, c’est que cette équipe soit dédiée parce qu’elle va aussi gérer des consultations de type infirmière de pratique avancée dans l’avenir, pour effectivement voir ces patients. Et elles ne font pas partie de l’organisation des soins habituels dans nos hôpitaux.

Walid Amara — Vous avez donc pu financer des postes d’infirmière pour cela ?

 
Grâce à la télésurveillance...on a pu financer deux infirmières. Dr Franck Albert
 

Franck Albert — Grâce à la télésurveillance, en cumulant la télésurveillance des prothèses cardiaques associée à la télésurveillance des insuffisances cardiaques, on a pu financer deux infirmières, en sachant qu’actuellement on a 180 patients pour insuffisance cardiaque en télésurveillance et 1000 prothèses en télésurveillance défibrillateur et pacemaker. Et les forfaits qu’on touche pour la télésurveillance permettent de financer ces moyens humains supplémentaires avec un pari gagnant-gagnant, à la fois pour le service, mais aussi pour l’hôpital. C’est tout à fait bénéfique.

Walid Amara — Et aussi pour le patient – il me semble que tu m’avais dit que tu évaluais cela comme une demie infirmière tous les 250 nouveaux patients.

Franck Albert — À chaque fois qu’on augmente la montée en charge, effectivement, on renégocie un avenant au contrat de pôle tous les ans en fonction du nombre de patients qu’on a mis en télésurveillance.

Études marquantes chez les patients diabétiques : THEMIS et DAPA-HF

Walid Amara — Génial. Il est impossible de résumer deux jours de congrès sur cinq minutes, mais quel serait ton coup de cœur parmi les sessions auxquelles tu as assisté ?

 
Donc globalement on voit trois fois plus de diabétiques que les diabétologues. Dr Franck Albert
 

Franck Albert — Il y a eu au moins deux sessions sur toute l’actualité Cœur et diabète. Le diabète est devenu quelque chose de très important pour le cardiologue. Il y a un chiffre qui m’a marqué : un cardiologue voit à peu près 30 % de diabétiques quotidiennement, alors qu’un diabétologue ne voit que 10 % des patients diabétiques. Donc globalement on voit trois fois plus de diabétiques que les diabétologues. C’est donc important parce qu’il y a des nouveaux traitements qui arrivent. On a deux études phares dont on a reparlé et qui sont sorties à l’ESC 2019 : l’étude THEMIS par Gabriel Steg, qui était un des plus grands essais chez le patient diabétique, incluant environ 19 000 patients avec une maladie coronaire stable, chez des patients de plus de 50 ans. Cette étude avait comme objectif d’essayer d’avoir un effet bénéfique de l’association aspirine plus ticagrelor chez ces patients diabétiques stables coronariens versus l’aspirine seule. Le résultat a été très positif au niveau des événements ischémiques, avec une diminution des MACE de 10 %. En revanche, comme toujours, le prix à payer a été très lourd, puisqu’on a plus d’hémorragies quand on associe une bithérapie de manière prolongée. Et on a une augmentation de plus de 10 % des hémorragies de manière importante, y compris des hémorragies intracrâniennes, ce qui fait que dans cette étude, qui a été publiée dans le New England Journal of Medicine , le bénéfice global n’est pas positif en raison du surrisque hémorragique. En revanche, et c’est ça qui est intéressant pour nous, cardiologues interventionnels, dans cette étude il y a eu un sous-groupe qui était THEMIS-PCI, de quand même 10 000 patients ; c’est-à-dire que dans la population initiale de 19 000, il y avait plus de 58 % des patients qui avaient déjà été dilatés. Ce sont des patients qui ont été dilatés et au bout d’un an on propose de poursuivre la bithérapie s’ils n’ont pas saigné, s’il n’y a pas eu d’événements hémorragiques. Et comme ils sont diabétiques et à haut risque d’événements ischémiques, dans ce cas-là, on a décidé de poursuivre l’association ticagrelor-aspirine, en sachant que dans l’étude, qui avait démarré en 2014, c’était du ticagrelor 60 mg qui n’existe pas encore en France. Et là, on a un bénéfice important avec, effectivement, une diminution des MACE de 15 % chez ces patients à haut risque ischémique, puisqu’ils sont coronariens avec antécédents d’angioplastie, et on a un risque hémorragique qui est modéré et qui fait que le bénéfice global est positif dans cette étude. Donc il faut retenir que globalement, après une angioplastie coronaire chez un diabétique qui n’a pas saigné pendant un an de bithérapie, chez les patients à haut risque ischémique, il faudra poursuivre la bithérapie.

Walid Amara — Génial. Et la deuxième étude ?

Franck Albert — La deuxième étude, c’est DAPA-HF, qui a fait un vrai « holà » à l’ESC. Rapidement, ce sont 4500 patients qui sont en insuffisance cardiaque avec une FEVG altérée inférieure à 40 %. Ils ne sont pas tous diabétiques, seulement 40 % le sont, donc il y a une population non diabétique importante, et c’est une des premières études en insuffisance cardiaque qui montre que la dapagliflozine, qui est un inhibiteur de SGLT2, permet de diminuer de façon importante la mortalité cardiovasculaire et aussi les ré-hospitalisations pour insuffisance cardiaque. C’est encore une molécule qu’on n’a pas encore France, que certains pays européens ont, on devrait l’avoir bientôt en 2020.

Et toi Walid, quel est ton coup de cœur, en tant que rythmologue ?

La stimulation hisienne

Walid Amara — Le présentation du docteur Ghassan MOUBARAK, de Paris- Neuilly-sur-Seine, m’a marqué.  Il a parlé de stimulation hisienne, qui est maintenant une recommandation de grade 2 dans les recommandations américaines ACC/AHA/HRS 2018 – pour la première fois, elle rentre dans les recommandations — et qui finalement offre la possibilité de pouvoir resynchroniser sans mettre de sonde ventriculaire gauche. L’idée est de simuler juste au-dessus du faisceau de His et de pouvoir ne pas désynchroniser, avoir une stimulation physiologique… ce qui a été montré globalement dans les études de faisabilité. Finalement, moi qui n’en fais pas dans mon centre, cela m’a donné envie de démarrer. Et c’est ça aussi, ce congrès CNCH : faire venir dans la pratique des innovations qui commencent à faire leur essor dans les différents centres et à l’international.

Merci Franck, c’était une très belle édition du congrès. Je dis à tout le monde merci de votre attention. Rendez-vous l’année prochaine. Vous pouvez retrouver toutes les informations sur le site Internet du CNCH et puis notre page partenariat CNCH-Medscape.

 

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....