Prolapsus: vers une interdiction en France des prothèses vaginales ?

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

2 décembre 2019

Paris, France  L’utilisation des prothèses vaginales dans le traitement du prolapsus pourrait bien être prochainement interdite en France. Pour éviter que de nombreuses femmes se retrouvent sans traitement, l’Association française d’urologie (AFU) réclame la mise en place d’une étude rétrospective pour évaluer ces dispositifs médicaux, a annoncé son secrétaire général, le Pr Xavier Gamé (CHU de Rangueil, Toulouse), lors du 113ème congrès de l’AFU [1].

« Etant donné que les fabricants n’ont pas fourni, dans le délai imposé de neuf mois, les preuves d’efficacité et de sécurité des prothèses vaginales, les pouvoirs publics s’interrogent aujourd’hui sur la nécessité d’interdire la mise à disposition en France de ces dispositifs », a précisé le chirurgien urologue, lors d’une conférence de presse.

« En cas d’interdiction, près de 1 500 femmes par an vont se retrouver sans option thérapeutique ». Il s’agit en majorité de patientes en récidive de prolapsus, opérées à plusieurs reprises, après échec de traitement chirurgical par voie haute, traitement standard du prolapsus (promontofixation). Celui-ci consiste à maintenir les organes en « attachant » le vagin à la base du sacrum par des bandelettes. 

Limiter l’opération à certains centres?

L’AFU a donc proposé aux autorités de santé de mener un essai clinique pour inclure ces femmes et avoir enfin une évaluation du dispositif. En attendant la mise en place d’un protocole, « nous avons aussi suggéré de limiter l’opération à certains centres, qui devront en contrepartie alimenter un registre national des patientes opérées », a précisé  le Pr Gamé, auprès de Medscape édition française.

Il pourrait s’agir du registre VigiMesh, coordonné par le CHU de Poitiers, dont les premiers résultats portant sur les effets secondaires des interventions chirurgicales en statique pelvienne ont été présentés lors de ce congrès. Il révèle un taux de complications moindre avec les prothèses vaginales plus récentes par rapport aux anciens modèles incriminés (voir encadré).

Ce registre prenant fin dans un an, l’AFU a déjà prévu de financer le suivant. « Il sera pérenne et permettra un suivi des patientes sur le long terme. »

VigiMesh: 2,6% de complications après opération

Mis en place au CHU de Poitiers, le registre VigiMesh collecte les données de patientes opérées avec un dispositif médical pour un prolapsus ou pour une incontinence à l’effort.   Les premiers résultats présentés au congrès de l’AFU concernent plus de 1 873 femmes, traitées dans 13 centres [1]. Parmi elles, 52 ont eu des complications graves après opération, soit un taux de complications de 2,8%.

Dans le cas des interventions par voie vaginale pour traiter un prolapsus, le taux de complication graves est de 2,6% avec utilisation d’une prothèse, contre 1,7% sans dispositif. Le taux de réintervention est de 1% dans les deux groupes. « Il est intéressant de constater que les résultats sont quasiment identiques avec ou sans prothèse, preuve que les implants vaginaux utilisés aujourd’hui n’ont plus rien à voir avec les anciens modèles », a commenté le Pr Gamé. « Avec les anciennes prothèses, on avait jusqu’à 20 à 25% de complications. »

Paradoxalement, avec un taux à 3,5%, les complications sont plus fréquentes avec les bandelettes sous-uréthrales utilisées dans l’incontinence. « Les bandelettes transobturatrices (TOT) sont associées à davantage de complications sévères, que les bandelettes rétropubiennes, avec notamment davantage de douleurs à la racine de la cuisse, qui peuvent être très invalidantes. »

La demande de données de sécurité concernant les prothèses vaginales est la suite logique d’un classement en niveau III par la Haute autorité de santé (HAS) de la surveillance des dispositifs implantables par voie vaginale utilisés pour traiter le prolapsus et l’incontinence urinaire. En février dernier, un arrêté a fixé un délai respectif de 9 mois et de 15 mois pour une évaluation individuelle des dispositifs.

Lacunes dans la certification

Dans le cas des prothèses vaginales, le délai est écoulé. « Concernant des bandelettes sous-urétrales utilisées dans le traitement de l’incontinence urinaire d’effort, l’évaluation est toujours en cours. Etant donné qu’il y a beaucoup de littérature montrant une efficacité et une bonne tolérance avec cette technique, nous sommes beaucoup plus confiants par rapport à l’évaluation », a indiqué le Pr Gamé.

« Plus tard, viendra l’évaluation des dispositifs utilisés pour la promontofixation. Là encore, il s’agit d’une technique ancienne pour laquelle nous avons un recul suffisant ».   L’arrêté a, en effet, fixé un délai de 24 mois pour évaluer les dispositifs destinés au traitement par voie haute du prolapsus.

Ces évaluations arrivent après une remise en question dans plusieurs pays du profil de sécurité de ces dispositifs médicaux, à la suite de la publication des Implant files. Pour rappel, cette vaste enquête internationale, menée par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) a révélé, en novembre 2018, les lacunes et un certain laxisme dans la certification des dispositifs médicaux dans le monde et en Europe, en particulier.

Cette investigation avait été initiée après qu’une journaliste néerlandaise ait réussi, en 2014, à obtenir un avis favorable de plusieurs organismes certificateurs européens pour un implant vaginal… qui n’était qu’un simple filet de mandarines ! Son dispositif artisanal a pu obtenir sans difficulté le certificat de Conformité européen (CE).

Il est désormais prévu de modifier en profondeur la réglementation européenne relative aux dispositifs médicaux, avec cette fois obligation, dès 2020, de réaliser des recherches cliniques avant de mettre un dispositif sur le marché. Pour les dispositifs implantables classés niveau III, les évaluations se rapprocheront de celles exigées pour les médicaments.

Les pays sous pression

Depuis plusieurs années, l’utilisation d’implant de renfort pour traiter un prolapsus a conduit à une hausse significative des signalements d’effets indésirables. Sous pression après les résultats de l’enquête internationale, plusieurs pays ont exigé une évaluation plus stricte, que les fabricants n’ont pas pu satisfaire, ce qui a notamment amené à un arrêt immédiat de la commercialisation de ces dispositifs aux Etats-Unis.

En France, plusieurs pistes ont été envisagées pour sécuriser ces traitements. En plus de relever le niveau de surveillance des dispositifs médicaux, un arrêté de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) était attendu, avec la perspective de limiter la pratique de la chirurgie dans le traitement du prolapsus aux centres disposant d’un seuil d’activité suffisant.

« L’arrêté devait sortir en mars dernier. Mais, il y a une discordance entre la HAS et le ministère de la santé concernant la limitation à certains centres, la HAS n’étant pas favorable à cette mesure. Et aujourd’hui, avec la perspective d’interdire les prothèses par voie vaginale, cet arrêté devient en partie caduque », a indiqué le Pr Gamé.

Pour l’instant, les prothèses vaginales restent autorisées en France, même si leur utilisation s’est considérablement réduite, après un fort engouement à la fin des années 2000. Elles sont désormais réservées aux cas compliqués, en dernier recours, « lorsqu’il n’y a plus d’autre solutions », après notamment une récidive de prolapsus déjà traité par chirurgie.

Des filets a priori plus sûrs

Les filets désormais utilisés sont beaucoup plus fins et plus légers que les anciens modèles, tel que le modèle Prolift, un implant de création française, dont les effets secondaires (douleurs pelviennes, érosion vaginale et même perforation du rectum et de la vessie) ont entrainé de nombreuses plaintes à travers le monde. Certaines, dont Prolift, ont été retirées du marché.

En raison de ces risques, les derrières recommandations de l’AFU pour le traitement chirurgical du prolapsus non récidivé place la promontofixation en gold standard. Il est toutefois à réserver en dernière intention, en cas de gêne, après échec de la rééducation pelvienne, traitement de première ligne pour les prolapsus les moins avancés, tout comme pour l’incontinence urinaire.

Selon le Pr Gamé, « le taux de récidive est moindre après une chirurgie par voie vaginale avec prothèse de soutien, mais en comparaison les études restent en faveur de la promontofixation, associée à moins de saignements et de complications ». Et, contrairement aux prothèses vaginales, elle a l’avantage de mieux préserver la sexualité.

 

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