Manifestations des Gilets jaunes : forte hausse des blessures oculaires graves par LBD

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

27 novembre 2019

France – Le nombre de blessures oculaires suspectées d’avoir été causées par les lanceurs de balle de défense (LBD) utilisés par les forces de l’ordre lors des manifestations est en forte hausse depuis le début de la crise des Gilets jaunes.

En août dernier, dans une lettre publiée dans le Lancet , des médecins des services de chirurgie maxillo-faciale et d’ophtalmologie de l’AP-HP avaient déjà alerté sur la gravité des traumatismes de la face chez 21 patients atteints par des tirs de LBD (qui lancent des projectiles non-sphériques de 40 mm ou des grenades) lors de ces manifestations [1].

Dans une nouvelle étude, les auteurs ont fait parvenir une « enquête rétrospective » à tous les CHU de France où sont traités les patients les plus gravement atteints pour recenser les cas suspects de blessures oculaires par LBD entre février 2016 et fin août 2019.

Le nouveau bilan, publié dans la même revue, fait désormais état de 43 cas : 2 cas en 2016, 1 en 2017, mais 25 en 2018 et déjà 15 à la fin du mois d’août 2019[2].

Ces cas, dont 20 % ont été pris en charge à Paris, ont touché principalement des hommes (n=38) d’âge moyen 26 ans (15-59).

Quelles blessures ?

Les lésions oculaires observées sont unilatérales et touchent toutes les parties de l’œil. Les lanceurs de balles de défense (LBD) sont la cause suspectée de la plupart de ces blessures.

En tout, vingt-cinq patients ont présenté des blessures ouvertes au globe oculaire et 18 d’autres traumatismes : ecchymoses à la rétine (n = 10), hyphéma (n = 10), iridodialyse (n = 3), luxation du cristallin (n = 1) et cataracte (n = 2).

Les scanners ont révélé 25 cas de fractures orbitales, 12 cas de fractures faciales simples ou complexes et deux cas de lésions cérébrales.

Aucun des patients avec des blessures ouvertes du globe ne percevait la lumière au moment de l’admission à l’hôpital. L’acuité visuelle initiale était de 20/100 pour les autres, à l’exception de 5 qui avaient une acuité visuelle préservée. 

Trente des 43 patients ont dû être opérés, à une ou plusieurs reprises. La chirurgie a dû être reportée dans 15 cas : 9 énucléations, 3 chirurgies de la rétine, deux chirurgies de la cataracte et un lambeau conjonctival.

Au final, pour les auteurs de l’étude : « L’augmentation du nombre de lésions oculaires graves, entraînant une cécité et/ou traumatisantes en France au cours des 10 derniers mois pourrait être liée à l’utilisation des LBD pour contrôler les foules ». « Les projectiles à impact cinétique ont été signalées comme des armes potentiellement dangereuses pour les yeux dans divers pays et régions, y compris aux États-Unis et au Moyen-Orient, en Europe et en Chine[3,4,5,6]», écrivent-ils.

Cependant, à ce jour, ces résultats n’ont pas conduit à un moratoire sur l’utilisation de ces armes.

Au Chili, la Société d’ophtalmologie fait interdire les LBD

Fait inhabituel, la Société d'ophtalmologie du Chili a contribué à l’arrêt temporaire de l'utilisation des lanceurs de balles de défense (LBD) pour disperser les manifestants, dans le contexte des manifestations très violentes qui durent depuis le 18 octobre au Chili.

Au sein de l'Hôpital del Salvador, centre de référence, entre le 19 octobre et le 18 novembre 2019, 211 cas de lésions oculaires graves ont été observées en lien avec  les impacts des LBD[7].

Au jour 20, ce chiffre était passé à 220, principalement chez des hommes, d’âge moyen 29,9 ans. Trente-neuf patients ont présenté un traumatisme ouvert du globe (éclatement oculaire ou plaie oculaire pénétrante), 33 patients ont subi une perte totale de la vision de l'œil affecté, 47,9% avaient une grave diminution de la vision.

En tout, 74 autres cas ont été confirmés ailleurs dans le pays.

Deux chercheurs de la Faculté des sciences physiques et mathématiques de l'Université du Chili ont procédé à l'analyse de la composition de deux billes extraites de patients et se sont aperçus que les billes supposées « en caoutchouc » étaient en réalité composées de seulement 20% de caoutchouc, le reste étant du plomb, de la silice et du sulfate de baryum[8].

Ils ont, par ailleurs, souligné que les traumatismes causés par ces armes étaient différents des blessures causées par les balles en caoutchouc dans le cadre des manifestations «  Gilets jaunes ». 

Voir l’article complet sur Medscape édition espagnole :  Chile: denuncia de oftalmólogos contribuye a frenar un arma represiva

 

 

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