Urgences : 6 % de recours inappropriés selon une nouvelle étude

Véronique Hunsinger

Auteurs et déclarations

26 novembre 2019

Paris, France – En pleine crise des Urgences, la question du passage inapproprié aux urgences revient fréquemment sur le tapis, avec des chiffres variables selon les interlocuteurs. Pour y voir plus clair, une équipe française a réalisé une étude portant sur les déterminants socio-économiques et géographiques pouvant être à l'origine de passages considérés comme inappropriés dans les services d'urgences. En croisant 3 critères, celle-ci établit ce nombre à 6%, un chiffre moindre que ceux régulièrement évoqués. L'étude a été publiée, le 30 octobre dernier, dans la revue British Medical Journal Quality & Safety[1].

Décrire plus précisément les patients qui viennent aux urgences

En février dernier, dans son rapport annuel, la Cour des comptes estimait qu'il est « permis de considérer qu'environ 20% des patients actuels des urgences hospitalières ne devraient pas fréquenter ces structures et qu'une médecine de ville mieux organisée et dotée d'outils idoines devrait pouvoir accueillir une proportion plus importante de ces patients » [1]. Une estimation à laquelle cette nouvelle étude permet d'apporter des nuances.

Interviewée par Medscape édition française, le Dr Diane Naouri, médecin urgentiste, doctorante en économie de la santé au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (Université de Paris-Saclay) et premier auteur de l’étude, rappelle que « la SFMU travaille sur cette étude depuis 2016 ». Celle-ci repose sur l'enquête réalisée en juin 2013 par la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) par questionnaire auprès de 734 services d'urgences sur 48 711 patients. Le travail a mobilisé une équipe de médecins de la Société française de médecin d'urgence (SFMU), d'enseignants-chercheurs du service d'accueil des urgences de l'hôpital Saint-Antoine AP-HP, de la faculté de médecine de Sorbonne Université et de l'Université Clermont Auvergne.

 
La question du passage inapproprié aux urgences se pose différemment selon le point de vue duquel on se place, décideur public, médecin ou patient. Dr Diane Naouri
 

« Notre idée était de décrire plus précisément les patients qui viennent aux urgences et de comprendre les mécanismes de recours, indique le Dr Naouri. La question du passage inapproprié aux urgences se pose différemment selon le point de vue duquel on se place, décideur public, médecin ou patient. Ce n'est d 'ailleurs pas un problème franco-français, il y a beaucoup de littérature internationale sur ce sujet avec des définitions différentes ».

6% de passages inappropriés aux urgences

Dans l'échantillon de la Drees, trois mesures ont été utilisées pour appréhender le caractère inapproprié du recours aux urgences.  Deux d'entre elles s'appuient sur des mesures subjectives réalisées par le médecin urgentiste : son appréciation du degré d'adéquation du recours selon un score de 0 à 10 et son estimation sur le fait que la demande de soins aurait pu être prise en charge par un médecin généraliste le jour même ou le lendemain. La troisième mesure s'appuie sur les ressources (bilan biologiques, imagerie, ..) effectuées lors du passage aux urgences. Sur les 29 407 adultes et adolescents de 15 ans et plus de cet échantillon, les passages inappropriés aux urgences ont représenté entre 13,5% et 27,4%, selon la mesure retenue.

« Mais en croisant les trois mesures et nous avons obtenu un résultat de 6% de passages inappropriés aux urgences, indique le Dr Naouri, qui considère néanmoins que ce n'est pas le résultat qui est le plus intéressant en regard de l'objectif du travail. « En effet, nous nous sommes demandés quels étaient les facteurs pouvant expliquer un passage inapproprié aux urgences ». 

 
10% des patients ont dit avoir recouru aux urgences faute de disponibilité d'un médecin généraliste de ville.
 

Quels sont les critères de recours ?

Il apparait ainsi que, quelle que soit la méthode de mesure utilisée, la probabilité de recours inappropriée aux urgences diminue avec l'âge et l'éloignement du service d'urgences du domicile au-delà de 10 km. En revanche, la probabilité est plus importante chez les femmes et elle est plus forte si le patient n'a pas d'assurance maladie complémentaire, s'il est bénéficiaire de la CMU-C et s'il présente des symptômes depuis plusieurs jours. Pour autant, la probabilité d'utiliser de manière inappropriée les urgences ne semble pas corrélée avec la densité médicale du département. Néanmoins, 10% des patients ont dit avoir recouru aux urgences faute de disponibilité d'un médecin généraliste de ville.

« L'échelle du département n'était probablement pas la bonne, commente la Dr Naouri à propos de ce dernier résultat. En effet, les fortes hétérogénéités de densité médicale au sein d'un même département peuvent expliquer l'absence d'effets constatés dans notre étude. Il aurait fallu que nous ayons accès aux communes d'habitation des patients pour savoir exactement quelle offre de soins ils avaient à proximité de chez eux ».

Selon la Cour des comptes, le nombre de passages dans les services d'urgences a atteint, en 2016, les 21,2 millions, soit une augmentation de 15% en quatre ans [2].

« Les urgences rendent un service majeur à la population, conclut la Dr Naouri. Il est clair que leur rôle est d'accueillir toute personne qui vient avec une demande de soins. Mais il faut que l'on pose également la question des alternatives possibles pour les patients ».

 

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