Le blog du Pr Gabriel Steg – Cardiologue
TRANSCRIPTION
Gabriel Steg — Bonjour. Aujourd’hui, je voudrais vous parler de prééclampsie et de risque cardiovasculaire. Qu’est-ce que la prééclampsie ? C’est l’association d’une hypertension artérielle et d’une protéinurie qui surviennent dans la seconde partie de la grossesse. On sait depuis longtemps qu’elle est vraisemblablement associée à un surrisque cardiovasculaire, mais nos conceptions viennent d’être modifiées substantiellement par un travail tout à fait remarquable publié par des investigateurs irlandais, britanniques et espagnols dans le numéro du 24 septembre de Circulation[1].
Un risque cardiovasculaire ultérieur substantiel
Ce travail porte sur 1,9 million de grossesses chez 1,3 million de femmes suivies pendant 20 ans. C’est une étude observationnelle qui s’est intéressée à l’impact de la prééclampsie, en particulier de la prééclampsie qui précède immédiatement l’accouchement, ainsi que l’impact des hypertensions de la grossesse dans leur définition la plus large — en sachant que c’est un groupe assez hétérogène — et l’association de ces événements pendant la grossesse au risque cardiovasculaire ultérieur. Ce que montrent ces travaux de façon extrêmement claire, c’est que la prééclampsie, en général, et même, plus généralement, la plupart des formes d’hypertension artérielle pendant la grossesse — y compris l’hypertension qui préexistait la grossesse et qui se maintient après la grossesse — sont associées à un risque cardiovasculaire substantiel. Généralement, ceci est associé à une augmentation qui va de 70 % à plus de 100 % du risque d’événements cardiovasculaires ultérieurs. Et pour ce qui est de la survenue d’une hypertension artérielle permanente, le risque est plus que quadruplé chez les femmes qui ont une prééclampsie pendant leur grossesse.
Une augmentation du risque CV précoce
Un deuxième élément qui est nouveau, c’est que cette augmentation du risque cardiovasculaire est précoce après la grossesse avec des événements cardiovasculaires graves tels qu’accident coronarien, insuffisance cardiaque, accident vasculaire cérébral, trouble du rythme auriculaire, qui peuvent survenir dès l’année qui suit la grossesse. Donc non seulement ces femmes sont à risque cardiovasculaire élevé, mais ce risque est précoce. Enfin, ce risque n’est pas limité ou confiné aux patientes qui ont une prééclampsie conventionnelle — il est également observé chez les femmes qui ont une forme plus mineure d’hypertension artérielle gravidique.
Des implications pratiques
Donc, la conséquence pratique de ce travail, c’est qu’il faut désormais considérer la survenue d’à peu près toute hypertension artérielle pendant la grossesse comme un marqueur de risque cardiovasculaire ultérieur et d’un risque qui va être relativement rapproché, nécessitant, donc, un suivi de ces femmes enceintes sur le point cardiovasculaire précocement après l’accouchement et non pas en se disant qu’on quitte une femme enceinte qui est dans la troisième ou la quatrième décennie de sa vie et qu’on la reverra 20 ans plus tard, en cardiologie.
Il s’agit, maintenant, d’intervenir prématurément, précocement, pour prévenir la survenue ultérieure de complications cardiovasculaires. À cet égard, ce travail est véritablement un changement de perspective dans la prise en charge de l’hypertension artérielle gravidique et de la prééclampsie qui va nous inciter à travailler en liaison — cardiologues et obstétriciens — pour précocement proposer une prise en charge cardiovasculaire aux femmes enceintes qui viennent d’accoucher et qui ont eu des anomalies de la tension artérielle pendant leur grossesse. Voilà une conséquence très pratique de ces observations épidémiologiques. J’espère que nous rendrons service à de nombreuses femmes en étant plus vigilants sur leur prise en charge cardiovasculaire. À bientôt.
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Citer cet article: Changement de perspective dans la prise en charge de l’HTA gravidique et de la prééclampsie - Medscape - 14 nov 2019.
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