Pau, France — Selon un sondage Ipsos, 79% des femmes âgées de 16 à 50 ans ont déjà souffert de douleurs liées au cycle hormonal et la majorité d’entre elles les considèrent comme normales. Lors du congrès Infogyn 2019 , une session était spécialement dédiée aux dysménorrhées et à la perspective de les traiter en éliminant les règles par une contraception « en schéma étendu ».
« Historiquement, le schéma standard de la contraception hormonale incluant sept jours d’arrêt a été développé pour mimer le cycle physiologique. La présence d’un intervalle sans hormonal est un choix uniquement sociétal, sans fondement médical. Il était impensable à l’époque de débarrasser les femmes de leurs règles », a rappelé le Dr Nathalie Chabbert-Buffet (Hôpital Tenon, AP-HP, Paris), au cours de sa présentation [1].
Cette perception a toutefois évolué et de plus en plus de femmes, surtout les plus jeunes, envisagent désormais une contraception hormonale prise en continu pour limiter, voire supprimer les épisodes menstruels. En France, 30% des femmes seraient ainsi désireuses d’obtenir une aménorrhée par convenance personnelle.
Preuve d’un changement de paradigme: les sociétés savantes se prononcent depuis peu en faveur de cette contraception dite « en schéma étendu » pour les femmes qui souhaitent se libérer des règles, mais aussi pour celles qui souffrent des effets indésirables liés aux fluctuations hormonales des régimes contraceptifs standards.
Des recommandations favorables
Ainsi, dans ses dernières recommandations, le Collège national des gynécologues obstétriciens (CNGOF) précise qu’il « est possible de proposer l’administration des contraceptions estroprogestatives selon des schémas étendus ou continus dans certaines circonstances médicales (symptômes cataméniaux, ménorragies fonctionnelles, endométriose), mais aussi par convenance personnelle (Grade B) ».
« Il n’y a pas d’argument dans la littérature démontrant une quelconque nocivité de ce schéma contraceptif étendu, par rapport à un schéma classique à 21 comprimés comprenant sept jours d’interruption », estime le Dr Chabbert-Buffet
Au Royaume-Uni, la contraception hormonale en continu est désormais valorisée dans la prise en charge de l’endométriose et des dysménorrhées. La nouvelle version des recommandations de la FSRH (Faculty of Sexual and Reproductive Healthcare) précise que l’utilisation d’un schéma étendu apparait plus efficace dans le traitement de la dysménorrhée primaire, par rapport au régime standard.
Cette prise de position de la société savante anglaise affiliée au NICE (National Institute fior Health and Care Excellence) intervient après la publication sur son site d’un texte en faveur de cette approche contraceptive . « Les femmes doivent être informées que les saignements associés aux contraceptifs oraux combinés ne sont pas utiles d’un point de vue médical et, qu’en en les évitant, certaines pourraient obtenir un réel bénéfice », est-il écrit.
Quatre menstruations par an
Le marché s’est rapidement adapté à cette nouvelle approche. Alors que plusieurs options plus ou moins efficaces peuvent être utilisées en pratique pour obtenir une aménorrhée (dispositif intra-utérin avec progestatif, pilule estroprogestative en continu, anneau vaginal…), un contraceptif oral combiné, spécialement mis au point pour un cycle prolongé, est disponible depuis 2015.
Baptisé Seasonique® (Theramex Teva), cette pilule estroprogestative combinant lévonorgestrel et éthinylestradiol est la seule à disposer d’une AMM pour une prise continue. Cette contraception propose de réduire les règles à quatre épisodes par an par des cycles prolongés de 91 jours.
Le traitement est composé de trois plaquettes pour un total de 84 comprimés de lévonorgestrel (150 µg) /éthinylestradiol (30 µg), à prendre chaque jours pendant trois mois, et de dix comprimés d'éthinylestradiol seul à dose réduite (10 µg) pour limiter les saignements. Cette contraception n’est pas remboursée.
Lors d’une session d’un précédent congrès Infogyn, le Dr Christian Jamin (gynécologue, Paris) avait alerté sur la nécessité de bien évaluer les facteurs de risque de la patiente avant de prescrire ce nouveau contraceptif, en raison d’une absorption d’œstrogènes supérieure comparativement aux autres traitements combinés.
Le gynécologue avait d'ailleurs indiqué sa préférence (hors AMM) pour un schéma continu avec l'anneau vaginal Nuvaring® (MSD), qui diffuse 120 microg d'étonogestrel et 15 microg d'éthinylestradiol par 24 heures. Le profil apparait équivalent à celui de la pilule Seasonique®, « mais avec deux fois moins d'estrogènes ». Il suffit alors, selon lui, d'enchainer trois anneaux par cycle trimestriel, avant une pause de sept jours.
Concernant la prise en charge de l’endométriose, les études se sont surtout focalisées sur l’intérêt du schéma continu en post-opératoire. Une méta-analyse a ainsi rapporté chez les patientes opérées pour une endométriose un taux de rémission plus élevé et moins de rechute avec une contraception à cycle prolongé, par rapport à celles prenant une contraception orale standard [3].
« La contraception en continu est désormais recommandée aux femmes après une chirurgie de l’endométriose. En pré-opératoire, on propose aux patientes atteintes d’essayer une contraception standard discontinue. Si elles ressentent toujours des douleurs, on leur propose de passer au schéma continu », a commenté la gynécologue.
Prévalence de 79% des dysménorrhées
Par ailleurs, la contraception orale, dans son schéma habituel, est considérée comme efficace contre les dysménorrhées. Le schéma étendu apparait donc plus adapté dans cette indication, a expliqué le Dr Chabbert-Buffet. D’autant plus que chez les femmes qui souffrent de dysménorrhées alors qu’elles sont sous pilule, les douleurs sont majoritaires pendant les règles.
La prévalence des dysménorrhées est élevée. Selon une étude Ipsos, dont les résultats ont été présentées lors cette session consacrée à ce trouble, 79% des femmes âgées de 16 à 50 ans ont déjà souffert de douleurs liées au cycle hormonal. La majorité déclarent un fort impact sur leurs activités quotidiennes.
Parmi ces femmes qui sont confrontées à des dysménorrhées, 69% considèrent que ces douleurs sont « naturelles ». « La majorité des femmes interrogées pensent qu’il est normal d’avoir mal pendant les règles, ce qui montre une banalisation de ces douleurs. Le terme de dysménorrhée est d’ailleurs souvent méconnu », a souligné le Dr Hervé Fernandez (Hôpital universitaire paris Sud, AP-HP, Le Kremlin Bicêtre).
Conséquence de cette forme de fatalisme : 60% des femmes qui déclarent avoir souffert de douleurs pendant leur cycle n’ont jamais consulté et ne sont pas traitées. Parmi celles qui prennent un traitement, 83% ont indiqué privilégier un antidouleur et 41% ont recours à un inflammatoire. Près d’une femme sur trois ont opté pour la pilule.
Le choix de la pilule, dans son schéma habituel, n’a toutefois pas toujours l'efficacité escomptée, puisque la moitié des femmes qui souffrent de dysménorrhées sont sous contraceptif oral, révèle l’étude. Un résultat en accord avec ce qui est retrouvé dans la littérature, indique le Dr Chabbert-Buffet. « La dysménorrhée apparait fréquente sous pilule essentiellement lors de l’intervalle sans hormones ».
D’autres alternatives?
La perspective d’une contraception en continu après, dès lors, séduisante. Dans le cas de la pilule Seasonique, la prise de faible doses d’ethinylestradiol qui remplace l’intervalle sans hormone permet également d’écourter la période des règles. Les épisodes de saignements durent en moyenne près de trois jours à la fin du cycle de 91 jours.
« Les anciens schémas de contraception ne permettent de soulager qu’une partie des dysménorrhées. La contraception à schéma étendu apparait comme une option de choix pour les femmes souffrant de troubles liés au cycle menstruel et chez celles qui souhaitant simplement supprimer les saignements mensuels », a conclu le Dr Chabbert-Buffet.
Interpellé en fin de présentation sur les autres options envisageables, en dehors des contraceptifs hormonaux qui suscitent toujours autant de méfiance, la gynécologue a évoqué des recherches menées pour limiter les réactions inflammatoires. « La perspective d’une prise répétée d’anti-inflammatoires me semble néanmoins problématique. »
Selon le Dr Fernandez, « il faut aussi faire une distinction entre une dysménorrhée qui dure 24 heures et celle qui se prolonge pendant une semaine. Pour des douleurs de courte durée, on peut envisager de prescrire un antalgique et refaire une évaluation après trois mois. »
Avant tout, « il faut bien mesurer les symptômes et discuter de la prise en charge à suivre après un examen complémentaire par échographie », l’objectif étant notamment d’éviter tout retard de diagnostic de dysménorrhée secondaire, liée par exemple à une endométriose, a précisé le gynécologue.
Le Dr Nathalie Chabbert-Buffet a notamment déclaré des liens d’intérêt avec le laboratoire Theramex Teva.
Le Dr Hervé Fernandez n’a pas déclaré de liens d’intérêt. |
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Citer cet article: Règles douloureuses: faut-il opter pour une contraception hormonale en continu? - Medscape - 23 oct 2019.
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