Pau, France — Au cours d’une session du congrès Infogyn 2019 consacrée à la contraception, deux présentations se sont focalisées sur quelques nouveautés dans la prise en charge spécifique des adolescentes [1,2]. Avec d’un côté, l’arrivée sur le marché du contraceptif oral Oedien® (éthinylestradiol/diénogest), qui dispose également d’une AMM pour traiter l’acné modérée et, de l’autre, une utilisation du dispositif intra-utérin (DIU) encouragée chez les plus jeunes et même envisagée avant le premier rapport sexuel.
Alors que le gouvernement prévoit le remboursement de la contraception pour les jeunes filles de moins de 15 ans (voir encadré en fin d’article), les praticiens continuent de s’interroger sur les méthodes contraceptives à proposer aux adolescentes, qui, comme leurs ainées, se montrent de plus en plus réticentes à l’utilisation de contraceptifs hormonaux.
Au cours de son intervention consacrée au choix de la contraception hormonale chez les jeunes filles, le Dr Hortence Baffet (CHU de Lille) a rappelé qu’il convient de prendre en compte la possibilité de traiter également les problèmes d’acné, dont souffrent beaucoup de patientes de cet âge. Or, selon elle, le bénéfice apporté par les pilules estroprogestatives dans le traitement de l’acné est souvent négligé.
Deux pilules disponibles contre l’acné
Actuellement, deux pilules contraceptives ont également l’AMM dans la prise en charge de l’acné: l’association éthinylestradiol (35 ug) et norgestimate sous forme triphasique - trois comprimés distincts avec doses de norgestimate à 0,18, 0,215 et 0,25 mg - (Triafemi®, Effik) et, depuis fin 2018, l’association éthinylestradiol (30ug) et diénogest en monophasique (2mg) (Oedien®, Bailleul).
La pilule Triafemi® est indiquée comme contraceptif chez la femme ayant une acné légère à modérée, tandis que la pilule Oedien® est à envisager en cas d’acné modérée après échec de traitements topiques ou d’un traitement antibiotique oral adaptés. Dans les deux cas, le prescripteur doit tenir compte des facteurs de risque thromboembolique veineux.
Concernant les facteurs de risque, la gynécologue a longuement insisté sur la nécessité de rechercher l’existence de migraine chez l’adolescente, un facteur majeur de risque cardiovasculaire sous-estimé à cet âge. Les contraceptifs oraux ne sont pas recommandés chez les femmes souffrant d’une migraine avec aura ou d’une migraine seule lorsque s’y ajoute un autre facteur de risque.
Dans les évaluations de phase 3, la nouvelle combinaison éthinylestradiol/diénogest est associée à une réduction des saignements intermenstruel et à une baisse de la durée des règles de 4,7 jours avant traitement à 3,6 jours en moyenne après 18 mois sous pilule. Les principaux effets secondaires sont les signes habituels retrouvés avec les pilules estroprogestatives (céphalées, vomissements, troubles de l’humeur…).
Essai comparatif avec le cyprotérone
L’effet sur l’acné a été évalué dans une étude comparative randomisée en double aveugle chez des patientes souffrant d’acné légère à modérée [3]. Celles-ci ont reçu, soit la combinaison éthinylestradiol (30µg)/diénogest (2mg), soit la combinaison éthinylestradiol (30µg)/acétate de cyprotérone (2mg).
Pour rappel, l’acétate de cyprotérone est un dérivé de la progestérone présentant des propriétés anti-androgéniques. Il a longtemps été utilisé seul (Androcur®) hors AMM dans le traitement de l’acné résistante, avant d’être écarté en raison du risque de méningiome. La combinaison avec l’éthinylestradiol (Diane 35®) a l’AMM uniquement pour le traitement de l’acné modéré à sévère.
L’étude a montré une absence de différence significative sur l’amélioration de l’acné entre les deux groupes après six cycles de traitement. De même, les deux traitements se révèlent tout aussi efficaces pour réduire la sévérité de l’acné. « Une diminution de la sévérité de l’acné a été observée chez la majorité des patientes des deux groupes », a commenté le Dr Baffet.
Cette non-infériorité par rapport à la combinaison éthinylestradiol/acétate de cyprotérone a été confirmé dans une autre étude, qui a en plus comparé les deux bras avec un placebo. « Dans les deux groupes sous traitement, il y a une baisse importante du taux de lésions inflammatoires en comparaison avec le groupe témoin ».
Avec la combinaison éthinylestradiol/diénogest, les essais ont montré qu’une amélioration visible de l’acné nécessite au moins trois mois de traitement. Des améliorations supplémentaires sont constatées après six mois. Un contrôle doit être envisagé entre trois et six mois, puis régulièrement afin d’évaluer la nécessité de maintenir le traitement.
DIU: pas plus risqué chez l’adolescente
Au cours de cette session consacrée à la contraception, le Dr Teddy Linet (Centre hospitalier Loire Vendée Océan, Challans) est, quant à lui, venu exposer les particularités de la pose du dispositif intra-utérin (DIU) chez les jeunes filles. Bien que cette option soit envisageable chez les adolescentes, elle est peu proposée et parfois même refusée par les praticiens, qui redoutent des complications, a précisé le gynécologue.
Dans ses dernières recommandations de bonnes pratiques sur la contraception, la Haute autorité de santé (HAS) rappelle pourtant que « les DIU peuvent être proposés aux femmes et aux adolescentes », qu’elles soient multipares, nullipares ou nulligestes (n’ayant jamais eu de grossesse). Le dispositif au cuivre est recommandé pour les plus jeunes en raison de sa petite taille.
L’Académie américaine de pédiatrie (AAP) va plus loin, puisqu’elle préconise la prescription du DIU en première ligne à partir de 15 ans, avec l’objectif de réduire le taux de grossesse involontaires chez les mineures. Dans ses recommandations, le dispositif est présenté comme une méthode sure et efficace pour les adolescentes, avec un taux d’échec de moins de 1%, contre 9% avec la pilule contraceptive.
En France, la méthode est rarement utilisée à cet âge. Parmi les arguments les plus souvent évoqués par les praticiens pour justifier leur réticence figure la crainte d’un risque d’infection génitale haute pouvant conduire à une infertilité. Les dernières données sont rassurantes, souligne le Dr Linet. « Ce risque est le même que chez les femmes plus âgées ». Il est évalué à 0,2 % chez les 14-19 ans portant un DIU.
Autre argument évoqué : le risque accru de perforation utérine, en raison d’une fragilité cervicale plus importante et de l’insertion du dispositif, considérée comme difficile à réaliser à cet âge. Là encore, le recul est désormais suffisant pour écarter les inquiétudes : « le risque de perforation n’est pas plus élevé chez l’adolescente ». La complication reste « extrêmement rare ».
Taux d’expulsion plus élevé
En revanche, « il existe un risque plus important d’expulsion du DIU chez les adolescentes ». Les données de suivi montrent toutefois que « le taux d’expulsion ne dépasse jamais les 30% chez les 14-19 ans », précise le gynécologue. Un risque qui implique « d’initier un suivi plus rapproché des adolescentes», qui peut aussi être effectué par téléphone, ajoute-t-il.
La prise en charge de ces patientes peut ainsi présenter quelques particularités, sans toutefois être très différente de celle appliquée chez les femmes plus âgées. « Il faut pouvoir adopter une conduite rassurante avec ces adolescentes qui viennent pour un DIU, après avoir souvent reçu plusieurs refus d’autres gynécologues ». Elles redoutent aussi particulièrement les douleurs pouvant survenir lors de la pose.
La peur de la douleur est d’ailleurs fréquemment évoquée comme obstacle à l’utilisation de cette méthode. En conséquence, « le geste doit être doux et court », insiste le Dr Linet. Il déconseille le recours à l’anesthésie locale paracervicale (PLA), souvent utilisée en France pour ce type d’intervention. Un acte incohérent, selon lui, qui implique « un geste en lui-même douloureux qui ne fait qu’augmenter le temps d’intervention ».
Longtemps utilisé pour réduire les douleurs lors de l’insertion, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ont fini par être délaissés par manque d’efficacité lors de l’intervention. Or, ils auraient un intérêt pour réduire l’inconfort et les sensations douloureuses après l’insertion, a indiqué le gynécologue.
Enfin, le Dr Linet a évoqué la possibilité de poser un DIU chez les adolescentes n’ayant pas encore d’activité sexuelle. Conduite chez 82 adolescentes n’ayant jamais eu de rapports sexuels, âgées de moins de 16 ans en moyenne, une récente étude a montré que le dispositif a été bien toléré chez 82% d’entre elles [4]. L’insertion du dispositif a été possible dès la première tentative dans 90% des cas.
Vers une contraception gratuite pour les moins de 15 ans
Selon l’avant-projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, révélé début octobre par l’AFP, le gouvernement prévoit d’étendre la gratuité de la contraception, déjà appliquée chez les 15-17 ans, aux jeunes filles moins de 15 ans.
Le dispositif permettant la prise en charge intégrale de la contraception chez les adolescentes de 15 à 17 ans a été mis en place en 2013. Celles-ci « bénéficient de la gratuité de la contraception prescrite par les médecins ou une sage-femme et de la dispense d’avance de frais sur ces soins ». La mesure favorise également la confidentialité.
Dans cet avant-projet de loi, il est précisé que les moins de 15 ans doivent supporter le coût des contraceptifs, « ce qui peut constituer un frein pour des publics souvent en situation de fragilité ». Conséquence: le recours à la contraception d’urgence et l’interruption volontaire de grossesse (IVG) sont fréquents dans cette tranche d’âge.
On estime que 1 000 jeunes filles de 12 à 14 ans sont enceintes chaque année en France. Parmi ces grossesses, « 770 se concluent par une IVG », précise l’avant-projet.
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Citer cet article: Contraception chez l’adolescente: quelles nouveautés? - Medscape - 17 oct 2019.
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