POINT DE VUE

Détection de la FA par IA : des résultats spectaculaires

Pr Ph Gabriel Steg

Auteurs et déclarations

17 octobre 2019

Le blog du Pr Gabriel Steg – Cardiologue

TRANSCRIPTION

Gabriel Steg — Bonjour. Aujourd’hui, je voudrais vous parler de détection de la fibrillation atriale par intelligence artificielle.

La question de la détection de la fibrillation atriale paroxystique est un sujet important et difficile. On sait qu’un grand nombre de sujets ne ressentent pas les épisodes de fibrillation atriale et, même lorsqu’ils les ressentent, de façon d’ailleurs très variable, la capacité que nous avons de les enregistrer est limitée, même dans les circonstances où cela est très important comme, par exemple, les embolies cérébrales de cause inconnue.

C’est ce qui a amené à proposer des Holter de très longue durée, sur plusieurs semaines ou, même, l’implantation d’enregistreurs implantables temporaires pour essayer de capter les épisodes de fibrillation atriale dans la mesure où cela peut engendrer une décision de traitement anticoagulant pour prévenir soit un premier épisode, soit des récidives d’accidents emboliques cérébraux ou systémiques.

Nous savons également que l’électrocardiogramme de surface sur un enregistrement de quelques secondes est extrêmement plus rentable pour capter la fibrillation atriale. Pourtant, nous savons aussi que la fibrillation atriale ne survient pas au hasard — elle survient souvent en ayant été précédée de longues années d’hypertension artérielle, de distension des cavités, d’hypertrophie ventriculaire gauche, de distension de l’oreillette gauche, et que ces anomalies structurelles du cœur peuvent se manifester par des anomalies à peine visibles ou non visibles à l’œil nu sur l’électrocardiogramme, mais par des anomalies électriques qu’un ordinateur pourrait être capables de repérer.

Quand l’invisible devient visible

Des investigateurs de la Mayo clinique viennent de publier un travail extrêmement intéressant dans le Lancet du 1er août, plus exactement, mis en ligne le 1er août, cet été, qui vous a peut-être échappé pendant vos vacances, où ils se sont attachés à analyser des électrocardiogrammes en rythme sinusal pour voir si ces électrocardiogrammes présentaient des caractéristiques à l’analyse numérisée, qui permettaient de prédire l’existence d’une fibrillation atriale paroxystique ou la survenue à court terme d’une fibrillation atriale paroxystique en se fondant, précisément, sur des anomalies électriques invisibles à l’œil nu, mais qui pourraient témoigner d’anomalies structurelles du ventricule ou de l’oreillette[1].

Pour ce faire, ils ont analysé près de 600 000 électrocardiogrammes, plus de 600 000 électrocardiogrammes numérisés acquis à la Mayo clinique entre 1993 et 2015 chez plus de 200 000 patients.

Après avoir entraîné un réseau de neurones à détecter ces anomalies électrocardiographiques prédictives de fibrillation atriale, ils ont ensuite testé prospectivement sur une autre partie de leur cohorte le réseau de neurones et ils montrent qu’ils sont capables de détecter avec une sensibilité, une spécificité de près de 80 %, une précision d’environ 80 % l’existence d’une fibrillation atriale.

Enfin, lorsqu’ils prennent certains critères plus sensibles, ils peuvent même atteindre des aires sous la courbe en matière de performance diagnostique de près de 90 %. Donc une performance, elle aussi, extrêmement spectaculaire.

Des perspectives applicatives proches

Est-ce que demain nous allons pouvoir faire lire un électrocardiogramme en rythme sinusal et dire « ce patient a eu ou va avoir à court terme de la fibrillation atriale paroxystique » ? Nous n’en sommes pas encore tout à fait là, mais des perspectives très proches s’ouvrent, car ce type d’algorithme pourrait, sans trop de difficultés, être implanté dans les appareils d’enregistrement électrocardiographique, dans les ordinateurs qui les lisent, voire même sur un Smartphone, et permettre d’essayer d’améliorer la performance diagnostique très médiocre que nous avons sur l’électrocardiogramme de surface simple de courte durée pour prédire le risque.

Il restera, toutefois, à démontrer si la mise sous anticoagulants des patients qui ont ces caractéristiques est associée ou non à un bénéfice clinique.

En tout cas, voilà une application de l’intelligence artificielle extrêmement impressionnante, extrêmement spectaculaire, qui mérite confirmation, mais qui fait également réfléchir sur les possibilités thérapeutiques de ce type de technique en médecine.

 

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