Barcelone, Espagne – Le pronostic jusqu'à présent très sombre des patients atteints d'un mélanome métastatique est-il en train d'évoluer significativement ? La communauté d'oncologues qui était réunie à Barcelone veut y croire. Car aujourd'hui un patient sur deux atteint d'un mélanome métastatique est en vie à 5 ans avec un traitement reposant sur la combinaison d'ipilimumab (Yervoy®, Bristol-Myers Squibb) et de nivolumab (Opdivo®, Bristol-Myers Squibb). Les dernières données de survie de l'essai ChekMate 067, l'essai le plus long jamais conduit avec cette double immunothérapie, ont été annoncées lors de l’ESMO 2019 . Elles ont été publiées simultanément dans le New England Journal of Medicine (NEJM) [1].
« Dans le passé, le mélanome métastatique était perçu comme intraitable » a expliqué le Pr James Larkin (Royal Marsden NHS Foundation Trust, Londres), premier auteur de l'étude. Avant de poursuivre « les oncologues considéraient le mélanome comme un cancer différent des autres cancers qui ne pouvait être traité une fois disséminé. La chimiothérapie n'a jamais vraiment bien fonctionné. Ce traitement transforme la maladie avec un taux de guérison d'environ 50 %. La priorité maintenant est de trouver un moyen de guérir l'autre moitié des patients ».
Les résultats de Check Mate 067
L'étude a inclus 945 patients atteints d'un mélanome non traité de stade III ou IV. Pour mémoire, ils ont été répartis au hasard dans trois groupes : le groupe 1 recevait la combinaison « nivolumab + ipilimumab » (N = 314), le groupe 2 la combinaison « nivolumab + placebo » (N= 316), et le groupe 3 « ipilimumab+placebo » (N = 315), jusqu'à la progression ou une toxicité inacceptable. Les résultats sur les différents critères à 5 ans sont indiqués dans le tableau ci-dessous.
|
Groupe |
Groupe « nivolumab » |
Groupe « ipilimumab» |
Taux de survie à cinq ans |
52,0 % |
44,0 % |
26,0 % |
Survie sans progression |
36,0 % |
29,0 % |
8,0 % |
Taux de réponse objective (ORR) |
58,0 % |
45,0 % |
19,0 % |
Patients ayant reçu un autre traitement ultérieurement |
46,0 % |
59,0 % |
75,0 % |
« Cette étude nous apporte des données sur le suivi le plus long de patients traités avec la combinaison nivolumab + ipilimumab. Il est remarquable que plus de 50 % des patients avec une forme avancée de mélanome aient maintenant une survie à long-terme » a expliqué le Dr Michael Postow (oncologue spécialiste du mélanome, Memorial Sloan Kettering Cancer Center, New York City) à nos confrères de Medscape Medical News. Il a salué le caractère historique de cette avancée.
Une étape majeure pour le Pr Larkin également qui rappelle le contexte : « Il y a dix ans, la survie à cinq ans était de 5 %. Avec l'ipilimumab en monothérapie, qui est utilisé depuis une dizaine d'années, environ 20 % des patients sont des « survivants à long terme » et les autres ne restent en vie que six à neuf mois ».
Quid des effets secondaires ?
L'immunothérapie est une avancée majeure en cancérologie mais ses effets secondaires sont une limitation dont les oncologues ont bien conscience. Quand il s'agit de combinaison, la question se pose d'autant plus.
« On sait que l'association de deux médicaments d'immunothérapie peut engendrer des effets indésirables importants. Certains patients sont d'ailleurs obligés d'arrêter leur traitement » rappelle le Pr Larkin. « Mais pour ceux qui ont arrêté leur traitement à cause des effets indésirables, cela n'a pas compromis la réussite du traitement. Autrement dit, les résultats pour ceux ayant abandonné le traitement à cause des effets indésirables sont aussi bons que pour ceux qui ont poursuivi le traitement. Une des notions clef concernant les immunothérapies est qu'elles sont capables de ré-éduquer le système immunitaire, même avec une courte durée de traitement. Cela contraste avec la chimiothérapie qui, pour assurer son efficacité, nécessite que tous les cycles soient faits » a-t-il détaillé.
Cela dit, aucun nouveau signe d'alerte concernant la sécurité, ni de décès lié au traitement n'ont été répertoriés au cours de ces cinq années de suivi.
Quels sont les patients concernés ?
Aujourd'hui, les oncologues ne disposent pas d'outil pour cibler les patients qui bénéficieraient de cette association d'immunothérapies. Autrement dit, on ne sait pas encore identifier les patients qui tireraient avantage de la combinaison.
Néanmoins, pour le Dr Postow, la combination nivolumab et ipilimumab est vraiment le traitement fiable de préférence chez les patients avec un mélanome avancé, en particulier s’ils présentent des métastases cérébrales.
C’est ce qui ressort de l'essai ABC (Anti-PD1 Brain Collaboration), également présenté à l'ESMO 2019 (NCT02374242), et qui a montré sur un petit nombre de patients pour le moment, l'intérêt la combinaison nivolumab+ipilimumab, versus le nivolumab seul, chez des patients avec des métastases cérébrales.
« Les deux molécules ont un rôle à jouer dans le traitement du mélanome métastatique et, pour certains patients, le choix sera de les donner en combinaison. Pour d'autres, la décision thérapeutique pourrait être de donner les molécules de façon séquentielle » a expliqué James Larkin.
« Nous devons maintenant trouver un moyen pour identifier (ces patients) et voir si de nouveaux modes d'administration de l'ipilimumab et du nivolumab sont susceptibles de conserver l'efficacité anti-tumorale tout en diminuant les effets secondaires » a avancé Michael Postow.
Essayer encore d’autres types de combinaison
Lors de la discussion en présentation plénière, le Dr Ulrich Keilholz (Charité Comprehensive Cancer Center, Berlin, Allemagne), a déclaré que CheckMate 067 ré-actualisée constituait une excellente étude, car « il est très utile de disposer de données robustes sur 5 ans » et que la médiane de survie globale sur 60 mois était « une grand succès » pour les patients atteints de mélanome métastatique. Les prochaines questions vont être de de savoir si d’autres types de traitements combinés peuvent améliorer les résultats, a affirmé le Pr Keilholz. « Les résultats obtenus jusqu'ici avec les inhibiteurs d’indoléamine 2,3-dioxygenase (IDO) sont négatifs. D’autres immunothérapies combinées multiples sont à l'étude. La philosophie de l’immunothérapie ciblée n’est encore que partiellement développée ». de fait, il s’est demandé si la combinaison d'inhibiteurs de points de contrôle et d'inhibiteurs de MAPK (BRAF/MEK/ERK) pourrait être efficace.
L’étude a été financée par Bristol-Myers Squibb.
Le Pr Larkin a déclaré des liens d'intérêt avec Aduro, Amgen, Array, Achilles Therapeutics, AstraZeneca, Boston Biomedicals, Bristol-Myers Squibb, Eisai, EUSA Pharma, Imugen, IOnctura, Ipsen, Kymab, Merck Serono, MSD, Nektar, Novartis, Pierre Fabre, Pfizer, Roche/Genentech, Secarna et Vitaccess. Le Dr Postow a des liens d'intérêt avec BMS, Merck, RGenix, Infinity, AstraZeneca, Novartis, Array BioPharma, Aduro, Incyte, et NewLink Genetics.
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Citer cet article: Mélanome métastatique : 1 patient sur 2 en vie à 5 ans avec la combinaison NIVO-IPI (Check Mate 067) - Medscape - 4 oct 2019.
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