Cancer du sein avancé : MONALEESA 3 et MONARCH 2 confirment la place des inhibiteurs CDK4/6 en 1ère ligne

Aude Lecrubier

1er octobre 2019

COLLABORATION EDITORIALE

Medscape &

Barcelone, Espagne— Les données de survie globale des inhibiteurs de CDK4/6 abémaciclib (Verzenio®, Eli Lilly) et ribociclib (Kisqali®, Novartis) dans le cancer du sein avancé HR+, HER2- sont positives. Elles ont été présentées en session présidentielle lors de l’ESMO 2019 [1,2,3] et confirment les bons résultats déjà obtenus en survie sans progression pour ces deux molécules et un autre anti CDK4/6, le palbociclib (Ibrance®, Pfizer, étude PALOMA-3[4], ESMO 2018).

« Ces nouvelles données, avec celles observées auparavant avec le palbociclib, renforcent l’idée que dans le cancer métastatique nous devrions débuter le traitement avec un inhibiteur de CDK4/6 en sus d’une hormonothérapie parce que ces agents améliorent substantiellement les résultats des patientes comparé à l’hormonothérapie seule », a commenté le Pr Nadia Harbeck (Université de Munich, Allemagne) lors de la conférence de presse de l’ESMO. « Nous ne pouvons jamais garantir que les patientes pourront recevoir un traitement de deuxième ligne. Nous devons donner les meilleurs traitements dès le début », a-t-elle renchéri.

« Ces molécules ayant déjà obtenu une AMM en première ligne dans cette indication sur les données de survie sans progression, ces résultats ne vont pas changer les pratiques », a commenté le Dr Paul Cottu (Institut Curie, Paris) dans le cadre du partenariat Medscape édition française/ Société Française du Cancer.

« Elles confirment, toutefois, la valeur globale de ces molécules et montrent qu’elles peuvent être données y compris en deuxième ligne chez les patientes qui n’ont pas pu recevoir ces agents plus précocement pour de multiples raisons », explique-t-il. 

L’oncologue précise que « les trois études sur les inhibiteurs CDK4/6 prises individuellement n’avaient pas la puissance nécessaire pour évaluer la survie globale, mais que la même tendance a été observée dans les trois essais, ce qui confirme le bénéfice ». 

MONALEESA-3, MONARCH-2 : deux populations différentes

Les deux essais randomisés de phase trois, MONALEESA-3 et MONARCH-2 ont été menés dans différentes populations de patientes avec deux inhibiteurs de CDK4/6.

Dans l’essai randomisé MONARCH-2, l’association abémaciclib plus fulvestrant a été comparée au fulvestrant + placebo chez 669 patientes avec un cancer du sein avancé, résistant à l’hormonothérapie, ménopausées ou non.

Dans l'essai randomisé MONALEESA-3, l’association ribociclib et fulvestrant a été comparée au fulvestrant seul en première ou seconde ligne de traitement chez 725 patientes ménopausées.

Notons qu’en juin, à l’ASCO 2019, l’étude MONALEESA-7 a montré qu’ajouter le ribociclib au traitement endocrinien de première intention améliore de manière significative la survie globale chez les femmes non-ménopausées (RR=0,71, p=0,00973).

MONALEESA-3 : le ribociclib efficace en première et deuxième ligne

Dans MONALEESA-3, 726 femmes atteintes d’un cancer HR+, HER2- ont été randomisées pour recevoir soit du ribociclib (oral) pendant 3 semaines par mois en sus du fulvestrant (n=484), soit le fulvestrant seul (n=242). Environ la moitié des patientes ont reçu ces traitements en première ligne.

Après un suivi moyen de 39,4 mois, sur l’ensemble des patientes, la survie sans progression était en moyenne de 20,6 mois dans le bras ribociclib versus 12,8 mois dans le bras sans (RR=0,59).

En parallèle, la survie globale était prolongée dans le bras ribociclib versus placebo (non atteinte versus 40 mois, RR=0,72, IC95% 0,57-0,92, p=0,0045).

Pour le sous-groupe de patientes recevant le traitement en première ligne, la survie globale moyenne n’était pas atteinte dans le groupe traitement actif versus 45,1 mois dans le bras placebo (RR=0,70, IC95% : 0,48 à 1).

Et, dans le sous-groupe de patientes en deuxième ligne, la survie globale moyenne était de 40,2 versus 32,5 mois (RR=0,73, IC95% : 0,53 à 1).

Le bénéfice était donc observé chez les femmes qu’elles aient ou non déjà reçu une hormonothérapie.

« Jusqu’ici, certains experts pensaient qu’il fallait traiter en premier par hormonothérapie seule et en cas de rechute, ajouter des agents comme les anti- CDK4/6. Les résultats de MONALEESA-3 montrent que si les patientes ménopausées reçoivent un anti-CDK4/6 dès le départ, il y a un bénéfice très significatif en termes de survie globale », a expliqué le Pr Dennis Slamon (Université de California Los Angeles, Etats-Unis) lors de la conférence de presse de l’ESMO.

« Il s’agit de la première fois que nous observons une amélioration de la survie globale en première ligne avec l’association d’un anti-CDK4/6 et du fulvestrant », a renchérit le Dr Matteo Lambertini (hôpital San Martino Hospital, Université de Gênes, Italie).

A noter aussi, le délai avant chimiothérapie était plus long dans le bras ribociclib (non atteint versus 29,5 mois).

MONARCH-2 : un bénéfice chez les femmes ménopausées et non-ménopausées

Dans l’essai randomisé MONARCH-2, l’association abémaciclib 150 mg 2x/j plus fulvestrant 500 mg a été comparée au fulvestrant + placebo (2 :1) chez 669 patientes avec un cancer du sein avancé, résistant à l’hormonothérapie (1 seule ligne), ménopausées ou non.

Après 47,7 mois de suivi, les données de survie sans progression étaient similaires à celles présentées lors de l’ESMO 2018 (20,9% vs 10,1% à 3 ans).

La survie globale moyenne (critère secondaire) était 46,7 mois dans le bras abémaciclib + fulvestrant versus 37,3 mois dans le bras placebo, soit un gain de plus de neuf mois (RR =0,757; IC 95% : 0,606 à 0,945; p = 0,0137).

Le gain en survie globale était également observé dans les sous-groupes de patientes avec un mauvais pronostic : métastases viscérales (RR=0,67) et résistance à l’hormonothérapie.

Le délai moyen avant une nouvelle progression de la maladie était plus long dans le bras abémacliclib (23,1 mois versus 20, 6 mois).

Aussi, le délai moyen avant chimiothérapie était prolongé chez les patientes qui avaient reçu l’anti CDK4/6 (50,2 mois dans le bras abémaciclib + fluvestrant versus 22,1 mois avec le fulvestrant + placebo ; RR=0,62, p=0,0001). Et, la durée moyenne de survie sans chimiothérapie était statistiquement plus longue avec l’abémaciclib : 25,5 mois versus 18,2 mois.

Quels effets secondaires ?

Concernant le profil de tolérance, les nouvelles données ont montré qu’il était similaire à ce qui avait été observé dans les études précédentes.

Données de toxicité : MONALEESA-3 

Effets indésirables

Ribociclib vs Placebo (%)

Neutropénie

57,1 % vs 0,8%

Toxicité hépatobiliaire

13,7% vs 5,8%

EI pulmonaires

0,2% vs 0%

Absence de pneumonies et de maladies interstitielles pulmonaires

Allongement du QT

3,1% vs 1,2 %

Pas d’épisodes de torsades de pointes observés

 

Données de toxicité : MONARCH-2

Effets indésirables grade 3

Abémaciclib vs Placebo (%)

Neutropénie

29,9 % vs 1,7 %

Anémie

9,1 % vs 1,3 %

Leucopénie

11,1 % vs 0%

Thrombocytopénie

3,4 % vs 0%

Diarrhée

14,5% vs 0,4%

Fatigue

4,1 % vs 0,9 %

 

La plupart des diarrhées sont survenues au cours du premier mois de traitement par abémaciclib et ont été facilement gérées par lopéramide et des ajustements de dose. Les arrêts de traitement en raison de diarrhées ont été peu fréquents (1,4%).

« Avec plus de recul, nous observons qu’il n’y a pas plus de toxicité que dans les essais sur la PFS. Il s’agit d’un point intéressant parce que cela signifie que nous pouvons donner ces médicaments de manière prolongée aux patientes », a commenté le Dr Cottu.

Anti-CDK4/6 dans le cancer du sein avancé HR+, HER2- : comment choisir ?

L’ensemble de ces résultats positifs montrent qu’il est désormais possible de choisir entre les trois ciclibs sans différence apparente en termes d’efficacité. En dehors des questions de coût et d’accessibilité, ce sont donc les profils de toxicité qui peuvent orienter la prise de décision.

« Les différences en termes de toxicité sont à la marge mais elles sont intéressantes pour choisir le traitement sur le plan individuel », a souligné le Dr Cottu.

« Globalement, tous les ciclibs sont associés à la survenue de neutropénies même s’il semble que l’abémaciclib en induise moins que les deux autres. En revanche, le palbociclib et l’abémaciclib semblent associés à plus de diarrhées. Enfin, le ribociclib a été associé à de rares EI pulmonaires et à des allongements du QT » a-t-il précisé.

Interrogés sur la possibilité de guider le choix thérapeutique en fonction de possibles résistances à l’un ou à l’autre des ciclib, le panel d’experts a indiqué que la résistance semblait « croisée » et « qu’il semblait qu’un patient résistant à un ciclib le soit également aux autres ».

 

Liens d’intérêt

Monarch a été financée par Eli Lilly. Monaleesa par Novartis.

G.W. Sledge: Eli Lilly.

Nadia Harbeck a des liens d'intérêt avec Eli-Lilly, Novartis, Pfizer.

Paul Cottu a des liens d'intérêt avec AstraZeneca

Matteo Lambertini a des liens d'intérêt avec Teva, Theramex

Dennis Slamon a des liens d’intérêt avec Biomarin, Pfizer, Vretex, Novartis, et Lilly.

 

 

 

 

 

 

 

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